(4 février)
I. Saint Ignace était disciple de saint Jean, et évêque d’Antioche. Il écrivit à la Vierge Marie une lettre ainsi conçue : « À Marie, qui a porté le Christ, son humble serviteur Ignace. En ma qualité de néophyte et de disciple de Jean, à qui ton Fils t’a confiée en mourant, je viens te demander réconfort et consolation. Car j’ai entendu raconter les choses les plus extraordinaires au sujet de ton fils Jésus, et j’hésite à les croire. Et je te demande, à toi qui l’as toujours connu de près et qui as su ses secrets, de me confirmer la vérité de ce que j’ai entendu. Adieu ! Les néophytes qui sont ici avec moi attendent aussi de toi leur réconfort. » Et la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, lui répondit en ces termes : « À Ignace, disciple aimé, l’humble servante de Jésus-Christ. Ce que Jean t’a raconté et appris de Jésus, tout cela est vrai. Crois-y fermement, et garde ton vœu de chrétienté, et conforme à ce vœu tes actes et tes sentiments ! J’irai d’ailleurs te voir ainsi que Jean et tous ceux qui sont avec toi. Persévère courageusement dans ta foi ; et que la persécution ne te trouble pas, mais que ton esprit fleurisse et exulte dans le Dieu sauveur ! Amen. »
II. Saint Ignace s’acquit une telle autorité que même l’admirable et parfait docteur saint Denis, disciple de l’apôtre Paul, ne dédaigna pas d’invoquer son témoignage pour la confirmation de ses paroles. Il nous dit, en effet lui-même, dans son livre sur les noms de Dieu, que quelques-uns ont objecté que le mot d’amour n’était pas de mise pour définir le sentiment du chrétien à l’égard de Dieu ; mais, pour réfuter cette objection, il ajoute, « Saint Ignace n’a-t-il pas écrit que son amour était crucifié ? »
III. On lit, dans l’Histoire tripartite, que saint Ignace entendit un jour des anges qui, debout sur une montagne, chantaient des antiennes. C’est alors qu’il résolut de faire chanter des antiennes à l’église, et de faire entonner les psaumes d’après les antiennes.
IV. Et, après avoir longtemps prié pour la paix des églises, redoutant les dangers non pour soi-même, mais pour les faibles, il se présenta devant l’empereur Trajan, fier de ses victoires, et qui menaçait de mort tous les chrétiens. Et saint Ignace déclara à Trajan qu’il était chrétien ; sur quoi l’empereur le fit lier de chaînes, le confia à la garde de dix soldats, et l’envoya à Rome, en lui signifiant que, là, il serait livré en pâture aux bêtes. Et, pendant qu’on le conduisait à Rome, il écrivait des lettres à toutes les églises, pour les fortifier dans la foi du Christ. Dans une de ces lettres, adressée à l’église de Rome, il priait cette église de ne rien faire pour s’opposer à son martyre. Et il ajoutait : « Depuis la Syrie jusqu’à Rome, je lutte déjà contre des bêtes féroces : car je suis gardé par dix soldats plus cruels que des léopards ; mais leur cruauté est pour moi pleine d’instruction. Et quant aux bêtes bienfaisantes que l’on prépare pour moi à Rome, j’ai hâte qu’on les lâche sur moi, j’ai hâte de leur offrir ma chair en pâture ! Je les inviterai à me dévorer. Je les supplierai de ne pas craindre de toucher mon corps, comme elles ont fait parfois pour d’autres martyrs. Mes chers frères, pardonnez-moi, mais je sais mieux que personne ce qui me convient. Le feu, la croix, les bêtes, la rupture des os, le morcellement de tous les membres, et tous les supplices que le diable pourra inventer, c’est tout cela qui me convient, car tout cela me rendra digne d’être admis en présence de Jésus ! »
À Rome, Trajan le fit venir, et lui dit : « Ignace, pourquoi excites-tu à la révolte mes sujets d’Antioche et les convertis-tu à la foi chrétienne ? » Et Ignace : « Plût à Dieu que je pusse t’y convertir, toi aussi ; car tu obtiendrais à ce prix le seul pouvoir réel et durable ! » Et Trajan : « Sacrifie aux dieux, et je te nommerai le premier de mes prêtres ! » Et Ignace : « Je ne sacrifierai pas à tes dieux, et je n’ai que faire du titre que tu m’offres. Fais de moi ce que tu voudras, rien ne parviendra à me changer ! » Alors Trajan dit aux bourreaux : « Frappez-lui les épaules d’un fouet muni de plomb, déchirez-lui les côtes de pointes de fer, et frottez ses plaies de pierres aiguës ! » Et comme, sous tous ces tourments, Ignace restait inflexible, Trajan dit : « Qu’on apporte des charbons ardents et qu’on le fasse marcher sur eux, pieds nus ! » Et Ignace : « Ni le feu ni l’eau bouillante ne pourront éteindre en moi l’amour de Jésus-Christ ! » Et Trajan : « C’est la sorcellerie qui te permet de résister aux supplices que je t’impose ! » Mais Ignace : « Non, les chrétiens ne sont point des sorciers, et notre loi n’a rien de commun avec la sorcellerie ; et c’est vous qui pratiquez le maléfice, en adorant les idoles ! » Alors Trajan dit : « Déchirez-lui le dos avec des ongles de fer, et envenimez les plaies en y jetant du sel ! Mais Ignace se borna à dire : « Que sont les souffrances de ce monde en comparaison de la gloire future ? » Alors Trajan lui fit remettre des chaînes, le fit enfermer au fond d’un cachot, défendit qu’on lui donnât à manger ni à boire, et déclara que, trois jours après, on le livrerait aux bêtes dans le cirque.
Donc, trois jours après, l’empereur, le sénat, et tout le peuple se rendirent au cirque pour voir le combat de l’évêque d’Antioche et des bêtes féroces. Et Trajan dit : « Puisque cet Ignace montre tant d’orgueil et d’obstination, qu’on lui lie les membres et qu’on lâche sur lui deux lions, afin que rien ne reste de son misérable corps ! » Et Ignace, se tournant vers la foule, lui dit : « Romains qui assistez à ce combat, sachez que ma peine n’est point sans récompense, car ce n’est point pour ma dépravation, mais pour ma piété que je souffre ici ! » Et il dit encore, d’après ce que rapporte l’Histoire ecclésiastique : « Je suis le froment du Christ, et les dents des bêtes vont me broyer afin de me changer en un pain savoureux ! » Ce qu’entendant, l’empereur dit : « Grande est la patience de ces chrétiens ! Où est le Grec qui souffrirait tout cela pour son Dieu ! » Et Ignace lui répondit : « Ce n’est point ma propre vertu qui me donne la force de souffrir, mais l’aide du Christ ! » Après quoi il se mit à provoquer les lions pour les contraindre à le dévorer. Et les deux terribles lions s’élancèrent enfin sur lui et l’étranglèrent ; mais rien ne put les forcer à manger sa chair. Et Trajan, à ce spectacle, fut rempli d’étonnement. Il quitta le cirque, après avoir ordonné qu’on ne s’opposât pas à ceux qui voudraient enlever le corps d’Ignace. Et les chrétiens enlevèrent ce corps, et l’ensevelirent avec honneur. Et, quelque temps après, Trajan reçut une lettre de Pline le Jeune, où celui-ci intercédait en faveur des chrétiens, louant fort leurs vertus. Alors l’empereur eut regret des maux qu’il avait infligés à Ignace ; et il décida que, désormais, les chrétiens ne seraient plus recherchés, mais qu’on punirait seulement ceux qui feraient profession publique de leur foi.
V. Et l’on raconte encore que saint Ignace, parmi tous les tourments qu’il eut à subir, ne cessa point d’invoquer le nom de Jésus-Christ. Et comme ses bourreaux lui demandaient pourquoi il répétait si souvent ce nom, il répondit : « C’est que je porte ce nom inscrit dans mon cœur ! » Et en effet, après sa mort, on ouvrit son cœur, et on y trouva le nom de Jésus-Christ écrit en lettres d’or. Et, à la vue de ce miracle, de nombreux païens se convertirent.
Saint Bernard dit de ce saint, à propos du psaume Qui habitat : « Le grand saint Ignace, élève du disciple préféré de Jésus, et martyr lui-même, saluait Marie, dans les lettres qu’il lui écrivait, du nom de Porte-Christ, Titre en vérité admirable, et commémoration d’un honneur infini ! »