Maintenant veuillez comparer ces doctrines de notre admirable philosophe, avec celles que l’on trouve dans son ouvrage sur l’abstinence des êtres animés. D’abord il reconnaît et établit par les raisonnements les plus solides, que le Dieu suprême, aussi bien que les puissances divines et célestes qui lui sont immédiatement inférieures, ne doivent être honorés par aucune espèce d’holocauste ou de sacrifice. Puis il rejette les croyances populaires, en disant qu’il ne faut point prendre pour des dieux ceux auxquels on offre des sacrifies d’animaux. Car comme il est de la dernière injustice d’ôter la vie à des animaux, de tels sacrifices sont trop impies, trop abominables, trop cruels, pour être agréables aux dieux. Pouvait-il plus clairement faire le procès à sa propre divinité ? ne vient-il pas, en effet, de nous citer son oracle qui veut qu’on immole des animaux, non pas seulement aux divinités infernales, mais aussi aux dieux qui habitent l’air, l’éther et le ciel. Apollon le veut ainsi, il est vrai : mais notre philosophe n’en prononce pas moins sur l’autorité de Théophraste, que l’immolation des animaux ne saurait honorer les dieux, qu’elle ne convient qu’aux démons : d’où il suit que d’après son raisonnement et celui de Théophraste, Apollon n’est point un dieu, mais un démon, et non pas Apollon seulement ; mais il en faut dire autant de tous les dieux reconnus chez les divers peuples ; car le culte que leur rendent partout rois et sujets, dans les villes et les campagnes, consiste dans l’immolation des animaux. Selon nos deux philosophes, il ne faut donc voir dans tous ces dieux autre chose que des démons. Diront-ils que ce sont de bons démons ? Mais quand ils ont déclaré impie, abominable, cruel, tout sacrifice sanglant, comment oseraient-ils appeler bons, des génies qui acceptent de tels sacrifices ? Que sera-ce maintenant, si nous faisons voir que non seulement ces sortes de sacrifices, mais même les sacrifices humains leur étaient d’une agréable odeur, ce qui est le comble de l’inhumanité et de la cruauté ? Ne sera-ce pas mettre dans la dernière évidence leur amour pour le meurtre, leur goût pour le sang, leur penchant à la cruauté, en un mot ne sera-ce pas avoir prouvé qu’ils ne sont que de mauvais démons ? Quand nous en serons venus là, ne restera-t-il pas clairement démontré que nous nous sommes laissé conduire par la droite raison, lorsque nous avons abandonné cet horrible culte. N’est-il pas en effet contre toute religion et toute piété de prostituer le nom auguste de Dieu avec l’honneur suprême qui lui est dû, à de méchants génies ? d’accorder à des brigands, à des profanateurs de tombeaux, les honneurs dus à la dignité royale parmi les hommes ? Aussi nous avons appris à révérer Dieu d’une autre manière dans les honneurs dignes de lui que nous lui rendons, à lui et aux puissances bienheureuses qui l’environnent et auxquelles il prodigue sa bienveillance : rien de terrestre et de mortel, rien de sanglant et de souillé, rien de matériel et de corruptible n’existe dans notre culte : mais nous lui offrons l’hommage d’un esprit pur de toute pensée mauvaise, d’un corps réglé par la chasteté et la tempérance, parure mille fois plus brillante que tous les ornements de luxe, voilà le culte que nous avons à cœur et si nous formons des vœux aux pieds de notre Dieu, c’est celui de conserver intactes jusqu’à notre dernier soupir les doctrines pures et dignes de Dieu, et surtout les divers enseignements qui nous ont été laissés par notre Sauveur. Ce sont là des observations que nous voulions mettre en avant : maintenant il est temps que nous venions à la preuve de ce que nous avons avancé. Suivons d’abord notre auteur dans l’endroit de son titre sur l’abstinence des êtres animés, où il défend de brûler ou d’immoler rien de terrestre en l’honneur du Dieu suprême, ni des puissances divines qui lui sont immédiatement inférieures, parce que ce culte répugne à la véritable piété.