1.[1] Pour le moment, je vais en mentionner quelques-unes relatives aux purifications et aux sacrifices[2] ; puisque aussi bien c'est de sacrifices que j'ai été amené à parler. Il y a deux sortes de sacrifices : les uns se font par les particuliers, les autres par le peuple[3], et ils ont lieu selon deux modes[4]. Dans les premiers, toute la bête offerte est brûlée en holocauste ; de là vient justement le nom qu'ils ont pris. Les autres sont des sacrifices d'actions de grâce ; ils sont destinés à fournir un festin à ceux qui les offrent. Je vais parler de la première catégorie. Un simple particulier qui offre un holocauste[5] immole un bœuf, un agneau et un bouc, ces derniers âgés d'un an ; les bœufs, on peut les immoler même plus âgés. Mais tous ces holocaustes doivent être d'animaux mâles[6]. Dès qu'ils sont égorgés[7], les prêtres aspergent de sang le pourtour de l'autel[8], puis, après les avoir nettoyés[9], ils les démembrent, y répandent du sel[10] et les déposent sur l'autel, qu'on a au préalable rempli de bois et allumé. Ils y mettent les pieds des victimes et les parties abdominales soigneusement nettoyées avec les autres parties pour y être consumés ; les peaux sont prises par les prêtres[11]. Tel est le mode d'offrande des holocaustes.
[1] Lévitique, I, 1 ; cf. Contre Apion, II, 23.
[2] Dans le Contre Apion (II, § 195), Josèphe explique le but et la raison d'être de ces sacrifices qu'il ne fait ici qu'énumérer.
[3] Philon (De victimis, § 3, II, M., p. 238) distingue comme Josèphe les sacrifices publics et les sacrifices privés.
[4] D'après le Lévitique et la tradition (v. Maimonide, M. Tora, H. Maacé Hakorbanot, I, 1), il y a quatre sortes de sacrifices : ôla (holocaustes), hattat, ascham (deux sortes de sacrifices expiatoires), schelanîm (sacrifices d'actions de grâce) sans compter les subdivisions. Josèphe, qui traite très brièvement des sacrifices, ne parle ici que de deux sortes, mais il mentionne également plus loin les sacrifices expiatoires.
[5] Lévitique, I, 3.
[6] Pour ces détails qui ne sont pas formellement dans la Bible, Josèphe suit la tradition, mais en simplifiant. Les holocaustes de quadrupèdes, selon les sources rabbiniques, sont seuls soumis à la règle qui exige qu'on n'emploie que des animaux mâles ; pour les holocaustes d'oiseaux on se servait indifféremment de mâles ou de femelles. Quant à l'âge des victimes, d'après la tradition (Para, I, 3), non seulement les bœufs, mais aussi les agneaux et les boucs pouvaient être immolés quand ils étaient « grands », c'est-à-dire entre un an et deux ans ; pour les bœufs, on pouvait même aller jusqu'à trois ans.
[7] Par qui ? Josèphe ne le dit pas expressément. Cependant il semble, d'après lui, que ce sont les prêtres qui s'acquittaient de ce soin. Primitivement, les simples particuliers pouvaient en être chargés (I Chroniques, XXIX, 21). Plus tard, on le confia aux prêtres ordinaires (cf. II Chroniques, XXIX, 21-24 ; XXX, 1, 11). Pendant l'époque du second temple, les laïques eurent le droit d'immoler les victimes, comme on le voit par la 1ère Mishna du ch. III de Zebahim.
[8] Josèphe prend à la lettre les mots de Lévitique, I, 5. Selon la Halacha (Sifra sur ce passage ; Zebahim, 53 b), on ne faisait d'aspersions pour les holocaustes que sur les deux angles nord-est et sud-ouest de l'autel, de façon à mettre du sang sur les quatre côtés, mais sans en jeter tout autour.
[9] Selon Lévitique, I, 13, on ne lavait que les pieds et les intestins, mais, d'après II Chroniques, IV, 6, le nettoyage des holocaustes paraît avoir été complet. Josèphe dit, d'ailleurs, plus loin que les pieds et les intestins étaient lavés avec un soin particulier (cf. Sifra sur Lévitique, I, 6 ; Tamid, IV, 3).
[10] La prescription qu'on lit dans Lévitique, II, 13 : « Sur tous tes sacrifices tu offriras du sel » est donnée à propos des oblations ; mais le principe est appliqué en effet, selon la Halacha, à toute espèce de sacrifices (Tamid, IV, 3 ; Menahot, 21 b).
[11] D'après Lévitique, I, 8, le dépouillement des peaux n'a lieu que pour les holocaustes de gros bétail ; mais le Sifra (ad loc.) l'étend à tous les holocaustes. Cf. aussi Lévitique, VII, 8 ; Zebahim, II, 4 ; Philon, M., II, p. 235.
2.[12] Si l'on a des sacrifices d'actions de grâce à offrir, ce sont les mêmes bêtes qu'on immole, mais il faut qu'elles soient sans défaut, âgées de plus d'un an, mâles et femelles ensemble. Après qu'on les a immolées, on teint l'autel de leur sang ; les reins, la membrane qui couvre les intestins et toutes les graisses avec le lobe du foie, ainsi que la queue de l'agneau, sont disposés sur l’autel. Mais la poitrine et la jambe droite sont offertes aux prêtres et on célèbre des festins pendant deux jours avec le reste des chairs ; et, s'il en subsiste après, on le brûle.
[12] Lévitique, III, 1.
3.[13] On sacrifie aussi pour les péchés[14], et le mode est le même que pour les sacrifices d'actions de grâce. Ceux qui sont dans l'impossibilité d'offrir des victimes sans défaut donnent deux colombes ou deux tourterelles, dont l'une est consacrée en holocauste à Dieu et dont l'autre[15] est donnée en nourriture aux prêtres. Mais je traiterai avec plus d'exactitude de l'immolation de ces animaux quand je parlerai des sacrifices. Celui[16] qui est induit au péché par ignorance[17] offre un agneau et une chèvre du même âge, et le prêtre arrose l'autel avec le sang, non pas comme précédemment, mais aux extrémités des angles[18]. Les reins, toute la graisse avec le lobe du foie, on les dépose sur l'autel. Les prêtres prennent pour eux les peaux et les viandes, qu'ils consommeront le jour même dans le sanctuaire ; car la loi ne permet pas d'en laisser jusqu'au lendemain. Celui qui a commis une faute et qui en a conscience[19], sans qu'il y ait personne pour l'accuser, immole un bélier ; ainsi l’exige la loi. Les prêtres en consomment également les chairs dans le sanctuaire le jour même. Les chefs[20] qui sacrifient pour leurs péchés apportent les mêmes victimes que les particuliers, mais ils s'en distinguent en ce qu'ils offrent en plus un taureau et un bouc mâles[21].
[13] Lévitique, V, 1.
[14] Dans la Bible, il y a deux noms pour cette sorte de sacrifices : hattat et ascham ; mais la définition précise de chacun de ces termes est malaisée à fournir. Josèphe, dans sa brève notice, mélange beaucoup de textes du Lévitique qui traitent en détail des sacrifices publics ou privés et des divers péchés qui en nécessitent l'offrande (voir là-dessus, Maimonide, M. T., H. Maacé Hakorbanot). Le mot grec employé par Josèphe, se trouve aussi dans les LXX, correspondant à l'hébreu : hattat. Le mot grec qu'on trouve plus loin, se rencontre également dans les LXX avec un autre pour désigner plutôt le sacrifice nommé ascham. Josèphe, qui se réserve de parler ailleurs plus amplement des sacrifices, est ici trop bref pour être exact. Il dit que le cérémonial des sacrifices d'expiation est le même que celui des sacrifices d'actions de grâce. Il devait en excepter les hattaot mentionnés dans Lévitique, IV, 1-22, série de sacrifices où les victimes sont presque entièrement consumées.
[15] D'après la Halacha (Sifré sur Lévitique, V, 8 ; Pesahim, 59 a), l'holocauste n'est offert qu'après le hattat.
[16] Lévitique, IV, 27 ; VII, 1.
[17] Soit ignorance de l'acte commis, soit ignorance de la loi telle est la Halacha (Sabbat, 67 b sqq.).
[18] Ce que l'Écriture appelle les cornes de l'autel.
[19] Lévitique, V, 21.
[20] Lévitique, IV, 22.
[21] Le Lévitique dit que le naci (prince) n'a qu'un bouc mâle à offrir. Le taureau n'est exigé, selon Lévitique, IV, 3, que du grand pontife et (V, 14) de l'assemblée d'Israël. Mais Josèphe, en employant le même mot grec que dans d'autres passage (Bellum, II, § 627), désigne les membres du sanhédrin, qui représentent la communauté, selon la tradition (cf. Sifra sur Lévitique, IV, 13 : Horayot, 4 b).
4.[22] La loi veut que dans tous les sacrifices privés et publics on offre de la farine de froment parfaitement pure[23], la mesure d'un assarôn pour un agneau, de deux pour un bélier et de trois pour un taureau. On brûle sur l'autel cette farine[24] pétrie dans l'huile. Car ceux qui font un sacrifice apportent également de l'huile, pour un bœuf un demi-héïn, pour un bélier, le tiers de cette mesure, et un quart pour un agneau. Le héïn est une antique mesure des Hébreux, de la capacité de deux conges attiques. On offrait la même mesure d'huile et de vin ; on versait ce vin en libations autour de l'autel. Si quelqu'un, sans faire de sacrifice, offrait en vœu de la fleur de farine[25], il en prélevait d'abord une poignée, qu'il répandait sur l’autel ; le reste, c'étaient les prêtres qui le prenaient pour le consommer, soit bouilli, car on le pétrissait dans de l'huile, soit à l'état de pains. Mais quand le prêtre l'offrait[26], quelle qu'en fût la quantité, elle devait être entièrement brûlée.
La loi défend[27] d'immoler le même jour et au même endroit une bête avec celle qui l'a engendrée, ni, d'une façon générale, avant que huit jours se soient écoulés depuis la naissance, il se fait encore d'autres sacrifices pour se préserver de maladies ou pour d'autres raisons. Dans ces sacrifices on offre des pâtisseries avec les victimes ; selon la loi, on n'en doit rien laisser jusqu'au lendemain, et les prêtres en prélèvent une part pour eux.
[22] Nombres, XV, 4.
[23] L'obligation d'employer du froment est énoncée aussi dans Sota, II, 1.
[24] C'est là l'oblation que le Talmud appelle minhat neçachim ; elle était, en effet, brûlée tout entière sur l'autel (Menahot, VII). Parmi les Sadducéens régnait une doctrine différente (v. Meguillat Taanit, VIII) : une seule poignée était offerte ; le reste appartenait aux prêtres.
[25] Lévitique, II, 1 ; IV, 13.
[26] Lévitique, VI, 16.