En effet, je n’ai point honte de l’Évangile, car c’est une puissance de Dieu en salut à tout homme qui croit, au Juif premièrement, puis au Grec ; car en lui se révèle une justice de Dieu par la foi pour la foi, selon qu’il est écrit : Le juste vivra par la foi.
C’est l’Évangile que Jésus est venu apporter à la terre, c’est l’Évangile que les Apôtres devaient enseigner au monde, c’est l’Évangile que nous devons croire pour arriver au salut. Mais qu’est-ce que l’Évangile ? Ce mot, pris de la langue du Nouveau-Testament, signifie Bonne nouvelle. C’est donc une bonne nouvelle que Jésus est venu annoncer à la terre, une bonne nouvelle que les Apôtres doivent prêcher à tous les hommes, une bonne nouvelle que nous devons croire. Quelle est cette bonne nouvelle ? en quoi consiste-t-elle ? Question importante, puisque c’est de notre foi à cet Évangile que dépend notre salut. Parcourons donc les pages du Livre divin qui nous a transmis la vie et les paroles de Jésus, et cherchons quel est le fait qui mérite le beau nom de la Bonne nouvelle.
Jésus a apporté à la terre une morale de la plus éclatante pureté ; rien de ce que les sages avaient dit jusqu’alors, rien de ce qu’ils ont dit depuis, rien de ce que renferme la loi de Moïse, dictée par Dieu lui-même, n’approche de la beauté des préceptes de Jésus-Christ. Dès les premiers jours de son ministère, assis sur le penchant d’une montagne, il adresse à la foule qui se presse autour de lui ces sublimes paroles : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; mais moi je vous dis que quiconque se met en colère sans raison contre son frère mérite d’être puni par les juges. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras point d’adultère ; mais moi je vous dis que quiconque regarde une femme avec des yeux de convoitoise a déjà commis adultère dans son cœur. Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent ; mais moi je vous dis de ne point résister à ceux qui vous maltraitent ; mais si quelqu’un vous donne un soufflet sur la joue droite, présentez-lui aussi l’autre. Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi ; mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent. »
Cette morale si pure, si noble, si élevée, cette morale divine ne serait-elle pas la Bonne nouvelle que Jésus est venu annoncer à la terre ? – Hélas ! une tâche plus longue et plus pénible imposée à l’esclave, un cachot plus étroit donné au prisonnier, des chaînes plus pesantes mises aux pieds du forçat, sont-ils donc pour ces malheureux une bonne nouvelle ?… Et c’est là l’image du faible enfant d’Adam mis en présence de la morale de Jésus. L’homme était déjà incapable d’accomplir la loi de sa conscience qui ne lui demandait qu’une exacte justice envers ses semblables ; sera-ce pour lui une bonne nouvelle que l’obligation de se soumettre à une morale qui lui impose le renoncement à lui-même, l’amour pour tous les hommes et pour son Dieu, et le sacrifice même de sa vie ? Notre cœur irritable ne s’abstient qu’avec peine de la vengeance ; nous sera-t-il plus facile de bénir nos ennemis ? Avides de posséder, nous croyons beaucoup faire en observant les règles d’une exacte probité ; nous estimerons-nous donc plus heureux lorsque, n’opposant aucune résistance à celui qui nous dépouille, nous lui aurons cédé une partie de nos droits ou de nos biens pour conserver la paix ? Notre conscience ne condamnait de nos passions que les actes accomplis ; serons-nous donc plus libres quand le simple désir sera puni comme le crime ? Comment une morale qui double notre tâche, incrimine nos plus légères fautes, scrute jusqu’à nos pensées, serait-elle pour nous, êtres faibles et passionnés, une Bonne nouvelle ? Comment une loi dont on ne peut enfreindre le plus petit commandement sans être condamné, serait-elle un sujet de joie pour le monde ? Ah ! sans doute, j’admire la sublime morale de Jésus, je reconnais que la terre n’a jamais rien produit de semblable, et que le Ciel seul peut l’avoir envoyée ; mais quand j’apprends que moi, si faible contre le mal qui m’assiège, si fragile au choc des passions, si inconstant dans mes meilleures résolutions, je dois, chaque jour de ma vie, en suivre les sévères préceptes, je me dis avec conviction : Non, ce n’est pas là la Bonne nouvelle que Jésus m’a apportée du ciel.
Jésus est aussi venu mettre en évidence une nouvelle existence qui attend les hommes au-delà du tombeau ; il leur a appris que la vie terrestre n’est que le premier anneau d’une chaîne sans fin qui va se perdre dans l’éternité. Il a confirmé la vérité de ses paroles par sa propre résurrection, et « a mis en évidence la vie et l’immortalité. » Avant cette révélation de Jésus-Christ, l’homme, si fortement attaché à l’existence, frémissait à la pensée d’une mort prochaine, inévitable ; Jésus est venu lui dire qu’il avait brisé l’aiguillon de la mort et arraché la victoire au sépulcre.
Cette révélation d’une vie sans fin ne serait-elle pas la Bonne nouvelle que Jésus est venu apporter à la terre ? – Oui, sans doute, si cette vie à venir était une vie de bonheur pour tous les hommes. Mais à côté de ce ciel, exempt de travail, de deuil, de souffrances, où toute larme sera essuyée, Jésus me découvre aussi un séjour de ténèbres et de remords, où se feront entendre des pleurs et des grincements de dents. Si Jésus promet de faire asseoir sur le trône de son Père celui qui vaincra, il menace aussi d’un feu éternel, d’un ver qui ne meurt point, quiconque transgresse la loi et tombe dans le péché. Si je ne puis espérer de vivre que lorsque j’aurai aimé Dieu de tout mon cœur, et mon prochain comme moi-même, mon égoïsme ne m’a-t-il pas déjà condamné à la mort ? Si rien de souillé ne doit entrer dans le ciel, mes impuretés ne m’ont-elles pas fermé tout accès auprès de Dieu, pour me précipiter dans le séjour des ténèbres ? Si j’ignorais l’existence de cette vie à venir, mes terreurs ne porteraient pas au-delà de cette terre ; et si les maux de la vie présente pesaient sur ma tête, la certitude de les secouer un jour en allégerait le poids. Mais aujourd’hui, lorsque Jésus vient m’annoncer une éternelle félicité pour le juste, et des peines sans fin pour le pécheur… à moi, pécheur couvert d’iniquités dans ma vie passée, incapable par moi-même de mieux faire à l’avenir, n’ayant pas même la force de prendre une résolution efficace pour m’arracher au vice, je vois là ma condamnation écrite en lettres de feu, et je me dis encore : Non, ce n’est pas là la Bonne nouvelle que Jésus m’a apportée.
Ainsi, d’une part, Jésus m’impose une loi morale plus difficile à satisfaire. Je sais que je n’ai pas accompli les devoirs que me prescrit ma conscience, encore bien moins ceux que me prescrit la Bible ; j’ai violé l’une et l’autre loi, non pas quelquefois, mais chaque jour de ma vie ; non sur un point, mais sur tous. D’un autre côté, Jésus me déclare qu’une vie éternelle de rétribution punira mes infractions à cette loi. Voilà donc, en même temps, la certitude d’avoir violé la loi, et la certitude que cette violation sera punie ; en sorte que, dès à présent, l’Écriture à la main, je suis assuré d’être condamné. Où donc est pour moi le sujet de me réjouir ? Je ne vois là, au contraire, qu’une vérité effrayante, capable de me jeter dans le désespoir, de me faire maudire la vie, et désirer le néant. Où donc est la Bonne nouvelle ? Cette Bonne nouvelle qu’une suite de prophètes ont proclamée pendant quarante siècles comme un sujet de joie universelle ; cette Bonne nouvelle que célébraient les armées célestes, comme apportant la paix à la terre et la bienveillance envers les hommes ; cette Bonne nouvelle que Jésus et les apôtres proclamèrent comme le salut du genre humain, où donc est-elle, cette Bonne nouvelle ? – Lecteur, la voici en peu de mots : Jésus est venu racheter les hommes d’une condamnation méritée, et leur faire le don, le don gratuit d’une vie éternelle ! Oui, nous avions, vous et moi, péché contre la loi de Dieu, et « Jésus a été livré pour nos péchés ; il est ressuscité pour notre justification. » Nous étions maudits pour nos désobéissances, « Jésus nous a rachetés de la malédiction de la loi, ayant été fait malédiction pour nous. » Nous avions mérité la condamnation, mais Jésus nous dit : « C’est par grâce que vous êtes sauvés ; cela ne vient point de vous, c’est un don de Dieu. » La voilà donc, cette Bonne nouvelle : ce péché que vous ne pouviez effacer, Jésus l’a effacé ; cette condamnation que vous aviez méritée, Jésus l’a subie ; ces menaces que vous ne pouviez repousser, Jésus les a détournées ; cet abîme ouvert sous vos pas, Jésus l’a comblé ; et ce ciel qu’il vous était impossible d’atteindre, Jésus vous l’a ouvert ; il vous y transporte, et vous donne gratuitement la vie éternelle. Et tout cela, sans que vous ayez rien fait pour l’obtenir ; au contraire, malgré tout ce que vous avez fait pour vous en éloigner ; tout cela gratuitement, sans condition, en pur don ; tout cela par amour pour vous, par une miséricorde indicible. Oui, voilà la Bonne nouvelle ! Jésus est venu sur la terre ; il a souffert pour vous ; il est mort pour vous ; il ne vous reste qu’à accepter le salut éternel qui vous est gratuitement offert.
Mais, dira-t-on, si tous les péchés de l’homme lui sont remis, s’il n’a rien à faire pour mériter le ciel, et que le salut lui soit assuré dès à présent, pourquoi l’homme fuirait-il le péché ? il lui sera toujours pardonné. Dès que le penchant de son cœur l’invite au mal, pourquoi, pour parler avec l’apôtre, « ne pécherait-il pas, afin que la grâce abonde ? » – Lecteur, avant de vous répondre, laissez-moi vous adresser une question. Je suppose qu’en suivant les bords d’un fleuve large, profond, rapide, vous tombiez au milieu de ses eaux, et vous vous sentiez entraîné par le courant. D’abord, vous luttez avec courage ; mais la force du courant, supérieure à la vôtre, met à chaque instant une nouvelle distance entre vous et le rivage. Pas un esquif pour venir à votre secours, pas une planche pour vous soutenir, pas un roseau pour fixer votre main ; toujours, toujours les flots vous entraînent. Vos forces s’épuisent, votre courage s’abat ; vous allez disparaître : encore une vague, et c’en est fait de vous. – - Tout-à-coup un ami s’élance, fend rapidement les ondes, arrive à vous, d’un bras vous enveloppe, de l’autre nage avec effort, et vous dépose enfin sur le rivage. Quant à lui, épuisé de fatigue, il ne lui reste de voix que pour vous prier de lui conserver une place dans votre souvenir ; de l’aimer comme il vous a aimé en s’exposant pour conserver vos jours, et il meurt victime volontaire de son dévouement pour vous. Quelle sera votre conduite à l’avenir ? Je vais répondre à votre place. Vous irez répandre dans le monde des bruits injurieux à la réputation de cet ami qui s’est sacrifié pour vous sauver la vie. Non seulement son amitié ne touchera pas votre cœur, mais vous tournerez son dévouement en ridicule ; vous maudirez son nom, vous couvrirez de mépris sa famille, vous repousserez avec dureté un de ses frères venant vous demander un léger secours ; son souvenir vous deviendra odieux ; aucune des volontés qu’il aura exprimées en mourant ne vous sera sacrée… – « Non, allez-vous me répondre avec indignation, non, ce ne serait pas là ma conduite, vous me calomniez ; je suis incapable d’une telle lâcheté ; j’ai des sentiments assez nobles pour, répondre plus dignement à l’amitié de celui à qui je devrais l’existence. » – Oui, lecteur, ma supposition est une calomnie, et voilà précisément pourquoi, si vous regardez vraiment Jésus comme un Sauveur qui a donné sa vie pour conserver là vôtre, il est impossible que vous restiez dans le péché, quand vous savez que Jésus mourant ne vous a demandé d’autre témoignage de vôtre reconnaissance que de fuir ce péché. Il est impossible que son dévouement ne réveille pas votre amour, et que cet amour ne vous conduise pas à l’obéissance, quand le Maître vous demande de vous sanctifier. Eh quoi ! l’ami qui vous aurait conservé cette vie d’un jour aurait pu exciter votre gratitude, trouver une place dans votre cœur, obtenir votre acquiescement à sa volonté, et Jésus, votre meilleur ami, vous donnant une vie éternelle, n’exciterait pas aussi votre gratitude, n’émouvrait pas aussi votre cœur, n’obtiendrait pas aussi votre reconnaissance ? Vous verriez son corps fixé à un bois infâme, ses membres déchirés par le fer, afin de vous arracher vous-même à des tortures éternelles, sans concevoir une profonde horreur pour vos fautes qui l’ont attaché à cette croix ? Vous l’entendriez vous demander de l’aimer comme il vous a aimé et pousser le dernier soupir en priant pour vous, sans éprouver le besoin de lui prouver votre reconnaissance par votre soumission à toutes ses volontés ? Quoi ! tout ce qu’il aurait tenté pour obtenir votre amour n’obtiendrait que votre haine ? Tout ce qu’il aurait fait pour vous arracher au péché ne serait qu’un nouveau motif de vous plonger plus avant dans le vice ? Oh ! je ne puis le croire ; un cœur d’homme bat encore dans votre sein ; vous auriez horreur de tant d’ingratitude, et vous comprenez maintenant pourquoi je n’ai pu vous supposer assez de dépravation pour dire : Si nous sommes pardonnés et sauvés, « péchons afin que la grâce abonde. »
Mais pourquoi m’arrêter à montrer que le sacrifice de Jésus et le salut gratuit qu’il nous obtient ne nous autorisent pas à rester dans le péché ? Si vous ajoutez quelque foi à ces grandes vérités, ne sentez-vous pas, au contraire, que vous y trouvez les plus puissants motifs pour fuir le mal, pour vous attacher au bien ? Oh ! si votre cœur a compris le dévouement qu’il y a dans ce Sacrifice du Fils de Dieu, pourrait-il rester froid et ne pas rendre à ce Dieu amour pour amour ? Si votre esprit a mesuré l’abîme de misères auquel vous êtes arraché et la source féconde de félicité qui vous est offerte, pourriez-vous rester étranger à la reconnaissance ? Si vous avez une foi véritable à ce pardon, à ce salut, votre âme ne sera-t-elle pas inondée d’une joie pure, indicible, à la pensée que, dès ce jour, vous êtes assuré d’une vie éternelle et heureuse ? Cette joie, cette reconnaissance, cet amour, ne seront-ils pas les plus sûrs garants de votre obéissance ? Ne seront-ils pas les motifs les plus purs, 1es plus puissants pour vous porter à conformer votre vie aux lois de l’Évangile ? Maintenant, la morale de Jésus n’aura pour vous rien de pénible, car ce ne sera ni l’intérêt ni la crainte qui, vous conduiront à en accomplir les préceptes, mais un mobile auquel rien ne résiste l’amour, l’amour d’un Dieu qui s’est donné à vous. Jadis, au milieu des misères de cette vie, vous avez pu vous croire abandonné du Ciel, et peut-être avez-vous élevé contre lui des murmures ; mais aujourd’hui, si vous croyez à l’immensité de l’amour de Dieu pour vous, vous aurez en lui une pleine confiance ; « persuadé que celui qui vous a donné son Fils vous donnera toutes choses avec lui. » Il vous en coûtait alors de sacrifier pour un de vos frères une parcelle de vos biens, de vos droits, de votre temps ; mais aujourd’hui, ce sacrifice vous serait-il pénible, quand il vous est demandé par Celui qui vous a tout donné ? Non ; dans l’indigent vous demandant du pain, dans le malade réclamant vos secours, vous verrez des frères de Jésus, votre Sauveur, et vous vous estimerez heureux de pouvoir, en soulageant ces. infortunés, lui témoigner votre reconnaissance.
Mais, hélas ! il est des personnes pour qui ces vérités sont loin d’être des vérités ; elles éprouvent pour ces idées une répugnance naturelle qu’elles croient invincible ; chaque fois qu’elles entendent parler du pardon des péchés par la mort de Jésus-Christ, du salut éternel obtenu par grâce, elles ne peuvent se défendre d’un sentiment pénible ; elles ont pour tout ce qui se rattache à ces pensées, pour les mots eux-mêmes de croix, de rédemption, de grâce, de Sauveur, une secrète antipathie ! Mais d’où viennent ces répugnances, cette antipathie ? Il faut le dire : la cause qui fait repousser ces vérités fondamentales du Christianisme, la première cause, c’est l’orgueil. Pour accepter le pardon que nous offre Jésus, il faut en sentir le besoin, il faut nous reconnaître coupables, et l’orgueil nous défend de faire cet aveu ; il nous cache nos vices et nous crée des fantômes de vertus. Pour accepter le salut gratuit, il faut reconnaître qu’il n’est pas dû à nos mérites, que nous en sommes indignes, et notre orgueil se révolte à cette pensée ; il nous dit que nous pouvons : mériter le ciel ; que peut-être nous l’avons mérité ; il repousse avec dédain ce qu’on lui offre comme une grâce et le demande à titre de récompense. Telle est la source du mal ; nous ne pouvons que l’indiquer. Sans doute, lecteur qui seriez dans ce cas, vous pouvez fermer l’oreille à ces paroles de vérité, ne rien changer à vos propres idées, repousser le pardon et le salut que vous offre Jésus, mais souvenez-vous que votre aveuglement ne change rien : à la vérité : la Bible reste toujours la Parole de Dieu, et la croix de Jésus le seul chemin du ciel. Croyez-le ou ne le croyez pas, cette vérité est immuable ; le ciel et la terre passeront, mais les paroles de Christ ne passeront point. Toutes les créatures de cette terre se lèveraient, et d’une voix unanime proclameraient le contraire, qu’il suffit que la Bible le dise pour que ce soit la vérité.