Préparation évangélique

LIVRE IV

CHAPITRE IX
QUELS SACRIFICES IL FAUT OFFRIR AUX DIEUX D’APRÈS LA DOCTRINE DE L’ORACLE D'APOLLON

« Après avoir parlé de la piété, nous devons exposer les cultes que les dieux eux-mêmes réclament par la voix de leurs oracles, quoique nous ayons déjà dit quelque chose de cette matière, en traitant de la piété. Voici un oracle d’Apollon qui fixe les diverses hiérarchies des dieux. Ô toi, que la bienveillance des dieux conduit par cette voie, n’oublie pas d’immoler des victimes aux dieux propices : à ceux qui habitent la terre, à ceux qui règnent dans les cieux, à ceux qui habitent la terre ou les régions humides de l’air, la mer ou les demeures infernales ; car la nature des dieux remplit tout de sa présence ! Je tracerai d’abord les règles des sacrifices d’animaux ; grave mes paroles sur tes tablettes. Trois victimes aux divinités de la terre, trois aux dieux célestes ; elles seront blanches pour les dieux du ciel, de la couleur de la terre pour les divinités terrestres. Pour les sacrifices en l’honneur des dieux de la terre, tu les feras en trois manières : aux dieux infernaux, tu enseveliras la victime dans le sein de la terre, une fosse profonde en boira le sang ; aux nymphes, tu feras couler le miel et les dons sacrés de Bacchus ; aux divinités qui voltigent autour de la terre, que le sang de la victime inonde l’autel où brûle le feu sacré : que la flamme consume l’oiseau immolé, avec de la farine d’orge pétrie de miel ; que l’encens parfume l’autel et la victime ; sème dessus les grains d’orge sacrés. Ensuite, si tu vas sur les sables du rivage sacrifier à la mer azurée, plonge d’abord la tête de la victime, puis abîme sous les flots le reste de son corps. Libre de ces premiers devoirs, tourne-toi vers les spacieuses régions de l’éther qu’habitent les dieux célestes ; aux dieux qui règnent dans les airs et dans les astres, égorge la victime : que des flots de sang baignent l’autel : sers les membres aux dieux ; livre les extrémités aux flammes, que le reste couvre la table du festin : que l’air liquide s’embaume des exhalaisons de l’encens : puis élève ta prière vers les dieux. »

Après avoir rapporté cet oracle, il en donne plus loin l’explication suivante :

« Tel est, dit-il, l’ordre des sacrifices, basé sur les différentes classes de dieux établies par l’oracle. Il y a des dieux qui habitent sur la terre et des dieux dont le séjour est sous la terre. Les dieux qui habitent sur la terre sont désignés sous le nom de dieux terrestres ; ceux qui habitent sous la terre sont appelés dieux infernaux. Aux uns et aux autres il veut qu’on immole des quadrupèdes noirs, mais avec un rite différent ; en l’honneur des dieux terrestres, l’immolation se fait sur un autel ; en l’honneur des divinités infernales, elle se fait dans une fosse où l’on ensevelit le corps entier de la victime. Que les quadrupèdes soient les victimes communes aux uns et aux autres, nous en avons la preuve dans la réponse que voici : Une victime commune honore les dieux de la terre et ceux des enfers, un quadrupède, la chair tendre d’un jeune agneau. Aux dieux célestes, l’oracle veut qu’on immole des oiseaux, que la flamme les consume entièrement, que leur sang coule autour de l’autel ; aux divinités marines, il veut qu’on offre aussi des oiseaux, mais des oiseaux vivants ; qu’on plonge dans les flots des oiseaux au plumage noir : car voici ce qu’il dit, à tous ces dieux des oiseaux, mais aux dieux marins des oiseaux noirs : par où l’on voit qu’il désigne les oiseaux pour tous les dieux (excepté toujours les dieux de la terre), et que pour les dieux marins seulement ils doivent être noirs ; d’où il suit que pour les autres ils doivent être blancs. De ces victimes blanches qui s’offrent aux dieux du ciel et des régions aériennes, on ne consacre que les extrémités des membres ; le reste doit être mangé : ce sont les seules victimes dont il soit permis de se nourrir ; les autres sont interdites. Les dieux qu’il a appelés en les classant, dieux célestes, il les appelle aussi dieux des astres. Maintenant est-il besoin d’exposer les symboles de ces divers sacrifices ? je ne le pense pas, tant ils sont clairs par eux-mêmes pour tout homme intelligent. Ainsi aux dieux terrestres on offre des quadrupèdes terrestres, parce que chacun aime son semblable : or la brebis est un animal terrestre ; c’est pour cela qu’elle est consacrée à Cérès, et dans le ciel, elle préside avec le soleil à la production des fruits de la terre. Ces victimes doivent être noires, parce que la terre est opaque ; elles doivent être au nombre de trois, parce que ce nombre est le symbole de la nature terrestre et corporelle. En l’honneur des divinités terrestres, la victime s’immole sur un autel, parce qu’elles ont leur séjour à la surface de la terre. En l’honneur des divinités infernales, la victime est ensevelie dans une fosse ou tombeau, parce que ces divinités habitent sous la terre. Aux autres dieux, on immole des oiseaux. Si c’est aux dieux marins on les choisit de couleur noire ; la nature de l’oiseau représente la mobilité perpétuelle des flots ; la couleur du plumage représente celle de la mer. Aux divinités aériennes, on offre des oiseaux au plumage blanc, parce que de sa nature, l’air est brillant et diaphane. Aux dieux qui habitent les régions de l’éther ou du ciel, on offre ce qu’il y a de plus léger dans la victime, l’extrémité de ses membres. Il est donné aux hommes de participer à ces victimes, pour marquer que ces dieux sont la source des biens, tandis que les autres ne font que nous préserver des maux. »

Telle est la sagesse divine que notre auteur révèle dans son ouvrage sur la philosophie fondée sur les oracles.

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