Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE III

CHAPITRE VII
Les vêtements des prêtres et ceux du grand-prêtre ; les différentes sortes de sanctifications ; des fêtes et des dispositions relatives à chacune d’elles.

Vêtements des prêtres ordinaires : le caleçon.

1.[1] On fit aussi des vêtements pour les prêtres tant pour ceux qu'on appelle chaanées[2] que pour le grand-prêtre, qu'on intitule anarabaque[3], ce qui signifie grand-prêtre…[4] Quand le prêtre va accomplir les rites sacrés, après avoir accompli les purifications qu'exige la loi, il commence par revêtir ce qu'on appelle le machanasès[5]. Ce mot veut dire un vêtement étroitement ajusté ; c'est un caleçon qui couvre les parties naturelles et qui est tissé de fin lin ; on y introduit les jambes comme dans des braies ; il est coupé à mi-corps et se termine aux cuisses, autour desquelles il se serre[6].

[1] Exode, XXVIII et XXIX.

[2] Ce mot est l'équivalent araméen kahanaya, de l'hébreu kohanim.

[3] On a vu avec raison dans ce mot étrange une altération de l'araméen kahana rabba, grand-prêtre. La première syllabe ka a-t-elle été transposée à la fin du mot par une erreur de copiste, ou Josèphe a-t-il pensé que la forme anarabaque ou arabaque avait une allure plus grecque, il est difficile de le déterminer. L'origine araméenne du mot est, en tout cas, indiscutable.

[4] Les mots qui suivent et qui, en bon grec, ne peuvent s'appliquer qu'à une description déjà faite, ne sont pas à leur place et paraissent faire double emploi avec le § 4 ci-dessous, à moins qu'il n'y ait ici une lacune [T. R.]

[5] Exode, XXVIII, 42. En hébreu : michneçaïm. C'est bien l'ordre qu'indique, de son côté, la tradition rabbinique résumée clairement dans Maimonide, M. Torah, H. Kelè Hamikdasch, X, 1. Dans le Talmud, Yoma, 25 a, il est dit que le caleçon de lin est la première pièce de l'habillement des prêtres, d'après Lévitique, XVI, 4.

[6] Cf. la description un peu différente qui en est donnée dans Nidda, 13 b. Josèphe parait admettre implicitement que ce caleçon est tout d'une pièce, comme le Talmud l’exprime d'après la prescription de l'Exode (XX, 36).

La tunique ; la ceinture.

2.[7] Par dessus, il revêt un vêtement de lin, fait d'un double tissu[8] de byssus. On l'appelle chéthoméné[9], c'est-à-dire : tissu de lin ; en effet, nous appelons le lin chéthôn. Ce vêtement est une tunique qui descend jusqu'aux talons[10] ; elle est ajustée au corps, avec de longues manches[11] serrées autour des bras ; on l'attache sur la poitrine et on l'enserre, un peu au-dessus de l'aisselle, d'une ceinture[12] large d'environ quatre doigts et faite d'un tissu ajouré[13] qui la fait ressembler à de la peau de serpent. Des fleurs se mêlent à son tissu, aux teintes variées d'écarlate, de pourpre, d'hyacinthe[14] ; la trame est uniquement de byssus. On commence à l'enrouler sur le sternum[15] ; puis après un nouveau tour on la noue et elle pend encore d'une grande longueur jusqu'aux talons, tant que le prêtre n'a rien à faire[16] ; car pour l’œil, c'est ainsi qu'elle présente un aspect agréable. Mais quand il lui faut vaquer aux sacrifices et faire son service, pour n'être pas gêné dans ses opérations par les mouvements de l'étoffe, il la rejette en haut et la porte sur l'épaule gauche. Moïse lui a donné le nom d'abaneth[17] ; nous, les Babyloniens nous ont appris à la nommer émian[18], car c’est ainsi qu'on la désigne chez eux. Cette tunique ne fait de plis nulle part ; elle présente une large ouverture à l'endroit du cou ; à l'aide de cordonnets pendant du bord du vêtement du côté de la poitrine et du côté du dos, on l'attache au-dessus de chaque épaule. Elle s'appelle mazabazanès[19].

[7] Exode, XXVIII, 4.

[8] D'après la tradition également (Yoma, 71 b), dans le tissu des vêtements sacerdotaux chaque fil était doublé plusieurs fois.

[9] En hébreu : koutônet, qui paraît être la même chose que le chitôn grec. Josèphe ne semble pas se douter de la parenté de ces deux mots. L'étymologie qu'il propose lui est inspirée par la traduction araméenne kitôuna de l'hébreu koutônet ; ce n'est qu'en araméen que ce mot signifie lin. Voir Yoma, 71 b.

[10] D'après Maimonide, qui résume les traditions talmudiques, la tunique allait également jusqu'aux talons (M. Tora, Hil. Kelè Hamikdasch, VIII, 17).

[11] D'après le Talmud, Yoma, 72 b, les manches étaient cousues par exception à la tunique.

[12] Pour cette ceinture, dont Josèphe dit plus loin le nom, la Bible donne peu d'indications. D'après le Talmud (Yoma, 72 a et b), cette ceinture est la même, qu'il s'agisse d'un grand-prêtre ou d'un prêtre ordinaire. Quant aux dimensions, la tradition, au contraire de Josèphe, n'indique que la longueur, non la largeur. D'après le Talmud (Yoma, 44), la ceinture de la tunique aurait eu 32 coudées de long ou 32 plis, selon la leçon de Rapoport (Ereck Millin). Maimonide, H. Kelè Hamikdasch, VIII, 19, indique une largeur de 3 doigts, ce qui se rapproche de l'opinion de Josèphe.

[13] C'est là sans doute le taschbeç, tissu à mailles dont parle l'Écriture, Exode, XXVIII, 4, mais en l'attribuant seulement à la tunique.

[14] Nous supprimons le byssus qui n'est pas une teinture, mais sert de fond aux trois autres couleurs. Cf. plus bas § 7.

[15] Selon la tradition (Zebahim, 18 b), l'abnet ne devait pas s'enrouler plus bas que les hanches, ni plus haut que l'aisselle. Le Targoum Jonathan sur Ézéchiel, XLIV, 18, emploie l'expression « sur leur cœur », ce qui répond à l’expression employée par Josèphe.

[16] Josèphe semble contredire ici la règle qui veut que les prêtres ne portent l'abnet que pendant le service, car cette étoffe contient de la laine et du lin, autrement dit du schaatnèz, mélange interdit dans le texte du Deutéronome, XXII, 11, que Josèphe lui-même reproduit plus loin (liv. IV, VIII, 11). Comme Josèphe était de souche pontificale et ne peut ici être suspect d'erreur, on est porté à croire qu'on admettait de son temps l'opinion que le Talmud (Yoma, 12 b) met dans la bouche de R. Eléazar ben Simon (Tanna de la fin du IIe siècle), à savoir que la ceinture des prêtres ordinaires ne contenait pas de laine, mais seulement du byssus.

[17] ">Exode, XXVIII, 39 ; XXXIX, 29. En hébreu : abnet.

[18] C'est la traduction araméenne du mot abnet, qu'on trouve, d'ailleurs, dans les Targoumim. Le mot hémydn est un mot persan.

[19] Ce mot correspond à l'hébreu mischbéçeth, substantif tiré du verbe shabbeç, que l'Écriture emploie pour expliquer le tissu de la tunique. D'après Josèphe, le tissu de la tunique des prêtres ordinaires et de la tunique du grand-prêtre serait le même, ce qui concorde avec l'opinion du Talmud (Yoma, 12 b) pour lequel l'abnet seul est tissé différemment, selon qu'il s'agit du grand-prêtre ou du prêtre ordinaire (laine et lin pour le premier, lin seulement pour le second). Ce qui prouve que Josèphe se réfère ici à la tradition, c'est que de l'examen des versets (Exode, XXVIII, 4, 39) il semble résulter que le mot shabbeç s'applique exclusivement à la tunique du grand-prêtre.

Le bonnet.

3. Sur sa tête, le prêtre porte une calotte sans pointe et qui ne couvre pas la tête tout entière, mais se pose un peu au-dessus de sa partie médiane. Son nom est masanaemphthès[20] ; elle est arrangée de façon à ressembler à une couronne, consistant en un épais ruban fait d'un tissu de lin[21] ; car elle est repliée sur elle-même et cousue[22] plusieurs fois. Ensuite un tissu vient par en haut recouvrir la calotte en descendant jusqu'au front ; il cache la couture du ruban et tout ce qu'il présente de disgracieux et entoure tout le crâne d'une étoffe unie. On l'ajustait avec soin, de crainte qu'il ne roulât à terre pendant que le prêtre s'occupait du service sacré.

[20] En hébreu : miçnéfet. Josèphe attribue aux prêtres ordinaires la coiffure qui, d’après Exode, XXVIII, 4, est celle du grand-prêtre seul. Les prêtres ordinaires avaient, selon la Bible, la migba’a. L'erreur ou la confusion est d'ailleurs insignifiante, car ces deux sortes de coiffure étaient formées de bandes analogues, qui toutefois s'enroulaient autour de la tête de deux façons différentes (cf. Maimonide, R. Kelè Hamikdasch, VIII, 2, d'après Yoma, 71 b. Voir ce que dit Josèphe plus loin au § 6 de ce chapitre).

[21] Texte corrompu.

[22] Tous ces détails, inconnus à la Bible et à la tradition, contredisent de plus la Halacha (Yoma, 72 b, et Zebahim, 88 b), selon laquelle les vêtements des prêtres n'étaient pas cousus, à l'exception des manches de la tunique. Cependant ce passage, par sa précision, fait croire à l'exactitude des souvenirs de Josèphe qui rapporte, sans doute, ce qu'il a vu lui-même.

Vêtements du grand-prêtre : la tunique.

4.[23] Nous venons de montrer comment s'habille le commun des prêtres.
Quant au grand-prêtre, il se pare de la même façon, sans rien omettre de ce qui vient d'être dit, mais il revêt, en outre, une tunique faite d'hyacinthe. Elle descend également jusqu'aux pieds : on l'appelle méeir[24] dans notre langue ; elle est enserrée par une ceinture ornée des mêmes teintes variées qui fleurissaient la précédente, avec de l'or mêlé à son tissu. A son bord inférieur sont cousues des franges qui pendent et rappellent par leur couleur les grenades, et des clochettes d'or arrangées avec un vif souci de l'harmonie, de façon à insérer entre deux clochettes une grenade et entre deux grenades une clochette. Mais cette tunique n'est pas composée de deux pièces qui seraient cousues sur les épaules et sur les côtés ; c'est un seul morceau, d'un long tissu qui présente une ouverture pour le cou, non pas transversale, mais fendue dans le sens de la longueur depuis le sternum jusqu'au milieu de l'espace situé entre les deux épaules. Une frange y est cousue pour qu'on ne s'aperçoive pas de ce que la fente à de disgracieux. Il y a également des ouvertures par où passent les mains[25].

[23] Exode, XXVIII, 31 ; XXXIX, 22.

[24] En hébreu : meîl. Les LXX traduisent aussi, en grec, ce mot par « qui descend jusqu'aux pieds ».

[25] Pour l'absence des manches, l'opinion de Josèphe est conforme à celle de Maimonide (H. Kelè Hamikd., IX, 4) et de Nahmanide dans son commentaire sur le Pentateuque (sur Exode, XVIII, 31) ; l'accord de ces deux derniers fait croire à un commentateur de Maimonide qu'ils se fondent sur une baraïta qu'ils sont seuls à connaître. On voit que Josèphe possédait une tradition identique. Quant au détail de la description, il y a des divergences. Pour ce que Josèphe dit de la frange, voir plus haut, § 3, et la note. Sur le nombre des clochettes et grenades, ni Josèphe, ni l'Écriture ne disent rien. Selon le Talmud, Zebahim, 88 b, il y en avait en tout 72.

L'éphoudès ; l'essèn avec les pierres précieuses ; la ceinture.

5.[26] Par-dessus ces vêtements, il en revêt un troisième, celui qu'on appelle éphoudès[27] ; il ressemble à l'épômis des Grecs. Il est fait de la façon suivante. Tissé sur une longueur d'une coudée, de couleurs variées et brodé aussi d'or, il laisse à découvert le milieu de la poitrine ; il est pourvu de manches et présente toute l'apparence d'une tunique[28]. Dans la lacune de ce vêtement s'insère un morceau de la largeur d'une palme, tout brodé d'or et des mêmes couleurs que l'éphoudès[29]. Il s'appelle essèn[30], mot qui se traduirait en grec par logion[31] (oracle). Il remplit exactement la place qu'on a laissée vide dans le tissu à l'endroit de la poitrine. Il s'y unit, grâce a des anneaux d'or qu'il porte à chaque angle, à des anneaux pareils de l'éphoudès qui leur correspondent, un fil d'hyacinthe passant dans ces anneaux pour les relier ensemble. Et pour qu'on ne vît pas de jour entre ces anneaux, on imagina d'y coudre un galon d'hyacinthe. Deux sardoines[32] agrafent l'épômis sur les épaules, car elles ont de part et d'autre des extrémités en or qui s’étalent et font office de crochets. Sur ces pierres sont gravés les noms des fils de Jacob dans notre langue et en caractères indigènes, six sur chaque pierre ; les noms des plus âgés[33] sont sur l'épaule droite — sur l'essèn se trouvent aussi des pierres au nombre de douze[34], d'une grandeur et d'un éclat extraordinaires, parure que les hommes ne pourraient se procurer à cause de sa valeur énorme. Ces pierres donc sont rangées trois par trois sur quatre lignes et insérées dans le tissu. Autour de ces pierres s'enroulent des fils d'or, qui font partie du tissu, et disposés de manière à les empêcher de s'échapper. La première triade comprend une sardoine, une topaze, une émeraude  la seconde présente une escarboucle, un jaspe, un saphir ; la troisième a d'abord un morceau d'ambre, puis une améthyste, et, en troisième lieu, une agate, la neuvième pierre de l'ensemble ; dans la quatrième rangée est disposée d'abord une chrysolithe, après cela un onyx, puis un béryl pour finir[35]. Sur toutes ces pierres sont gravées des lettres composant les noms des fils de Jacob, que nous considérons comme des phylarques, chaque pierre étant décorée d'un de ces noms, selon l'ordre même de leur naissance respective[36]. Comme les anneaux sont trop faibles par eux-mêmes pour supporter le poids des pierres, on mit deux autres anneaux plus grands au bord de l'essèn le plus rapproché du cou, en les insérant dans le tissu et en les disposant de manière à recevoir des chaînes travaillées qui se rejoignent sur le haut des épaules et s'adaptent l'une à l'autre grâce à des ligaments d'or entrelacés. L'extrémité de ces chaînes, ramenée en sens inverse, allait se fixer dans l'anneau supérieur de la lisière dorsale de l'éphoudès, ce qui garantissait l'essèn de toute chute. A l'essèn était cousue une ceinture[37] garnie des mêmes ornements de couleur mêlés d'or dont j'ai déjà parlé ; cette ceinture, après avoir fait un tour, revenait se nouer par-dessus la couture, puis retombait et pendait. Quant aux franges, des étuis d'or[38] les recevaient à chaque extrémité de la ceinture et les tenaient toutes enfermées.

[26] Exode, XXVIII, 6 ; XXXIX, 2.

[27] En hébreu : éphod.

[28] L'Écriture ne donne pas de détails sur la façon de l'éphod. La tradition ne dit pas que l'éphod ait été pourvu de manches.

[29] Exode, XXVIII, 15 ; XXXIX, 8.

[30] En hébreu : hôschen.

[31] Josèphe ne parle pas en particulier des oracles appelés Ourim et Toumim (Exode, XXVIII, 30). Ces objets, qu'on n'a jamais su définir, se mettaient sur le hôschen (pectoral). Josèphe a préféré attribuer la faculté de rendre des oracles aux pierres même du pectoral (voir plus loin, VIII, § 9 et la suite).

[32] Exode, XXVIII, 9 ; XXXIX, 6. Ce sont les pierres de schôham de la Bible. Le texte de Josèphe est altéré.

[33] Le verset (Exode, XXVIII, 10) dit : « selon leurs naissances ».

[34] Exode, XXVIII, 17 ; XXXIX, 10.

[35] La liste des LXX est, à peu de chose près, identique.

[36] Cf. sur les noms des phylarques et leur ordre Sota, 36 a et b.

[37] Exode, XXVIII, 8.

[38] Il n'en est question ni dans l'Écriture, ni dans le Talmud.

Le bonnet et la couronne d'or.

6.[39] Comme coiffure, le grand-prêtre avait d'abord un bonnet fait de la même façon que celui de tous les prêtres ; mais, par dessus, s'en trouvait cousu un second[40] de couleur d'hyacinthe ; une couronne d'or l'entourait, composée de trois cercles ; sur cette couronne fleurissait un calice d'or rappelant la plante que nous appelons chez nous saccharon[41], mais que les Grecs versés dans l'art de cueillir les simples appellent jusquiame. S'il y a des personnes qui tout en ayant vu cette plante, ignorant son nom, n'en connaissent pas la nature, ou bien, tout en sachant son nom, ne la connaissent pas de vue, pour celles-là je m'en vais la décrire. C'est une plante dont la hauteur dépasse souvent trois palmes, et qui ressemble par sa racine au navet — on pourrait sans inexactitude risquer cette comparaison, — et par ses feuilles à la roquette[42]. Du milieu de ses branches elle émet un calice qui tient fortement au rameau ; une enveloppe le recouvre qui se détache d'elle-même quand il commence à se transformer en fruit. Ce calice est grand comme une phalange du petit doigt et ressemble par son contour à un cratère. J'indique ceci également pour ceux qui ne l'ont pas appris : il présente dans sa partie inférieure la moitié d'une balle qui serait divisée en deux, car il est arrondi dès la racine, puis, après s'être un peu rétréci par une légère courbe rentrante d'une forme gracieuse, il s'élargit de nouveau insensiblement en sépales fendus comme l'ombilic d'une grenade. De plus, un opercule hémisphérique le recouvre, qu'on dirait soigneusement fait au tour et que surmontent les sépales découpés qui, je l'ai dit, se développent comme dans la grenade, garnis d'épines, aux extrémités, finissant tout à fait en pointe. La plante conserve sous cet opercule ses fruits, qui remplissent toute l'étendue du calice, fruits pareils à la semence de la plante dite sidérite, et elle produit une fleur qui parait comparable aux feuilles claquantes du pavot. C'est sur le modèle de cette plante qu’on garnit la couronne qui va de la nuque aux deux tempes ; quant au front, l'éphiélis ne le couvrait pas (c'est le nom qu'on peut donner au calice) ; il y avait là une lame d'or[43] qui portait gravé en caractères sacrés le nom de Dieu.

[39] Exode, XXVIII, 36 ; XXXIX, 30.

[40] On trouve dans le Talmud (Houllin, 138 a), une baraïta d'où il résulterait qu'en effet, par dessus le bonnet, le grand-prêtre se coiffait encore d'une sorte de turban de laine sur lequel se posait le ciç d'or et ainsi, dit ce texte, se trouvait réalisé le commencement du verset, Exode, XXVIII, 37 : « et tu le placeras sur le tissu d'hyacinthe ».

[41] C'est de l'araméen. Voir, sur ce nom de plante, Immanuel Lôw, Aramaeische Pflanzennamen, Leipzig, 1881, n° 326, p. 381. Il n'est question de cette couronne et de ce calice ni dans le Pentateuque, ni dans les sources rabbiniques. L'Écriture ne parle que d'un ciç, appelé en quelques passages nézer hakkôdesch ; ce ciç est partout traduit par plaque, lame. Le Talmud parle bien quelquefois (Kiddouschin, 66 a) de couronne pontificale, mais seulement par métaphore. Si Josèphe ajoute au ciç une couronne d'or, c'est qu'il avait dans l'esprit la couronne que le grand-prêtre portait certainement à son époque. Il n'est pas seul, d'ailleurs, à rapporter au passé un usage de date récente. Déjà l'Ecclésiastique (commencement du IIe siècle av. J.-C.) parle d'une couronne d'or portée par Aaron (XLV, 14), et non de la simple plaque de l'Exode.

[42] Le ciç proprement dit.

[43] D'après la Bible, il y avait deux mots, lesquels, selon le Talmud (Soukka, 5a ; Sabbat, 63b) étaient gravés dans la plaque d'or sur deux lignes : le tétragramme en haut (nom de Dieu) et les quatre autres lettres (Consacré ou Sainteté) en bas.

Symbolisme de ces vêtements.

7. Telle était la parure du grand-prêtre. On peut trouver surprenante la haine que les hommes ont pour nous et qu'ils ne cessent de nous témoigner sous prétexte que nous méprisons la divinité, qu'eux-mêmes se flattent de révérer : car si on réfléchit à la construction du tabernacle et qu'on regarde les vêtements du prêtre et les ustensiles dont nous nous servons pour le ministère sacré, on découvrira que notre législateur était un homme divin et que ce sont de vaines calomnies dont nous sommes l'objet. En effet, la raison d'être de chacun de ces objets, c'est de rappeler et de figurer l'univers[44], comme on le verra si l'on consent à examiner sans haine et avec discernement. Ainsi pour le tabernacle, qui a trente coudées de long, en le divisant en trois parties et en en abandonnant deux aux prêtres comme un lieu accessible à tous, Moïse représente la terre et la mer, lesquelles sont, en effet, accessibles à tous ; mais la troisième partie, il l'a réservée à Dieu seul, parce que le ciel aussi est inaccessible aux hommes. En mettant sur la table les douze pains, il rappelle que l'année se divise en autant de mois. En faisant un candélabre composé de soixante-dix parties, il rappelle les dix degrés des planètes, et par les sept lampes qu'il porte les planètes elle-mêmes[45] ; car tel est leur nombre. Les voiles tissés des quatre espèces symbolisent les éléments naturels : ainsi le byssus paraît désigner la terre, puisque c'est d'elle que naît le lin ; la pourpre désigne la mer, parce qu'elle est rougie du sang des poissons ; l'air doit être désigné par l'hyacinthe, et l'écarlate serait le symbole du feu. Mais la tunique du grand-prêtre[46], faite de lin, désigne également la terre et l'hyacinthe le ciel ; elle ressemble aux éclairs par ses grenades, et au tonnerre par le bruit de ses clochettes. Et l'éphaptis[47] représente la nature universelle, parce que Dieu a voulu qu'elle fût faite de quatre substances ; elle est, de plus, tissée d'or, par allusion, j’imagine, à la lumière du soleil qui s'ajoute à tous les objets. L'essèn a été disposé au milieu de l'éphaptis à la manière de la terre, laquelle, en effet, se trouve à l'endroit le plus central. La ceinture qui en fait le tour représente l'océan ; car celui-ci environne tout étroitement. Le soleil et la lune sont figurés par les deux sardoines au moyen desquelles Moïse agrafe le vêtement du grand-prêtre. Quant aux douze pierres, qu'on veuille y voir les mois, ou bien les constellations qui sont en même nombre, — ce que les Grecs appellent le cercle du zodiaque —, on ne se méprendra pas sur ses intentions. Enfin, le hutinet d'hyacinthe me parait représenter le ciel, — autrement on n'aurait pas mis sur lui le nom de Dieu —, ce bonnet décoré d'une couronne, et même d'une couronne d'or à cause de sa couleur éclatante, qui plaît particulièrement à la divinité.
Qu'il me suffise d'avoir donné ces indications, car mon sujet me fournira encore souvent l'occasion de m'étendre longuement sur les mérites du législateur.

[44] Cet essai d'une symbolique du Tabernacle, déjà esquissée plus haut, est dans le goût des Alexandrins et rappelle en particulier Philon (II, M., 148 à 153, 155). Josèphe lui-même en avait précédemment donné quelques traits (Guerre, V, 5). Il faut croire que ce genre d'explications allégoriques s'était répandu, car on trouve dans les Midraschim des exemples curieux d'interprétations analogues. Le Livre des Jubilés, inspiré de Philon, paraît avoir comparé également, — dans la version primitive —, le Sanctuaire à l’œuvre de la création (voir Epstein dans Rev. Ét. juiv., t. XXI, p. 94). Un écrit qui a beaucoup de rapports avec le précédent, le Midrash Tadsché, s’étend aussi (ch. II) sur les correspondances entre la création et le tabernacle (en y joignant le temple de Salomon) : « le Saint des Saints répond aux cieux supérieurs, l'autre partie du sanctuaire à la terre, le parvis à la mer..., le candélabre aux astres, etc. » La liturgie samaritaine connaît aussi la signification allégorique du tabernacle (v. Heidenheim, Samarat. Liturgie, p. 16). Dans Tanhouma sur Exode, XXXVIII, 21, le tabernacle est comparé à l’œuvre de la création ; l'enceinte faite de tentures correspond au ciel et à la terre ; le voile qui sépare le sanctuaire du Saint des saints est assimilé au firmament, qui sépare les eaux supérieures des eaux inférieures, etc.

[45] Dans le Bellum, VII, 5, Josèphe, parlant du candélabre du temple de Jérusalem, dit que les sept lampes symbolisaient la sainteté de la semaine.

[46] Cf. Philon, Vita Mosis, II, M.. p. 148 fin et 149.

[47] Autre nom attribué par Josèphe à l'éphod, qu'il a déjà appelé plus haut épômis.

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