Après la version des Septante, trois autres traductions en grec de l’Ancien Testament, celle d’Aquila, celle de Symmaque et celle de Théodotion, parurent dans le second siècle après Jésus-Christ.
Dans la belle cité de Sinope, sur les bords de la mer Noire, vivait au second siècle un homme de haute position, apparenté à la famille impériale de Rome, du nom d’Aquila. Grâce à cette haute relation, il avait accès aux bons emplois. L’empereur le fit envoyer en mission à Jérusalem pour examiner des questions relatives à quelques bâtiments publics. Or, pendant qu’il était dans cette ville, il se convertit au christianisme.
Il ne fut pas, toutefois, un converti modèle. Il avait conservé quelques-unes de ses superstitions païennes. Les anciens de la courageuse petite église de Jérusalem estimèrent nécessaire de le reprendre publiquement. De colère, Aquilas se joignit aux juifs, fut circoncis, et se posa bientôt en défenseur zélé de la loi et du rituel mosaïques.
A ce moment, il y avait une controverse entre juifs et chrétiens au sujet de l’interprétation de certaines prophéties messianiques de l’Ancien Testament. La version des Septante, à laquelle les chrétiens se référaient, était complètement mise de côté par les rabbins, qui la traitaient de « Bible des chrétiens ». Ils allaient même jusqu’à comparer le jour maudit où les soixante-dix anciens traduisirent la Loi en grec pour le roi Ptolémée à cet autre jour de malheur où Israël se fit un veau d’or.
Dans ces circonstances, il fallait bien, à l’usage des juifs qui ignoraient l’hébreu, une traduction grecque de l’Ancien Testament autre que celle des Septante. L’aristocratique converti des juifs, quelque peu savant, entreprit ce travail et l’acheva. Cette traduction eut un plein succès, et peu d’années après, une seconde édition devint nécessaire.
[L’histoire de la version d’Aquila a été racontée par Épiphane (310-403), évêque de Constantia, à Chypre, dans son traité sur les poids et mesures de l’Ancien Testament, où il se livre à des digressions sur le texte et sur les versions. Épiphane avait beaucoup voyagé, notamment en Palestine. On a contesté l’authenticité de ses renseignements sur la version d’Aquila. D’après Irénée, Aquila était un païen converti au judaïsme. Quoi qu’il en soit, s’il y a dans le récit d’Épiphane des éléments légendaires, ils démontrent à leur manière le crédit dont jouit cette version, car, comme nous l’avons dit à propos de la légende des Septante, on ne prête qu’aux riches. On pense que la version d’Aquila parut sous Adrien, vers 130. Les fragments qui en restent se trouvent dans Dath (Opuscula. Lipsiæ. 1746).]
Cette traduction suit l’hébreu avec un littéralisme servile, ce qui en gâte fort le style. Mais ce défaut est une qualité précieuse au point de vue de la critique du texte. En effet, ce littéralisme permet de reconstituer le texte hébreu que le traducteur avait sous les yeux et de contrôler l’antiquité du texte hébreu actuel. Malheureusement, il ne subsiste de la version d’Aquila que des fragments. Ces fragments révèlent, dans l’ensemble, une parfaite concordance des deux textes, avec quelques variantes, qu’appuient fréquemment les Septante et d’autres versions anciennes.
❦