L’Ancien Testament nous a été transmis par les Massorètes. La Massore (c’est-à-dire tradition) est l’ensemble de tous les renseignements concernant le texte sacré, longtemps conservés par la tradition orale. Les Massorètes, docteurs juifs dont l’activité s’étend du cinquième au dixième siècle après Jésus-Christ (à Tibériade et à Babylone), ont fixé ce texte, en même temps qu’ils nous ont transmis cette tradition par écrit et l’ont enrichie.
I. En premier lieu, ils ont fixé le texte sacré.
D’un côté, il est prouvé que le texte hébreu actuel n’est pas identique au texte des manuscrits originaux. Cela ressort soit du fait que la version des Septante, qui remonte à deux ou trois cents ans avant Jésus-Christ, suppose un texte différent de notre texte hébreu actuel, soit de l’étude de ce texte hébreu lui-même. Ainsi, Josué 15.32, il est dit que les villes de Juda dans le Negueb sont au nombre de vingt-neuf. Or, si on les compte, on en trouve trente-six. Si on compare les passages 1 Chroniques 8.29-38 et 1 Chroniques 9.35-44, qui donnent tous deux la généalogie de Saül, on n’y trouve pas moins de onze divergences. Nous sommes évidemment, ici, en présence de fautes de copistes.
D’autre part, l’étude des manuscrits hébreux prouve que tous ces manuscrits sont issus d’un original unique. D’où il est aisé de conclure qu’à un moment donné un manuscrit a été choisi comme archétype, et que tous les autres ont été éliminés, détruits.
C’est ainsi que les massorètes, desquels procède le texte actuel de l’Ancien Testament, ont fixé ce texte. Voilà comment il se fait que le texte de l’Ancien Testament est dépourvu de variantes, tandis que le texte du Nouveau Testament, dont nous possédons des manuscrits nombreux et divers, en a de très nombreuses.
II. En second lieu, ils ont copié le texte.
Aucun mot ne devait être écrit de mémoire. Le copiste devait regarder attentivement le mot à copier et le prononcer oralement. Avant d’écrire un des noms de Dieu, il devait se recueillir solennellement et laver sa plume. Avant d’écrire le nom ineffable de Jéhovah (que les Israélites, par respect formaliste, ne prononcent jamais, mais remplacent par le nom d’Adonaï, Seigneur), il devait se laver tout le corps. La seule encre employée devait être une encre noire, pure, faite de suie, de charbon et de miel. Le parchemin devait être la peau d’un animal pur préparée spécialement par un Israélite. Les différents parchemins qui composaient le manuscrit devaient être attachés ensemble par des cordons faits avec les tendons d’animaux purs. Le manuscrit était examiné dans les treize jours qui suivaient son achèvement. D’après certains écrivains, une erreur d’une seule lettre rendait le manuscrit inutilisable. D’après d’autres, on pouvait corriger jusqu’à trois erreurs par parchemin. et s’il y en avait davantage, l’exemplaire était rejeté comme profane.
III. En troisième lieu, ils ont annoté le texte. Ils ont rédigé :
1°. Des notes sur le contenu du texte.
a) Ils ont compté combien de fois chaque lettre revient dans l’Écriture. Ainsi la lettre aleph revient 42 377 fois, la lettre beth 38 218 fois, etc. Le nombre total de lettres de l’Ancien Testament est de 815 280. Le but de ce calcul était de prévenir l’addition ou l’omission d’une seule lettre.
b) Ils notaient combien de fois tel mot ou telle expression revient dans l’Écriture. Si ce n’est qu’une fois, la note dit : « Pas d’autres ». Si c’est plus souvent, la note dit : « Trois, quatre, cinq fois, etc ». Ainsi pour les mots : « l’Esprit de Dieu », la note dit : « Revient huit fois », et indique les endroits. Partout ailleurs, il y a « l’Esprit de l’Éternel » (Jehovah). La note est destinée à empêcher le copiste de commettre une erreur facile en reproduisant l’expression sous sa forme la plus ordinaire. On trouve aussi des notes comme celles-ci : « Il y a deux versets dans la Thorah (le Pentateuque) qui commencent par un M. Il y en a onze où la première et la dernière lettre sont un N. Il y en a quarante où le mot lo (non) se retrouve trois fois ».
c)Voici un exemple curieux d’une autre classe de notes. Dans Josué 9.1, se trouvent énumérés, selon leur nationalité, les rois de six peuples différents. « A la nouvelle de ces choses, tous les rois, le Hétien et l’Amorréen, le Cananéen, le Phérézien, le Hévien et le Jébusien, s’unirent… » (c’est ainsi que les Massorètes lisaient le passage). Le mot et ne s’y retrouve que deux fois, avant le second et avant le sixième nom. N’était-il pas inévitable qu’une fois ou l’autre un copiste, dans un moment de négligence, déplaçat ces deux petits mots ? (En hébreu la conjonction et est exprimée par une seule lettre, un v assez semblable à notre i).
Pour parer à ce danger, voici l’expédient auquel les Massorètes eurent recours. A ce verset, ils mirent une petite note ainsi conçue « L’or pour les rois », en indiquant le passage Nombres 31.22 « L’or et l’argent, l’airain, le fer, l’étain et le plomb ». Dans ce passage, il y a six noms, et la conjonction et se trouve devant le second et devant le sixième, tout comme dans Josué 9.1. Ainsi ces deux passages devaient se contrôler l’un l’autre. Il était peu probable qu’une erreur se produisît dans les deux. D’ailleurs l’attention du copiste était éveillée, et c’était suffisant.
d) Les Massorètes avaient compté les versets, les mots, aussi bien que les lettres. Ils ont trouvé 23 206 versets dans l’Ancien Testament. Ils indiquent la lettre du milieu dans chaque livre ou collection de livres (pour le Pentateuque, la lettre du milieu est dans le mot ventre, Lévitique 11.42), le mot du milieu (pour le Pentateuque, c’est chercha dans Lévitique 10.16), le verset du milieu (pour le Pentateuque, c’est Lévitique 8.8). Ils avaient aussi compté les versets, mots, lettres, de chaque section.
2°. Des corrections.
Quand une correction semblait s’imposer, ils ne l’introduisaient jamais dans le texte, tel était le respect qu’ils avaient de celui-ci. Ils maintenaient les consonnes du mot dans le texte, plaçaient en marge les consonnes du mot rectifié, et mettaient les voyelles du second sous les consonnes du premier (voir plus bas). On ne pouvait lire le premier, naturellement, sans regarder le second. Le premier s’appelait kethib (ce qui est écrit), le second, keri (ce qui doit être lu).
On ne peut que se féliciter de la méthode suivie par les Massorètes. Si, avec leur connaissance imparfaite de la critique du texte, ils avaient corrigé le texte lui-même, ils auraient sans doute fait plus de mal que de bien. Avec le système qu’ils ont adopté, nous avons sous les yeux, en même temps, leur opinion et l’ancienne leçon, et nous pouvons choisir.
Voici un exemple : Job 13.15, nous lisons, dans Ostervald : Quand même il me tuerait, je ne cesserais d’espérer en lui. Segond traduit : Voici, il me tuera, je n’ai rien à espérer. Cette différence vient de ce qu’Ostervald a adopté la correction marginale des Massorètes (lo, orthographié de manière à signifier : en lui), tandis que Segond s’en tient à la leçon du texte (lo, orthographié de manière à signifier : non).
IV. En quatrième lieu, ils ont inventé les points-voyelles.
Jusque vers l’an 500 après Jésus-Christ, les manuscrits des livres saints de l’Ancien Testament étaient dépourvus de voyelles. La prononciation était donnée par la tradition. Les Massorètes, pour fixer la prononciation, inventèrent un système de points-voyelles, ainsi appelés parce que leurs voyelles sont des points, ou de tout petits traits, qui sont placés sous ou dans les lettres. Eux-mêmes ne reconnurent à ces voyelles qu’un caractère tout humain. Elles n’ont jamais été introduites dans les manuscrits sacrés destinés aux Synagogues.
Dans certains mots, une légère modification des voyelles donne un sens différent. Genèse 47.31, nous lisons : Israël se prosterna sur le chevet de son lit. Dans Hébreux 11.21 : il adora appuyé sur l’extrémité de son bâton. Le mot traduit ici par bâton, là par chevet, se lit dans le manuscrit hébreu sans voyelles : mtth. Les Massorètes ont ajouté les voyelles i et a, ce qui fait mittah, lit, tandis que les auteurs de la version des Septante, que cite l’épître aux Hébreux, lisaient le même mot avec les voyelles a et e, ce qui fait matteh, bâton.
V. En cinquième lieu, enfin, les Massorètes inventèrent un système compliqué d’accents, qui indiquent les nuances de sentiment, d’énergie, à mettre dans la lecture à haute voix et couchent presque la parole vivante sur le papier. Il paraît que rien n’est beau comme d’entendre un juif cultivé, capable d’émotion, d’enthousiasme, lire l’Ancien Testament en se conformant à ces accents.
Le plus ancien manuscrit hébreu connu est le Codex Babylonicus. Il contient les prophètes, d’Ésaïe à Malachie. Les savants sont d’accord pour lui assigner la date de 916. Il est à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg.
On a découvert, il y a quelques années, en Égypte, des fragments de papyrus qui contiennent presque tout le Décalogue en hébreu, et le Schema (écoute… Deutéronome 6.4-9). On suppose qu’ils sont du commencement du second siècle. Ils sont en tout cas antérieurs de cinq ou six siècles au Codex Babylonicus. Ils se trouvent à la bibliothèque de l’Université de Cambridge.
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