Théologie Systématique – II. Apologétique et Canonique

1.3.1. Premier degré de la régression. Du fait contemporain à la fondation de l’Eglise chrétienne

La chrétienté actuelle présente le singulier spectacle d’une religion qui rapporte ses origines à une autre qu’elle repousse et qui la repousse ; d’une communauté comprenant le quart de l’humanité, qui rattache obstinément ses destinées à celles d’une petite nation aujourd’hui dispersée en même temps qu’isolée au milieu de toutes les autres, toujours vivace et fidèle à son caractère propre, redoutée ou méprisée, et depuis des milliers d’années toujours haïe — omnibus odiosa, — laquelle elle-même se réclame d’un ancêtre, chef d’une petite tribu émigrée il y a quatre mille ans de l’extrême Orient sur les bords du Jourdain, et se trouve être ainsi le seul débris, le seul témoin, le seul monument existant de cette haute antiquité, dont elle a traversé toutes les époques. Ce qui ajoute, disons-nous, à l’étrangeté du cas, c’est que cette petite nation, honnie et haïe, repousse bien loin d’elle avec horreur le seul honneur que la chrétienté consente à lui faire ; elle rejette les prérogatives que les livres chrétiens lui attribuent, et elle conserve avec un soin jaloux et dans leur antique appareil les documents qui, avec une persistance, une précision et une impartialité implacables et uniques dans le domaine de l’historiographie, ont transmis à la postérité le souvenir des fautes commises, des hontes et des défaites subies par les plus illustres de ses ancêtres ; les traditions qui rafraîchissent constamment dans la mémoire des générations les menaces qui lui ont été adressées par ses anciens poètes et orateurs, plus sévères à leurs compatriotes que leurs voisins et leurs rivaux eux-mêmes.

Et ce peuple, le plus ancien de tous, qui s’est toujours multiplié extraordinairement sous toutes les oppressions, depuis celles de l’Egypte il y a 3500 ans jusqu’aux persécutions que lui font subir la Russie et la Grèce sous nos yeux, a conservé jusqu’à aujourd’hui aussi, avec sa langue dont il garde le dépôt tout en parlant tous les idiomes modernes, les caractères physiologiques qui font reconnaître ses traits sur les monuments récemment exhumés de l’ancienne Egypte, et les caractères moraux qui ont distingué cette race dès son apparition sur la scène. Tel apparut Jacob, rusé, mercantile et supplanteur, tels sont jugés ses descendants jusque dans cette fin de siècle, et les reproches adressés à l’ancêtre par son frère Esaü sont répétés avec de légères variantes de nos jours par MM. Stöcker, Drummond et le Dr Henrici. Après quatre mille ans de l’existence la plus agitée, ce peuple a réussi depuis dix ans à redevenir un problème, un des éléments les plus importants du mouvement social qui travaille toute l’humanité civilisée, et plus spécialement les deux plus puissants empires de l’Europe. Le peuple allemand s’est plaint, au lendemain même de ses victoires et de la reconstitution de son empire, d’être envahi sur toute la ligne et vaincu dans ses propres foyers. On voit le Juif occuper là et ailleurs les avenues de la richesse, de l’influence et du pouvoir ; il règne dans les banques ; il siège dans les parlements ; il distribue sa pensée, ses théories et ses haines dans la presse quotidienne. Comme jadis Alcibiade à Athènes, on le hait et il paraît qu’on ne peut se passer de lui. L’on vient de célébrer l’anniversaire de la mort d’un des fils de cette race asservie par tant d’empires, qui, il y a dix ans, envoyait des ordres de Londres en Inde, en Afrique et en Australie, et pouvait se vanter que le soleil ne se couchait pas sur les pays soumis à son administration.

Bien plus, nous assistons aujourd’hui à la réalisation des vœux les plus extravagants des anciens penseurs et poètes de ce peuple, proférés à l’époque où il ne figurait sur la carte du monde que comme un royaume chancelant, toujours menacé et finalement extirpé du sol. « Iles, écoutez-moi, et vous peuples éloignés, soyez attentifs », disait Jéhovah par la bouche d’Esaïe (Ésaïe 49.1) ; et aujourd’hui le nom de Jéhovah est reconnu et adoré jusque dans les îles les plus lointaines de l’Océan Pacifique. « Bénie soit l’Egypte mon peuple, et Assur l’ouvrage de mes mains » (Ésaïe 19.25), et déjà nous voyons l’Egypte et l’Inde rangées sous le sceptre d’une nation qui invoque le nom du Dieu vainqueur de Pharaon et de Sanchérib. Nous voyons l’Europe, l’Amérique, l’Australie, l’Afrique et la moitié de l’Asie, quatre continents et demi sur cinq, annexées au royaume du Fils de la tribu de Juda, courbées sous la domination du Messie d’Israël.

A quelle date faut-il remonter pour saisir le point de cette étrange bifurcation de la race sémitique et de la chrétienté ? De l’aveu de tout le monde, ce moment est celui de l’apparition de Jésus de Nazareth qui naquit au sein de cette race et dans les plus basses de ses couches sociales, et périt à Jérusalem vers l’an 30 de notre ère aux acclamations de la nation des Juifs et de ses chefs. Un des faits les mieux attestés de l’histoire ancienne, et d’ailleurs aussi reconnu de tout le monde, c’est que l’Eglise chrétienne, fondée à Jérusalem quelques semaines après cette catastrophe, fut composée d’abord exclusivement de juifs ; que ses premiers maîtres, les apôtres, comme Jésus lui-même, furent juif ». Or le principal objet de la dispute qui éclata entre eux et leurs anciens coreligionnaires et compatriotes fut que les anciens oracles de la nation se trouvaient accomplis en Jésus, selon les uns, tandis que la masse de la nation, à la suite de ses chefs, persista à soutenir le contraire, et continua dès lors à maudire le Messie qu’elle avait crucifié, et qu’un grand nombre de gentils avaient au contraire reconnu. Tel est, disons-nous, l’objet primordial et permanent du désaccord existant jusqu’à cette heure entre la chrétienté et la race juive, et dont Pascal, entre autres, s’est fait il y a deux siècles l’éloquent interprète dans les paroles suivantes :

« Plus je les examine (les Juifs), plus j’y trouve de vérités : ce qui a précédé et ce qui a suivi (l’avènement du Christ) ; enfin eux sans idoles ni roi, et cette synagogue qui est prédite, et ces misérables qui la suivent, et qui, étant nos ennemis, sont d’admirables témoins de la vérité de ces prophéties, où leur misère et leur aveuglement même est prédit. Je trouve cet enchaînement, cette religion toute divine dans son autorité, dans sa durée, dans sa perpétuité, dans sa morale, dans sa conduite, dans sa doctrine, dans ses effets, et les ténèbres des Juifs effroyables et prédites : Eris palpans in meridie. Dabitur liber scienti litteras et dicet, non possum legere. »

En présence de tant de faits extraordinaires, l’embarras du grand Frédéric qui arrêtait court ses plaisanteries contre la religion lorsque le prédicateur de la cour lui citait les Juifs, nous paraîtra justifié.

Toutefois le judaïsme est depuis des siècles atteint d’une infirmité grave que la période antérieure de son histoire n’avait pas connue. Pour lui, le temps du prosélytisme jadis si actif, des conquêtes religieuses sur la gentilité, si nombreuses jusqu’à l’avènement du christianisme, semble dès longtemps et définitivement passé. A l’inverse de ce qui se passait durant la première dispersion d’Israël et contrairement à sa véritable destinée, il se trouve que depuis dix-huit siècles, et à l’heure actuelle plus que jamais, la puissance d’expansion de la nation juive dans le domaine religieux semble diminuée de tout ce dont elle s’est accrue dans tous les autres départements de l’activité humaine, et la vie religieuse du judaïsme est renfermée tout entière dans l’enceinte de la race juive.

Appendice E  : Sur la race juive.

Après avoir rapporté le monothéisme israélite à une idiosyncrasie de race, on sait que M. Renan a fini par nier tout à fait l’existence même d’une race juive. Dans une étude récente, M. Leroy-Beaulieu a l’air de vouloir défendre la même thèse, mais par des raisons insuffisantes, entremêlées d’aveux qui rétablissent le fait contesté, l’existence d’une race juive ou sémitique. La raison insuffisante est le fait qui n’a jamais été contesté par personne, non pas même par les Juifs contemporains de Jean-Baptiste, que la race abrahamitique et israélite ne s’est pas conservée à travers les siècles absolument pure de tout mélange, sans l’addition de la moindre goutte de sang étranger. Exode 12.38 disait déjà le contraire avant les cas de Rahab et de Ruth. Il suffit de constater qu’ici comme ailleurs ces molécules étrangères ont été constamment entraînées et assimilées par le courant indigène.

L’auteur continue par l’aveu suivant :

« Aujourd’hui même, c’est une question de savoir s’il y a un type juif dominant, que l’on peut, si l’on veut, appeler type sémitique. Rembrandt nous en a laissé à l’Hermitage d’admirables études. Le visage long et le plus souvent ovale, le front étroit, les sourcils arrondis et relevés, les yeux parfois clignotants et les paupières lourdes, comme à demi-fermées, le nez long, busqué et serré à la base ; les lèvres minces, le menton plutôt fuyant, tel est, me semble-t-il, le type classique du Juif (déjà reconnaissable, ajoutons-nous, sur les monuments de l’Egypte et de l’Assyrie). »

(Revue des Deux-Mondes, 1er mai 1891. Les Juifs et l’Antisémitisme.)

*

La situation présente de l’Eglise chrétienne forme avec les destinées actuelles de sa sœur aînée, la nation juive, le plus absolu contraste. Répandue comme elle d’un bout de la terre à l’autre, elle y poursuit partout le cours de ses conquêtes, et même l’œuvre séculaire de la mission chrétienne paraît entrer sous nos yeux mêmes et dans les vingt dernières années dans une phase toute nouvelle et grosse de conséquences. A l’évangélisation des nations païennes faite si longtemps par la voie individuelle, par le ministère de pionniers armés de la seule parole du salut, a succédé le procédé de la colonisation par les principales nations chrétiennes de l’Europe des vastes territoires livrés si longtemps à toutes les horreurs de la barbarie ; et tout en avouant l’inévitable mélange que ce nouveau procédé de christianisation de l’humanité païenne comporte avec lui, et sans même dissimuler les inquiétudes légitimes que nous cause l’intervention de la puissance matérielle et des agents de la civilisation européenne dans des domaines ouverts jusqu’ici au seul dévouement et à la parole des missionnaires, nous ne saurions cependant méconnaître les ressources nouvelles mises ainsi au service de la cause du christianisme, et qui augmentent et accélèrent si fort les chances de voir la terre entière conquise et gagnée par le nom de Jésus-Christ.

Mais ce n’est pas seulement par son extension dans l’espace que le principe chrétien manifeste sa puissance sous nos yeux ; c’est par son action intensive sur les sociétés et sur les individus. Tel le levain soulevant la pâte, l’esprit chrétien a transformé et transforme de siècle en siècle les lois, les mœurs et les conditions terrestres des nations soumises à son influence ; entre elles et les autres, le regard le plus superficiel aperçoit un fossé grandissant : ici le progrès, là la décadence ; ici, émancipation de la femme, de l’esclave, du citoyen ; relèvement des opprimés ; adoucissement des mœurs publiques ; là, esclavage, absolutisme et cruauté ; et la plus arriérée des nations chrétiennes se montre à ces différents égards supérieure à toute civilisation ancienne ou moderne dominée par le paganisme ou le mahométisme.

Mais que seraient encore ces effets sociaux du christianisme, et comment seraient-ils même concevables sans ses effets individuels et intérieurs dans le petit nombre des âmes élues et fidèles ? L’Evangile annoncé aux pauvres, les consciences soulagées, les pécheurs régénérés, les vicieux affranchis, les faibles victorieux, les affligés consolés, les mourants triomphants, tel est encore aujourd’hui, comme au temps de Jésus-Christ, de Jean-Baptiste et de saint Paul, le prodige suprême, supérieur à toute purification de lépreux, à toute résurrection de morts et à toutes les transformations sociales de l’humanité christianisée.

Cette puissance à la fois sociale et individuelle du christianisme et de l’Eglise chrétienne qui est son organe sur la terre, a frappé un des représentants les plus renommés de l’incrédulité moderne, mais trop avisé pour fermer les yeux à l’évidence. M. Taine vient d’écrire les lignes suivantes :

« A côté et en dehors de l’Etat, les Eglises sont dans la nation les grandes puissances ; non seulement leur domaine est autre que le sien, mais encore il est bien plus vaste et plus profond. Par delà la patrie temporelle et le court fragment d’histoire humaine que perçoivent les yeux de la chair, elles embrassent et présentent aux yeux de l’esprit le monde entier et sa cause suprême, l’ordonnance totale des choses, les perspectives infinies de l’éternité passée et de l’éternité future. Par dessous les actions corporelles et intermittentes que la puissance civile prescrit et conduit, elles gouvernent l’imagination, la conscience et le cœur, toute la vie intime, tout le travail sourd et continu dont nos actes visibles ne sont que les expressions incomplètes et les rares explosions. A vrai dire, même lorsqu’elles se limitent volontairement et de bonne foi, leur domaine n’a pas de limites ; elles ont beau déclarer, si elles sont chrétiennes, que leur royaume n’est pas de ce monde ; il en est puisqu’elles y sont maîtresses de dogme et de morale ; elles y enseignent et elles y commandent. Dans leur conception totale des choses divines et humaines, l’Etat a sa place, comme un chapitre dans un livre, et ce qu’elles disent dans ce chapitre est pour lui d’importance capitale. Car elles y écrivent ses droits et ses devoirs, les droits et les devoirs de ses sujets, un plan plus ou moins complet d’ordre civil… Tout calcul politique est faux, si elle est omise ou traitée comme une quantité négligeable, et un chef d’Etat est tenu d’en comprendre la nature, s’il veut en évaluer la grandeurh. »

hRevue des Deux-Mondes, n° du 1er mai 1891, pages 5 et 6. La reconstruction de la France en 1800.

Ce qui nous étonne le plus dans les étonnants succès remportés par l’Eglise chrétienne sur la terre et au sein de l’humanité, c’est qu’elle-même n’en est point étonnée, et qu’elle compte sur de plus éclatants et de plus décisifs d’ici au terme de l’économie actuelle. A un moment et dans des circonstances où cette prédiction pouvait paraître le rêve d’une imagination en délire, le fondateur de la religion avait annoncé que son Evangile serait porté à toutes les nations, et il comparait son royaume tour à tour à un imperceptible germe destiné à abriter toutes les nations dans l’entrelacement de ses futurs rameaux, et à un levain caché, capable de soulever et de transformer la masse pesante et inerte de l’humanité. Un jour même, assis dans une humble demeure du plus humble des hameaux de la Palestine, il prédit à sa muette adoratrice que la mention du vase qu’elle venait de briser à ses pieds serait portée jusqu’au bout de la terre.

Mais si l’existence de la nation juive est un fait, celle de l’Eglise chrétienne en est un plus considérable encore, et, comme tout effet indéniable, palpable et certain, elle doit avoir une cause intelligible. Nous disons que la durée pendant dix-neuf siècles, la conservation jusqu’à aujourd’hui, et l’accroissement constant et en surface et en vitalité interne d’une communauté dotée de si faibles ressources matérielles, de si faibles éléments apparents de succès, qui a semé le champ de l’histoire de ses débris et de ses morts, et qui n’a eu à présenter à l’admiration du monde que le spectacle de sa foi à un objet, cause de scandale pour les uns et de moquerie pour les autres ; la présence sur la terre d’une puissance si différente de toutes les autres qui, dans ses beaux jours, et lorsqu’elle parut le plus fidèle à son idée et le plus prospère, ne faisait d’autres conquêtes que celles de la parole et n’usait d’autres armes que de celles de la charité ; la présence, dis-je, de l’Eglise chrétienne sur la terre avec ses institutions, ses œuvres, ses exemples, sa foi, ses espérances, ses traditions, ses dévouements et ses martyres, est une chose encore plus étonnante au regard de l’historien que celle de la nation juive, et un pareil spectacle nous sollicite à remonter aux origines même de ce grand courant de vie et de pensée qui a traversé les dix-neuf derniers siècles de l’histoire de l’humanité.

Or si nous consultons l’Eglise elle-même, celle de tout temps, de tout pays et de toute dénomination, soit dans ses phases de triomphe ou de réveil, soit à ses heures de chutes ou de revers, sur la date assignée par elle à ses propres origines, et sur les causes de son existence terrestre, nous l’entendons rattacher les unes et les autres à l’époque de Jésus de Nazareth et de ses premiers apôtres. L’Eglise catholique romaine ne professe pas d’autre ambition depuis douze cents ans que celle d’être la dépositaire de l’autorité de Pierre, désigné par elle comme le Prince des apôtres et le premier vicaire de Jésus-Christ ; et le grand mouvement de la Réformation du XVIe siècle, dirigé contre cette prétention, ainsi que tous les réveils partiels qui se sont succédé dès lors dans le sein du protestantisme, n’ont voulu être que des retours à la doctrine et aux mœurs de l’âge apostolique.

Et nous pouvons citer cinq mémorials visibles et tangibles qui rattachent à travers ces dix-neuf siècles l’Eglise contemporaine aux origines qu’elle-même s’attribue en plaçant sa fondation à Jérusalem sous les auspices des noms de Jésus de Nazareth et de ses premiers apôtres :

1° L’ère dite chrétienne qui a substitué dans la chronologie reconnue aujourd’hui par quatre cent millions d’hommes la date de l’obscure naissance du fils d’un charpentier dans une des provinces reculées de l’empire romain, à celle de la fondation de cet empire ou de sa capitale.

2° Le dimanche chrétien qui fut substitué à l’ancien sabbat juif, consacré déjà par une tradition plus que millénaire, en commémoration d’un événement réputé plus grand que la création du monde.

3° La pratique d’un rite consistant dans la manducation d’un morceau de pain et l’usage d’une gorgée de vin en commémoration de la mort infamante de celui qui s’était fait appeler le Roi des Juifs.

4° La pratique d’un rite consistant soit dans l’immersion de l’initié, soit dans l’aspersion faite sur sa tête de quelques gouttes d’eau, en commémoration des phénomènes extatiques, pris par plusieurs témoins de la scène pour des effets de vin doux, qui accompagnèrent la première formation de la communauté chrétienne à Jérusalem.

5° La présence, la conservation à travers dix-neuf siècles et l’extrême multiplication à cette heure, d’un bout de la terre à l’autre, du volume minuscule appelé le Nouveau Testament, qui fournit le thème quotidien de milliers et de millions de discours dont le nom et la croix de Jésus-Christ forment la matière principale, laquelle, après un emploi si fréquent et si prolongé, apparaît à l’heure qu’il est non épuisée, et, selon toute apparence, inépuisable.

L’existence de cette société du IVe siècle à la fin du premier, battue par tous les orages, exposée à toutes les fureurs des princes et des populaces de l’empire romain, et, à l’exemple de la nation d’Israël, s’accroissant et s’étendant dans la proportion même du sang pur et héroïque dont elle arrosait la terre, cette lutte séculaire de l’esprit avec la matière, de la conscience incompressible avec la puissance souveraine, appartient à l’histoire générale, devant laquelle elle suscite des problèmes, sans doute, mais ne saurait éveiller des doutes.

Les attaques des deux philosophes, Celse et Lucien, que l’on place généralement l’un et l’autre dans le dernier tiers du second siècle et qui attestent à leur manière l’extension et la vitalité de la religion et de l’Eglise chrétiennes à cette époque, sont à peu près les seules qui aient échappé à l’ardeur destructrice de l’Eglise et des empereurs chrétiens de la période suivante. Encore parmi les Dialogues de Lucien qui nous sont parvenus, celui intitulé : Mort de Pérégrinus, est-il le seul où les chrétiens soient pris directement à partiei.

i – « Aussi nombre de gens le regardèrent-ils comme un dieu, un législateur, un pontife, égal à celui qui est honoré en Palestine, où il fut mis en croix pour avoir introduit ce nouveau culte parmi les hommes » (Gretillat cite ce passage de Lucien en grec ; ThéoTEX)

Nous arrivons ainsi jusqu’au seuil de l’âge qui renfermé les premières et mystérieuses origines de l’Eglise chrétienne, et à mesure que nous reculons ainsi dans le cours des temps, les témoignages historiques, soit païens, soit juifs, se raréfient sans disparaître tout à fait, et restent même suffisants en quantité, en précision et en autorité pour constituer un ensemble de données absolument irrécusables.

« Dans la première partie du second siècle, écrit M. Aubé, les lettrés ne parlent guère des chrétiens. Juvénal ne les a nommés nulle part, et c’est à peine si l’on peut dire qu’il a songé à les désigner par voie d’allusion. Tacite et Suétone leur accordent en passant une courte et flétrissante mention à propos du massacre de l’an 64. Si Pline le jeune n’eut pas été chargé d’une mission officielle en Bithynie, l’an 112, on peut croire que leur nom ne se fût pas rencontré sous sa plume. Plutarque qui sait tant de choses, les ignore. A ce moment, et après l’édit de Trajan, ils sont hors la loi. Plusieurs condamnations ont été prononcées contre les plus audacieux. Ils sont réputés ennemis publics, athées, scélérats qualifiés. Il semble qu’il soit de mauvais goût de parler de gens qui appartiennent aux juges, du jour où ils rencontrent un accusateur, et que les prendre à partie soit les désigner aux rigueurs. Rôle importun ou odieux. On sait cependant qu’à ce moment, où sous des princes humains et soucieux de la bonne administration de la justice, la vie paraît plus tolérable et les suicides plus rares, les chrétiens sont considérés comme une espèce de fanatiques affamés de la mort, et si entêtés de leur manie que, plutôt que d’y renoncer, ils souffrent volontiers les plus cruels supplices et y courent comme à une fête. C’est un trait du moins que notent plusieurs contemporains : Epictète, Lucien, Marc-Aurèle et Galienj.

j – Aubé, Histoire des persécutions de l’Eglise. La polémique païenne à la fin du IIe siècle, pages 70 et 71.

Appendice F : Les disciples de Jésus devant le tribunal, d’après le Talmud.

« Les rabbins ont raconté ce qui suit : Jésus avait cinq disciples, Matthaj, Neqaj, Necer, Buni, Thoda. On amena Matthaj devant le tribunal. Il dit aux juges : Est-ce que Matthaj peut-être mis à mort ! puisqu’il est écrit : Quand (Matthaj) viendrai-je et me présenterai-je devant la face de Dieu ? (Psaumes 42.3). Ils lui répondirent : Oui bien, Matthaj peut-être mis à mort, car il est écrit : Matthaj (quand) mourra[-t-il] et son nom périra[-t-il ?] (Psaumes 41.6). On amena Neqaj. Il leur dit : Neqaj peut-il être mis à mort ? puisqu’il est écrit : Tu ne mettras pas à mort l’innocent (Naqi) Exode 23.7. Ils lui répondirent : Oui bien, Neqaj doit être mis à mort, car il est écrit : tue le Neqaj (l’innocent) dans des lieux secrets (Psaumes 10.8). On amena Necer. Il leur dit : Necer peut-il être mis à mort ? puisqu’il est écrit : Un rejeton (Necer) sortira de ses racines (Ésaïe 11.1). Ils lui répondirent : Oui bien, Necer doit être mis à mort, car il est écrit : Tu as été arraché du sépulcre comme un Necer (rejeton) maudit (Ésaïe 14.19). On amena Buni. il dit : Buni doit-il être mis à mort ? puisqu’il est écrit : Israël est mon fils (B’ni) mon premier-né (Exode 4.22). Ils lui répondirent : Oui bien, Buni doit être mis à mort, car il est écrit : Je vais tuer binqha (ton fils), ton premier-né (Exode 4.23). On amena Thoda. Il leur dit : Thoda doit-il être mis à mort ? puisqu’il est écrit : Un psaume pour Thoda (la louange), Psaumes 100.1. Ils lui répondirent : Oui bien, Thoda doit être mis à mort, car il est écrit : Celui qui sacrifie la louange (Thoda), m’honore (Psaumes 50.23). »

(Traité du Sanhédrin, 43 a. Voir Laible, Jesus im Thalmud, pages 66 et 67.)

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Nous passerons en revue les plus anciens témoignages païens et juifs, concernant les origines du christianisme, avant d’en venir aux témoignages chrétiens primitifs eux-mêmes.

a. Témoignages païens

Le premier que nous rencontrions dans notre marche régressive est la célèbre lettre que Pline le jeune, gouverneur de la province de Bithynie, en Asie-Mineure, écrivit vers l’an 412 à l’empereur Trajan :

« Il m’importe, seigneur, d’en référer à toi de tous les objets de mes incertitudes. Car qui mieux que toi pourrait ou détruire mes hésitations ou éclairer mort ignorance ? Je n’ai jamais assisté aux informations contre les chrétiens ; j’ignore donc quelle est la nature ou la mesure soit de la peine soit de l’enquête. Et je n’ai pas peu hésité sur le point de savoir s’il fallait tenir compte de l’âge ou confondre dans le châtiment l’enfant et l’homme fait ; s’il fallait pardonner au repentir ou refuser tout avantage à celui qui, autrefois chrétien, a cessé de l’être ; si c’est le nom, même exempt de crime, ou les crimes attachés au nom que l’on punit. Voici toutefois la régie que j’ai suivie à l’égard de ceux qui ont été déférés à mon tribunal. Je leur ai demandé s’ils étaient chrétiens ; à ceux qui l’ont avoué, j’ai fait la même demande une seconde et une troisième fois, en les menaçant du supplice ; j’y ai envoyé ceux qui s’obstinaient. Car quel que fût l’objet de leur aveu, je n’ai pas douté qu’il ne fallût punir au moins leur opiniâtreté et leur inflexible obstination. D’autres, atteints de la même folie, ont été désignés pour être envoyés à Rome, parce qu’ils sont citoyens romains. Bientôt les accusations se multipliant, comme il arrive, par la pratique même, la faute s’est présentée sous diverses formes. Un écrit anonyme a été publié contenant les noms de plusieurs personnes qui se défendaient d’être chrétiens ou de l’avoir été. Après qu’elles eurent, en ma présence, invoqué les dieux et offert du vin et de l’encens à ton image apportée à cet effet avec les statues des divinités, puis maudit le Christ, ce à quoi ceux qui sont véritablement chrétiens ne se laissent, dit-on, pas contraindre, je les ai fait relâcher. D’autres nommés par un dénonciateur, ont d’abord déclaré être chrétiens pour le nier bientôt, déclarant qu’ils avaient cessé de l’être, les uns depuis plus de trois ans, les autres depuis un plus grand nombre d’années, quelques-uns même depuis plus de vingt. Tous ont adoré ton image et les simulacres des dieux, tout en maudissant le Christ, ils assuraient d’ailleurs que toute leur faute ou leur erreur n’avait jamais consisté qu’en ceci : qu’ils s’assemblaient à jour marqué avant le lever du soleil ; qu’ils chantaient tour à tour un hymne à l’honneur de Christ comme d’un dieu ; qu’ils s’engageaient par serment non à quelque crime, mais à ne commettre ni vol, ni brigandage, ni adultère, ni parjure ; à ne pas nier un dépôt ; qu’après cela, ils avaient coutume de se séparer et de se rassembler de nouveau pour prendre de la nourriture, en commun cependant et innocemment, et qu’à la suite de l’édit par lequel, d’après tes ordres, j’avais interdit les associations, ils s’étaient désistés de ces pratiques. J’ai jugé d’autant plus nécessaire d’appliquer la question à deux femmes esclaves, que l’on appelait diaconesses — ministræ — pour découvrir la vérité. Mais je n’ai rien trouvé autre qu’une superstition mauvaise et excessive — superstitionem pravam et immodicam. — Aussi ai-je suspendu l’information pour recourir à tes conseils. L’affaire m’a paru digne de ton attention surtout à cause du nombre des personnes menacées. Car il y en a un grand nombre de tout âge, de tout rang et de l’un et l’autre sexe qui sont et seront impliquées dans cette accusation. Et ce ne sont pas les villes seulement, mais les villages et les campagnes qui ont été atteints par la contagion de cette superstition, qui toutefois me semble pouvoir être arrêtée et guérie. Il est certain que déjà les temples abandonnés recommencent à être fréquentés ; que les sacrifices solennels un moment interrompus sont célébrés de nouveau ; on vend de toutes parts des victimes qui auparavant trouvaient de très rares acheteurs. D’où l’on peut conclure combien de gens peuvent être ramenés de leur égarement, quand on accorde une place au repentir. »

L’empereur répondit :

« Vous avez, mon très cher Pline, suivi la voie que vous deviez dans l’instruction du procès des chrétiens qui vous ont été déférés ; car il n’est pas possible d’établir une forme certaine et générale dans cette sorte d’affaires. Il ne faut pas en faire perquisition : s’ils sont accusés et convaincus, il les faut punir. Si pourtant l’accusé nie qu’il soit chrétien, et qu’il le prouve par sa conduite, je veux dire en invoquant les dieux, il faut pardonner à son repentir, de quelque soupçon qu’il ait été auparavant chargé. Au reste, dans nul genre de crime l’on ne doit recevoir des dénonciations qui ne soient souscrites de personne ; car cela est d’un pernicieux exemple, et très éloigné de nos maximesk. »

k – Gretillat cite cette réponse en latin (ThéoTEX).

D’une époque encore un peu plus reculée, de la fin du premier siècle ou du commencement du second, sont à citer deux passages de Suétone, d’inégale valeur sans doute, et dont le premier seul a l’autorité d’un témoignage positif.

Le dédain profond inspiré à l’orgueilleux romain par le nom de chrétien se marque dans le premier de ces passages, à la fois par sa brièveté et par l’encadrement de la mention des supplices infligés aux chrétiens sous Néron, entre une ordonnance relative aux cabarets et une concernant les courses des chars et les pantomimes :

« Les chrétiens, race d’hommes appartenant à une superstition nouvelle et malfaisante, furent frappés de supplices. »

Le second passage, qui se trouve dans la Vie de Claude, relate l’expulsion prononcée par ce prince des Juifs de Rome (comp. Actes 18.2), qui avait été motivée par les tumultes continuels causés par cette nation à l’instigation d’un personnage du nom de Chrestus — impulsore Chresto assidue tumultuantes ; — or l’altération du nom de Christ est ici d’autant plus probable que la confusion des chrétiens avec les juifs était plus fréquente à cette époque. Toutefois, il est permis de ne reconnaître ici que la corruption du nom collectif du Messie juif.

Remontant plus haut encore le cours du premier siècle, nous rencontrons enfin le témoignage explicite de Tacite, dont la malveillance même élève singulièrement la valeur.

A l’occasion de l’incendie de Rome, dont Néron était à bon droit accusé, Tacite raconte ce qui suit :

« Pour détruire cette rumeur, Néron mit d’autres accusés à sa place, et il infligea les tortures les plus raffinées à ces gens déjà haïs pour leurs crimes, que le peuple appelait chrétiens. L’auteur de la secte de ce nom, Christus, avait été frappé du supplice, sous le règne de Tibère, par le procurateur Ponce Pilate. Cette détestable superstition, d’abord réprimée, débordait de nouveau non seulement à travers la Judée, qui était la première source du mal, mais dans la Capitale même, où toutes les choses téméraires et honteuses ne cessent d’affluer et de trouver des adeptes. Ceux qui avouaient furent saisis les premiers ; ensuite, sur leurs indications, une grande multitude — ingens mullitudo — convaincue non pas tant du crime d’incendie que de celui de haïr le genre humain. La dérision fut ajoutée à leur supplice ; couverts de peau de bêtes, ils devaient périr sous les morsures des chiens ; ou bien attachés à des croix et enflammés à la chute du jour, ils devaient faire l’office de flambeaux. Néron avait ouvert ses jardins pour ce spectacle, pendant que lui-même célébrait les jeux du cirque, mêlé à la plèbe en costume de cocher ou conduisant un char. Aussi la compassion publique allait-elle à ces victimes coupables sans doute et méritant les rigueurs les plus exemplaires, et que l’on voyait sacrifiées non à l’intérêt public, mais au cruel caprice d’un seul homme. »

Les conclusions à tirer des citations précédentes concernant la situation dans le sein de l’empire romain de la société chrétienne au premier siècle, comprennent : 1° le grand nombre de ses membres dans les deux localités mentionnées : l’Asie-Mineure et Rome ; 2° la pureté de leur conduite ; 3° l’existence d’un culte régulier rendu à Christ adoré comme Dieu.

b. Témoignages juifsl

l – Voir l’article de M. Godet intitulé : Témoignages extra-bibliques sur les origines du christianisme, Chrétien évangélique, 1876.

Les témoignages d’origine juive les plus importants, soit par leur contenu, soit à raison de leur incontestable authenticité, nous sont fournis par le Talmud, ou commentaire de la Loi, dont la partie la plus ancienne appelée la Mischna (répétition) date de la fin du premier siècle de notre ère, et qui paraît avoir été achevé un siècle plus tard. Encore ici la malveillance et la haine qui inspirent toutes les mentions faites de la personne de Jésus ou de sa cause, ajoutent singulièrement à leur valeur démonstrative.

Nous pouvons classer les traditions judaïques concernant les origines du christianisme sous les chefs suivants :

1° Les appellations données à Jésus :

La haine furieuse des auteurs du Talmud contre Jésus se traduit déjà dans les titres aussi injurieux pour sa mère que pour lui par lesquels il est constamment désigné : le fils de Stada, le fils de Pandera, le fils de la prostituée, Balaam (le séducteur du peuple), l’homme insensé, celui qui ne doit pas être nommém.

m – En désignant Marie comme la fille d’Eli, le Talmud confirme l’interprétation qui voit dans la généalogie de Jésus donnée par Luc (Luc 3.23) la ligne maternelle, en opposition à celle donnée par Matthieu 1, qui était celle de son critère putatif.

2° Les traditions concernant les miracles de Jésus, qui, sans en contester la réalité, les attribuent à des procédés magiques rapportés par lui d’Egypte.

« C’est, écrit avec raison Laible, un fait très important pour l’apologétique chrétienne que les anciennes conceptions judaïques touchant les miracles de Jésus. Bien loin de les nier, le Talmud les reconnaît, mais pour les attribuer à des arts sataniques. Qu’est-ce que les anciens et nouveaux rationalistes peuvent avoir à répondre à cette raison-ci : les ennemis les plus déclarés de Jésus ont dès l’origine reconnu la réalité de ses miracles, et ont conservé cette conviction dans leurs traditions : « Nous avons vu ces miracles de nos yeux », s’écrient les Juifs dans le Talmud. »

Dans le traité du Sabbat, Eliézer dit aux sages : « Est-ce que le fils de Stada n’a pas apporté la magie d’Egypte par des incisions faites en sa chair ? »

3° Les traditions concernant la doctrine de Jésus et les témoignages qu’il s’est rendus à lui-même.

Dans le traité du Sabbat, Jésus est traité de fou pour s’être appelé Fils de Dieu et Dieu lui-même.

Dans le traité palestinien Thaanith, le Rabbin Abbahu prononce ces paroles qui ne peuvent se rapporter qu’à Jésus : « Si un homme te dit : Je suis Dieu, il ment ; s’il dit : Je suis le Fils de l’homme, il s’en repentira ; s’il dit : Je monte au ciel, on pourra dire de lui : Il l’a dit et ne sera pas en état de le faire. »

Le témoignage que Jésus s’est rendu à lui-même est plus explicitement mentionné dans le passage suivant du Pesikta Rabbathi, mis dans la bouche du Rabbin Chijja : « Si le fils de la prostituée te dit : Il y a deux dieux, réponds-lui : Il est écrit (Deutéronome 5.4) non pas : Des dieux, mais Jéhovah a parlé avec vous face à face. »

Ainsi la doctrine que Dieu a un fils et qu’il y a par conséquent deux dieux, est donnée comme celle du fils de la prostituée.

4° Les traditions, d’ailleurs extrêmement travesties, concernant les disciples (thalmidim) de Jésus, réduits au nombre de cinq ou de six.

Les noms de trois d’entre eux sont reconnaissables sous ceux de Matthaj, Thoda (Thaddée) et Jacques de Sekhanja. Les autres, Nekaj, Necer, Buni, sont de fantaisie pure et n’ont été inventés que pour prêter à de malveillants et baroques calembours (voir Appendice).

Ce qui nous intéresse plus que ces jongleries rabbiniques, c’est que le pouvoir de faire des miracles est attribué au personnage nommé Jacques. « Il arriva que R. Eleazar, fils de Dama, fut mordu par un serpent. Alors se présenta Jacques de Sekhanja pour le guérir au nom de Jésus fils de Pandera (cf. Marc 16.18). »

5° Les traditions qui mentionnent le procès de Jésus et sa condamnation par le Sanhédrin.

Dans le traité Sanhédrin (43), on lit ce qui suit : « Au jour de la préparation de la fête de Pâques, on a suspendu Jésus. Un héraut l’a précédé quarante jours durant, en criant : Jésus va sortir pour être exécuté, parce qu’il a pratiqué la magie, a séduit Israël et l’a détourné de Dieu. Quiconque peut produire un mérite en sa faveur doit venir et faire sa communication.

« Mais il ne s’est trouvé aucun mérite pour lui, et ainsi on l’a suspendu le jour de la préparation de Pâques. »

On remarquera que ce dernier trait de la tradition talmudique vient à l’appui de la version du IVe Evangile qui fixe également la mort de Christ à la veille du grand sabbat de Pâques, commençant cette année-là, selon la division juive du temps, le vendredi soir à 6 heures.

Dans le traité Sanhédrin se trouve en outre cette précieuse indication, qui intéresse à un si haut degré la piété chrétienne : « Quarante ans avant la destruction du temple, les sentences capitales ont été enlevées à Israël. »

C’est grâce, en effet, à cette décision de l’autorité romaine que le supplice de Christ se fit selon le mode de la crucifixion plutôt que selon la pratique juive de la lapidation, qui pouvait d’ailleurs être suivie de la pendaison du cadavre (comp. Deutéronome 21.23).

Les écrits de Josèphe ne contiennent que deux passages relatifs aux origines du christianisme, l’un concernant Jésus, l’autre, Jean-Baptiste. Le premier, qui en tout ou en partie est notoirement interpolé, ne pourrait servir à notre dessein que sous bénéfice d’inventaire :

« En ce temps vécut Jésus, homme sage, s’il est permis de rappeler un homme ; car il accomplissait des œuvres merveilleuses et il fut le maître des hommes qui aiment à entendre la vérité. Il réunit autour de lui beaucoup de juifs et même de gentils. C’était le Christ. Lorsque, dénoncé à Pilate par nos principaux, il eut péri par le supplice de la croix, ceux qui s’étaient attachés à lui ne cessèrent point de l’aimer, et il leur apparut vivant le troisième jour conformément aux oracles des prophètes qui avaient prédit de lui bien d’autres choses étonnantes ; et jusqu’à aujourd’hui la race des chrétiens, nommée d’après lui, ne s’est point éteinten. »

nAntiquités juives, Livre XVIII.

Le second passage, dont l’authenticité n’est pas contestée, n’a en revanche qu’une valeur intrinsèque de second ordre, puisqu’il ne se rapporte qu’au Précurseur :

« Il y avait des gens parmi les juifs qui jugeaient que l’armée d’Hérode avait péri par la main de Dieu qui châtiait ce prince justement pour avoir mis à mort Jean, surnommé le Baptiste. Car Hérode avait fait périr cet homme qui était juste. En effet, il incitait les hommes à pratiquer la vertu, la justice les uns envers les autres et la piété envers Dieu, et, après cela, à se présenter au baptême ; car c’était ainsi, disait-il, que leur baptême serait agréable à Dieu, s’ils l’employaient non pour obtenir le pardon de certains péchés particuliers, mais uniquement pour purifier le corps, après que l’âme aurait été purifiée par la justice. Et comme il se réunissait autour de lui une grande affluence de peuple (car ses auditeurs étaient exaltés au plus haut degré par ses discours), Hérode craignit que par le grand ascendant qu’il exerçait sur eux, il ne les entraînât à une révolte ; car ils semblaient prêts à faire tout ce qu’il leur conseillerait. Et il jugea qu’il valait mieux prendre les devants et le faire périr, avant qu’il entreprit quelque chose de grave, plutôt que d’avoir à se repentir quand une révolution serait consommée. En conséquence de ce soupçon d’Hérode, Jean fut envoyé comme captif à Machærus, et il fut tué là. Les juifs donc estimaient que la défaite de l’armée était la conséquence de ce crime, parce que Dieu était irrité contre Hérodeo. »

o – Voir Auberlen, Christliche Offenbarung, pages 7 et eq.

c. Témoignages chrétiens primitifs

Les seuls documents chrétiens, datant de l’époque de fondation de l’Eglise et du christianisme, qui existent à cette heure, sont contenus dans le recueil appelé Nouveau Testament. C’est à eux que nous arrivons, en nous réservant de les consulter, pour le moment, non comme des écrits canoniques, mais comme de simples documents historiques, sans autre autorité que celle que leur prête la critique interne et externe. Or l’Apocalypse, dont l’Ecole de Tubingue a cru devoir reculer la date entre 60 et 70, mais qui appartient en tout cas au premier siècle, et, selon nous, à la fin du premier siècle ; l’épître aux Hébreux, évidemment antérieure à la ruine de Jérusalem ; les Epîtres catholiques qui s’espacent de cette époque à la fin du premier siècle ; les épîtres de Paul, enfin, celles qui sont incontestéesp, et même celles qui sont contestées, mais dont la très haute antiquité ne saurait être mise en doute, nous attestent de concert, avec une autorité inégale peut-être, mais rendue suffisante par l’accumulation et l’impartialité des témoignages, l’existence, dès le milieu du premier siècle de l’ère chrétienne, de communautés religieuses se réclamant du nom de Christ, disséminées de la Palestine et de l’Asie-Mineure jusqu’à Rome : foyers véritablement incandescents de vie morale, de vertus surnaturelles, d’intelligence et de génie. Nous connaissons non seulement leur existence, mais leur organisation intérieure, les divisions intestines qui les travaillaient, sur le fond commun et universellement admis de la foi en la personne et en l’œuvre de Christ.

p – Je sais bien que grâce à M. Steck, professeur de théologie à Berne, il n’y a plus aucune épître de Paul non contestée, et que celles-là même qui avaient échappé au tranchant de la critique de Baur, les Galates, les deux épîtres aux Corinthiens et l’épître aux Romains, sont renvoyées comme tout le reste du N. T. au second siècle. Heureux second siècle ! Quelle époque féconde que celle-là ! Appelons-le donc le premier, et, comme par enchantement, par une simple révision du calendrier, nous serons tous mis d’accord.

Dans l’ensemble de ces témoignages se rencontrent, en effet, deux familles assez tranchées pour se distinguer à première vue l’une de l’autre, et, d’autre part, assez concordantes sur le fait principal pour apporter à ce dernier une confirmation redoublée par le fait de ces différences mêmes : ce sont les documents d’origine judéo-chrétienne, les écrits issus de la tendance conservatrice représentée par les Douze et leurs suivants : Pierre, Matthieu, Marc, l’auteur de l’Apocalypse, Jacques et Jude ; et ceux relevant de la tendance spiritualiste et universaliste représentée essentiellement par Paul, Luc, l’auteur de l’épître aux Hébreux et celui du IVe Evangileq.

q – Je n’entends pas me prononcer contre l’identité de l’auteur de l’Apocalypse avec Jean, l’auteur du IVe Evangile. Personnellement j’admets cette identité, mais je me place ici au point de vue de l’adversaire.

Soit, en effet, que les luttes ardentes qui paraissent avoir éclaté à cette époque entre les deux principales tendances judéo-chrétienne et paulinienne soient rapportées, comme l’ont fait Baur et son école, à des divergences fondamentales séparant les principaux chefs de la communauté naissante, ou qu’elles doivent être réduites à de simples différences de conceptions et aux inégalités d’intelligence spirituelle qui pouvaient exister entre eux ; qu’on reporte on non la responsabilité de l’acuité de ces conflits des premiers rôles sur les épigones, il fallait que la matière du débat, Christ, sa personne et son œuvre, fût bien consistante pour résister et survivre à de pareilles agitations ; et nous oserons dire que les conclusions de la critique de Baur, qui renforcent le schisme entre les deux tendances jusqu’à la lutte implacable, ne seraient que plus favorables à la thèse ici énoncée de la vitalité extraordinaire du principe capable de susciter d’abord, pour contenir et réconcilier ensuite, des éléments si disparates ; que ce schisme radical, s’il était prouvé, rendrait plus que jamais inexplicable l’insignifiance prétendue de l’occasion première d’un drame si mouvementé, l’explosion de passions si puissantes. Nous accordons que l’ignorance avouée, d’après Actes 28.21-22, par les Juifs de Rome au sujet de la personne et de l’activité de Paul, présente une sérieuse difficulté, que Baur dans son Paulus n’a pas manqué de relever contre la sincérité du récit. Mais cette difficulté, que l’auteur a bravée, puisqu’il l’a créée, ne saurait balancer tant de témoignages rendus au rôle capital joué par Paul à cette époque.

Les sept épîtres qui ouvrent les visions de l’Apocalypse, n’attestent pas seulement la présence visible d’une couronne d’églises en Asie-Mineure dans la seconde moitié du premier siècle, mais rendent témoignage à la puissance de vie religieuse et morale qui avait présidé à leur fondation, et qui, chez l’une ou l’autre, avait déjà eu le temps de se ralentir ou de s’éteindre.

Le passage Hébreux 2.4 mérite une attention spéciale à son tour, comme établissant la réalité de faits surnaturels dans la portion judéo-chrétienne de l’Eglise. Ces actions d’éclat ne sont mentionnées d’ailleurs qu’à titre de témoignages supplémentaires, d’auxiliaires de la parole du salut.

Mais ce sont les Eglises fondées et enseignées par Paul qui nous fournissent les exemples les plus saillants et les plus fréquents, en même temps que les plus authentiques, de l’intensité de vie intellectuelle et morale déployée dans ces petits centres disséminés à la surface de l’empire romain à cette époque ; et sous ce rapport, les deux épîtres aux Corinthiens sont peut-être, de tous les documents de la littérature chrétienne primitive, le plus utile à consulter.

Elles nous attestent l’existence dès le milieu du premier siècle, en pleine Grèce, dans la grande cité de Corinthe, d’une Eglise parfaitement constituée, possédant une doctrine commune à tous ses membres, un culte régulier, quatre partis caractérisés se réclamant de noms déjà illustres dans la chrétienté œcuménique d’alors ; et nous assistons au milieu de tout cela aux manifestations les plus extraordinaires de vertus surnaturelles, aux explosions les plus étranges de dons de parole et de connaissance.

En mentionnant ces derniers faits comme reconnus de tout le monde, l’apôtre n’éprouve le besoin ni de les contester ou de les confirmer, de les exalter ou de les dénigrer, ni non plus de les provoquer et de les entretenir, mais seulement d’en régler l’usage et d’en prévenir les excès naissant de leur puissance et de leur surabondance même (1 Corinthiens ch. 12 à 14 ; cf. 1 Corinthiens 12.8-10) ; et à toutes ces manifestations extraordinaires de vertu et d’éloquence surnaturelles, il oppose et préfère sagement la charité qui les couronnera toutes sans les supprimer (1 Corinthiens 13).

Dans l’épître aux Galates encore, Paul en appelle, comme à des faits évidents et reconnus de ses adversaires aussi bien que de lui-même, aux miracles qui ont été faits au milieu d’eux, pour les ramener à la raison, c’est-à-dire au pur Evangile, dont ils sont près de s’écarter, Galates 3.5.

Mais ces manifestations de vertus surnaturelles, toujours appréciées à leur juste valeur par l’apôtre, et sans être jamais ni avilies, ni surfaites, n’ont pas paru continues ni permanentes, même aux témoins de cette époque primitive. Déjà l’épître aux Romains ne mentionne plus en fait de dons surnaturels que celui de prophétie, Romains 12.4-8 ; et les Epîtres pastorales nous révèlent les charges régulières prenant définitivement la place des dons miraculeuxr.

r – D’après Philippiens 2.27, Paul a dû prier comme l’un de nous pour obtenir la guérison de son ami.

Nous disons que cette omission des faits miraculeux dans des documents se rattachant encore à l’époque primitive et aux noms des fondateurs même de l’Eglise, établit d’autant plus solidement la crédibilité de ces faits là où ils sont mentionnés ou supposés.

Aux dons répartis à cette époque entre les Eglises et leurs membres, se joignent les dons individuels, plus éminents encore, propres aux apôtres eux-mêmes, fondateurs de ces Eglises.

Un parti ayant surgi à Corinthe en opposition à l’apostolat de Paul et dans le but de le ravaler, il trouve bon de rappeler à ses adversaires sur le ton le plus comminatoire ce que, encore une fois, ils savaient bien eux-mêmes, ce qu’ils n’eussent osé nier sans offenser l’évidence : la puissance surnaturelle qui lui avait été départie : 1 Corinthiens 4.21 ; 2 Corinthiens 12.12 ; 13.10, et dont il saurait faire, au besoin, quoique contre son gré, l’usage le plus rigoureux, 2 Corinthiens 10.8s.

s – En preuve de la puissance surnaturelle de Paul, nous pourrions citer Romains 15.18-19, si l’authenticité du morceau tout entier n’était pas contestée par quelques critiques.

De plus, l’apôtre Paul considère ces puissances surnaturelles comme une prérogative inhérente à l’apostolat : Τὰ μὲν σημεῖα τοῦ ἀποστόλου κατειργάσθη ἐν ὑμῖν (2 Corinthiens 12.12), ce qui nous permet d’en inférer qu’il reconnaissait aux autres apôtres les mêmes attributions qu’à lui-même ; et la comparaison des passages des épîtres de Paul nous donne ainsi la confirmation des passages des Actes qui nous racontent des miracles apostoliques et la preuve qu’ils ne nous les ont pas tous racontés.

Ce qui achève de rendre probante la mention d’actes miraculeux de la part des apôtres, c’est que ces faits sont toujours rapportés à l’action supérieure et sanctifiante du Saint-Esprit, et comme dans les exhortations aux Eglises elles-mêmes, subordonnés aux vertus morales et aux miracles moins apparents et, selon la chair, moins glorieux de l’obéissance et de la charité : ἐν πάσῃ ὑπομονῇ, ἐν σημείοις καὶ τέρασιν καὶ δυνάμεσιν (2 Corinthiens 12.12 ; cf. Hébreux 2.4).

Ce qui, en effet, chez Paul et les autres apôtres doit frapper au plus haut degré l’attention de l’apologiste, c’est la vie intérieure et extérieure de ces hommes, dont nous trouvons des résumés dans Romains 8.35-39 ; 2Cor.11.23 et sq. Les carrières des Pierre, des Jean, des Jacques et des Paul sont des faits et des effets qui supposent des causes dignes de ces effets. De l’aveu de tout le monde, ces personnages ont existé, vécu, agi, parlé, écrit, revêtu un certain caractère qui a pu être exagéré par les uns, altéré par les autres, mais qui présente à l’histoire un fonds indélébile suffisant pour asseoir un jugement digne de paraître irrévocable. Or, quelque opinion que l’on ait sur l’origine et la valeur de leur apostolat, et si nous n’en considérons que les manifestations notoires, tout homme de bonne foi conviendra que par l’étendue de leurs travaux, par leur zèle et leur dévouement absolu à ce qu’ils tenaient pour la tâche de leur vie, par leur constance et leur bravoure, le calme uni à la force qu’ils ont déployés au milieu de périls incessants, imminents et souverainement redoutables, par le génie supérieur qui éclate dans les quelques pages qu’ils nous ont laissées, en même temps que par l’intelligence saine, sobre et pratique, aussi éloignée d’exaltation mystique que de fanatisme, des objets offerts à leur attention, ils se sont acquis, mieux que tous autres grands hommes de l’histoire, le titre de bienfaiteurs de l’humanité, et laissent bien loin derrière eux, par leur grandeur morale et l’action qu’ils ont exercée, les plus grands de ceux que l’histoire ou la flatterie a décorés du titre de grands.

Et si, au milieu des membres de la première génération de l’Eglise, nous voulons considérer à part le plus grand de tous ces personnages, quel hommage unique dans l’histoire ne méritera pas Paul, l’apôtre des gentils !

« Il y a du poète chez Paul, a écrit M. Schérer, en réponse à M. Renan, car sa parole est inspirée ; il y a du philosophe, car ses vues religieuses sont d’une largeur extraordinaire ; il y a un saint enfin, car on n’a jamais poussé plus loin la pureté, le désintéressement, le dévouement, la charité. Paul est donc très grand ; il est le plus grand dans son ordre et en son genre ; il est l’image accomplie du missionnairet. »

tEtudes sur la littérature contemporaine.

« Nous avons le droit de dire, avons-nous écrit nous-même, qu’un tel homme et une telle vie seraient à eux seuls une démonstration suffisante de l’origine divine et de la puissance surnaturelle de l’Evangileu. »

uChrétien évangélique, Oublier et courir. 1889, no 1, page 11.

Remontant enfin aux toutes premières origines de l’Eglise chrétienne, nous nous arrêtons à Jérusalem vers l’an 30 de notre ère ; et voici le résultat qu’un critique non suspect de partialité, puisqu’il se nomme Pfleiderer, a cru pouvoir dégager des amplifications supposées du tableau de l’Eglise primitive tracé dans les premiers chapitres des Actes :

« Si nous éliminons les exagérations de la légende et que nous ramenions la communauté des biens dans l’Eglise primitive à la réalité historique, comportant l’assistance permanente de tous les pauvres de la communauté par le moyen des ressources communes et en particulier des agapes, il reste encore un fait d’une importance extraordinaire. L’espérance fantastique s’était convertie en œuvres pratiques ; le rêve apocalyptique d’un règne messianique s’était réalisé sous la forme d’une confrérie d’enfants de Dieu. C’était la rénovation sociale la plus grandiose, la plus hardie et la plus pure, instituée dans le cercle le plus restreint d’hommes simples et paisibles, non pas dans l’esprit de l’égoïsme et de la violence, mais de la charité qui sert et qui souffre, celle qui avait trouvé en Jésus, l’ami des pauvres et des affligés, son modèle et la garantie de sa victoire. Ce n’est ni dans les dogmes ni dans les légendes qui apparurent seulement plus tard, mais dans ces miracles de la charité que résident les forces motrices par lesquelles le monde a été vaincu, le monde des pauvres et des petits, des ignorants et des faibles, des persécutés et des opprimés, qui a trouvé dans la communauté chrétienne un refuge et un avant-goût du royaume futurv. »

vUrchristenthum, page 25.

Quelle que soit donc la créance que mérite le récit de l’événement appelé Pentecôte, auquel la tradition chrétienne a rattaché la toute première fondation de l’Eglise à Jérusalem (Actes ch. 2), et à supposer même que, selon les décisions de l’école de Tubingue, le livre des Actes doive être attribué à un auteur et à une époque postérieurs, à une tendance conciliatrice des anciens partis ; quelque jugement que l’on porte sur l’essence véritable et la valeur morale de cette apparition qui porte le nom d’Eglise chrétienne, il reste que, dès le milieu du premier siècle, l’existence de cette Eglise sur plusieurs points, dans diverses régions et chez les trois grandes races d’alors, juive, grecque et romaine, comprises dans l’enceinte de l’empire romain, est un fait historiquement constaté, et que la prodigieuse carrière d’hommes comme Pierre, Jean, Jacques et Paul est également acquise à l’histoire.

Et ce qui n’est pas moins certain, c’est que cette merveilleuse éclosion a été soudaine, et que vingt-cinq ans auparavant, à la place de ces foyers lumineux semés en Palestine, en Asie-Mineure, en Grèce et en Italie, il n’y avait rien.

Quelle fut donc la cause historique de cette apparition ? c’est la question que nous avons à aborder maintenant.

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