Magnence s'étant emparé depuis la mort de Constant de l'Empire d'Occident, Constance partit pour aller en Europe, et pour s'opposer à l'établissement de sa tyrannie. Mais cette guerre là n'assoupit pas l'autre guerre qu'il avait déclarée aux Catholiques. Car les Ariens qui le tenaient engagé dans leur erreur, et qui lui persuadaient tout ce qu'ils voulaient, lui persuadèrent de convoquer un Concile à Milan ville d'Italie, et de contraindre les Évêques qui y seraient assemblés, d'approuver la déposition qui avait été ordonnée à Tyr par de méchants Juges, et de les obliger ensuite à faire un nouveau formulaire de foi, depuis qu'Athanase avait été chassé de l'Église d'Alexandrie. Les Évêques se rendirent à cette ville là selon l'ordre de l'Empereur. Mais ils n'y firent rien de ce qu'il désirait. Au contraire ils eurent le courage de lui reprocher que ce qu'il ordonnait était injuste et impie, en haine de quoi ils furent exilés aux extrémités de l'Empire. Le grand Athanase parle de ceci dans son Apologie en ces termes.
« Qui pourrait jamais raconter tous les maux qu'ils ont faits ? Comme les Églises jouissaient il n'y a pas longtemps d'une paix assez profonde, et que les peuples étaient assemblés pour faire la prière en commun, Libère Évêque de Rome, Paulin Évêque de la Métropole des Gaules, Denys Évêque de la Métropole d'Italie, Lucifer Évêque de la Métropole de l'île de Sardaigne, et Eusèbe Évêque d'une ville d'Italie, tous ces Prélats dis-je recommandables par la pureté de leur vertu, et par le zèle avec lequel ils prêchaient la vérité, furent enlevés, et emmenés en exil, à cause seulement du refus qu'ils faisaient de consentir à l'hérésie Arienne, et de signer notre condamnation. Est-il nécessaire que je parle du grand Osius, de ce célèbre Prélat qui jouit d'une si heureuse vieillesse, et qui a confessé si généreusement la foi ? Il n'y a personne qui ne sache qu'il est du nombre des exilés. C'est sans doute le plus illustre Ecclésiastique du siècle. Y a-t-il eu quelque Concile, où il n'ait pas présidé, et où il n'ait pas persuadé tous les esprits par la force de ses discours ? Y a-t-il quelque Église qui ne conserve pas de glorieuses marques de ses soins ? Y a-t- il quelqu'un qui dans son affliction ait eu recours à lui, et qui n'en ait pas reçu de la consolation ? Y a-t-il quelqu'un qui ait imploré son secours, et qui n'ait pas senti les effets de sa charité ? Cependant leur cruauté n'a pas épargné ce grand homme, parce que la connaissance qu'il avait de la fausseté de leurs accusations, l'avait empêché de consentir par écrit à la trame qu'ils brassaient pour nous perdre. »
On peut connaître par ce que je viens de transcrire les violences que les Ariens exercèrent contre ces saints hommes. Ce que le même Évêque raconte dans le même ouvrage fait voir l'adresse, et la malice des intrigues que les principaux de cette dangereuse faction, formèrent contre plusieurs autres personnes. Voici ses paroles.
« Quelqu'un de ceux qu'ils ont une fois entrepris de persécuter, est-il jamais tombé entre leurs mains, sans qu'il ait souffert toute sorte d'outrages ? Ont-ils jamais trouvé aucun de ceux qu'ils cherchaient, sans qu'ils l'aient fait mourir misérablement, ou sans qu'ils l'aient au moins estropié de tous ses membres ? Les exécutions que les Juges ordonnent, doivent être imputées à ces hérétiques, puisque les Juges ne sont que les ministres de leur rage, et de leur vengeance. Y a-t-il quelque lieu qui n'ait point de vestiges de leur cruauté ? Quelqu'un a-t-il eu le courage de le déclarer contre leurs sentiments, sans qu'ils l'aient opprimé de la même sorte que Jézabel opprima autre fois Naboth ? Y a-t-il quelque Église que leur injustice n'ait pas jetée dans la douleur et dans la tristesse ? Antioche regrette la perte d'Eustate ce Prélat Orthodoxe, et ce Confesseur intrépide. Balanée, pleure l'absence d'Euphration. Palte, et Antarade celle de Cymatius, et de Cartere. Andrinople gémit pour les rigueurs exercées contre Eutrope très chéri de Dieu, et contre Lucius son successeur, que ces hérétiques ont plusieurs fois chargé de chaines, sous la pesanteur desquelles il a enfin rendu le dernier soupir. Ancyre, Berée, et Gaza, sont dans l'affliction à cause de Marcel, de Cyrus, et d'Asclepas qui ont été chargés d'outrages, et envoyés en exil par les violences de cette artificieuse secte. Ils ont fait chercher Théodule, et Olympius Évêques de Thrace. Ils nous ont aussi fait chercher, et les Prêtres de notre Diocèse, et il n'y a pas lieu de douter qu'ils ne nous eussent fait mourir, s'ils eussent pu nous trouver. Mais nous nous échappâmes contre leur attente, dans le temps même qu'ils avaient envoyé des ordres à Donat Proconsul, contre Olympius, et qu'ils en avaient envoyé d'autres à Philagre contre nous. »
Voilà l'excès de l'insolence où cette faction impie se porta contre les personnes les plus recommandables par la pureté de leur vertu. Au reste Osius dont parle Athanase, était Évêque de Cordoue, avait fort paru dans le Concile de Nicée, et avait depuis tenu le premier lieu dans celui de Sardique.
J'ai dessein d'insérer dans cet ouvrage, la conférence que Libère Évêque de Rome eut avec l'Empereur Constance, pour faire voir la générosité avec laquelle il défendit la foi. Des personnes de piété qui vivaient en ce temps là, recueillirent cette conférence à dessein d'exciter le zèle des autres par l'exemple de cet Évêque de Rome, qui avait succédé à Jules successeur de Silvestre.