Mais parmi tous les bienfaits de la loi, lesquels justifierai-je de préférence, sinon ceux que l’hérésie a le plus violemment attaqués ? La loi du talion prescrivait « œil pour œil, dent pour dent, haine pour haine. » Son but n’était pas d’autoriser le mal en échange du mal, mais de contenir la violence par la crainte de la réciprocité. Il était difficile, impossible peut-être de persuader à un peuple grossier et incrédule d’attendre la vengeance des mains du Seigneur, selon l’oracle du prophète : « A moi la vengeance, et je l’exercerai dans le temps. » En attendant, que fait la loi ? Elle étouffe la pensée de l’outrage par la certitude d’un outrage pareil, permet la seconde injure pour prévenir la première agression, oppose aux ruses de la méchanceté le contrepoids d’une méchanceté équivalente, effraie la première par la seconde, empêche la seconde en effrayant la première, parce que la passion est mille fois plus sensible au mal qu’elle a déjà éprouvé. En effet, rien de si amer pour l’offenseur que de subir à son tour le traitement qu’il infligeait tout à l’heure. Si la loi interdit quelques viandes, si elle déclare immondes quelques animaux quoique bénis dès l’origine du monde, reconnais-le ! elle avait dessein d’exercer la tempérance, et de mettre un frein à cette gourmandise qui, nourrie du pain des anges, regrettait, les concombres et les melons d’Égypte. Il s’agissait de prévenir les compagnes trop habituelles de l’intempérance, l’incontinence et la luxure, qui s’apaisent dans la sobriété, « Le peuple avait mangé, il avait bu, et il se leva pour danser. » Ces sages précisions éteignaient encore en partie la soif de l’or, en détruisant le prétexte des nécessités de la vie dont s’autorisent les richesses pour satisfaire aux délices d’une table somptueuse. Est-ce là tout leur mérite ? Elles accoutumaient encore l’homme à jeûner dans la vue de plaire à Dieu, à se contenter de peu d’aliments, et à choisir les plus grossiers. Sans doute le Créateur mérite ici un blâme, mais c’est d’avoir imposé ces privations à son peuple plutôt qu’aux ingrats Marcionites. Quant à ce long, embarrassant et minutieux détail de sacrifices, d’oblations, de cérémonies et de rites divers, personne n’accusera Dieu de l’avoir prescrit pour lui-même, lui qui s’écrie si ouvertement : « Qu’ai-je besoin de la multitude de vos victimes ? Qui vous a demandé d’apporter ces offrandes ? » Mais admirons encore ici la sagesse de la providence. Ne connaissant que trop la pente du peuple juif vers l’idolâtrie et la prévarication, elle prit soin de l’attacher au culte véritable par un appareil de cérémonies imposantes, aussi propres à frapper les sens que la pompe des superstitions païennes elles-mêmes. Elle voulait qu’à cette pensée : Dieu l’ordonne, cela plaît à Dieu, Israël détournant ses regards des rites idolâtriques, ne cédât jamais à la tentation de se faire des idoles.