Pour les actes involontaires, ils ne sont pas passibles de jugement. Ils sont de deux sortes : les uns se commettent par ignorance, les autres par nécessité. Quel jugement prononcer sur ceux que l’on dit avoir péché involontairement ? Les uns ne se connaissaient pas, nouveaux Cléomène et Athamas, possédés par une folie furieuse; d’autres ne savaient ce qu’ils faisaient, comme Eschyle, qui, pour avoir dévoilé les mystères sur la scène, fut appelé devant l’aréopage, et renvoyé absous, après avoir prouvé qu’il n’était pas initié. Tel ignore quelle action il a commise, comme celui qui, laissant échapper son adversaire, tue son ami au lieu de son ennemi. Tel autre n’a pas connu quel instrument il maniait ; c’est l’athlète qui, s’exerçant aux combats du gymnase avec une pique dont la pointe a été boutonnée, perd sans le savoir l’enveloppe protectrice, et tue son antagoniste. Celui-là ignorait de quelle manière le fait aurait lieu, comme celui qui a tué son rival dans le stade, que voulait-il ? vaincre, mais non pas tuer. Celui-ci ignore les conséquences du fait. Un médecin, par exemple, qui prescrit un remède qu’il croit salutaire, et qui emporte le malade : son but en donnant ce remède n’était pas la mort, mais la guérison. Il est vrai que la loi punissait le meurtre involontaire, comme aussi la gonorrhée involontaire, mais non de la même peine que le fait volontaire. Ajoutons que l’homme qui abuse de la vérité pour justifier sa passion devrait en être puni comme d’un fait volontaire. N’est-il pas bien digne en effet de châtiment le misérable qui ne peut garder la semence de la parole, maladie de l’âme que réprouve la raison, et qui se rapproche d’une vaine et ridicule loquacité ? Mais l’homme dont l’esprit est fidèle cache ce qu’il faut taire. Ainsi donc, tout acte libre et qui résulte du choix, est passible de jugement ; car le Seigneur sonde les cœurs et les reins ; et celui-là sera jugé, qui aura regardé une femme avec convoitise. C’est pourquoi Dieu dit :
« Tu ne désireras point la femme de ton prochain. »
Et ailleurs :
« Ce peuple m’honore du bout des lèvres, mais son cœur est loin de moi. »
Car Dieu pénètre jusque dans le fond de nos pensées. Voyez la femme de Loth ! Pour avoir jeté un regard volontaire vers Sodome, Dieu la prive de sentiment, et la change en bloc de sel, statue immobile qui ne peut plus avancer. Il n’en a pas fait un grossier et stupide simulacre, mais un éloquent symbole, destiné à enseigner et à consolider dans la doctrine ceux qui peuvent comprendre selon l’esprit.