Cette défense de la foi contre les ariens trouva un autre champion à Alexandrie dans Didyme l’Aveugle. Né à Alexandrie en 313, Didyme avait perdu la vue à l’âge de quatre ans. Il s’obstina cependant à vouloir étudier et s’instruire et, grâce à sa persévérante application, put être bientôt cité comme un des plus savants hommes de son temps. Saint Antoine, Palladius, Évagre le Pontique, saint Jérôme, Rufin vinrent l’écouter ou suivre ses leçons. Respecté des ariens mêmes, après une vie toute consacrée à la prière et au travail, il s’éteignit à l’âge de 85 ans, en 398.
Didyme est, autant qu’un docteur, un ascète dont la piété est profonde et dont la science se tourne volontiers en amour. Le ton de sa controverse est bienveillant, mesuré, fait pour ramener l’adversaire plus que pour en triompher. Mais son style est terne et prolixe. Obligé par sa cécité de dicter toujours, il a de la peine à se condenser et à se corriger. Au point de vue des idées, c’est un origéniste modéré sans doute, mais qui a encore trop retenu des erreurs du maître. Cette circonstance a nui beaucoup à sa mémoire. Son nom apparaît, à côté de celui d’Origène, dans la condamnation qui fut portée contre celui-ci par le sixième concile général de 680 ; et cette condamnation a contribué sans doute à la mauvaise conservation de ses ouvrages.
Son œuvre exégétique d’abord a péri presque entière. Elle était pourtant considérable. Didyme avait commenté en tout ou en partie la Genèse, l’Exode, le premier livre des Rois, Esaïe, Jérémie, Osée, Zacharie, les Psaumes, les Proverbes, Job, le Cantique des cantiques, l’Ecclésiaste, Daniel, saint Matthieu, saint Jean, les Actes des apôtres, les épîtres aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, aux Ephésiens et les épîtres catholiques. De tous ces écrits nous ne possédons que des fragments plus ou moins longs. Le commentaire sur les épîtres catholiques, traduit en latin par les soins de Cassiodore sous le nom de Didyme, paraît n’être lui-même qu’une compilation postérieure de textes empruntés à divers auteurs.
L’œuvre dogmatique de Didyme n’était guère moins étendue. Elle comprenait notamment un Volume de Dogmes (Dogmatum volumen) cité par Didyme lui-même (De Spiritu sancto, 32), et qu’il faut confondre peut-être avec le Sectarum volumen (ibid., 5, 21) ; un traité Sur le Saint-Esprit ; un opuscule Sur la mort des petits enfants ; Deux livres contre les ariens ; un ouvrage Contre Eunomius ; un autre sur le Saint-Esprit probablement ; trois livres Sur la Trinité ; des Commentaires sur le Périarchon d’Origène ; un traité Contre les manichéens ; des traités A un philosophe ; De l’incorporel ; De l’âme ; De la foi ; De la Providence ; peut-être d’autres encore. De tout cela il ne s’est conservé, en dehors de quelques fragments ou citations, que les deux ouvrages sur le Saint-Esprit et sur la Trinité et une partie du traité contre les Manichéens. On a bien proposé d’identifier quelques-uns des autres ouvrages énumérés avec certains ouvrages anonymes du même temps que nous possédons, mais sans pouvoir rien conclure d’une façon décisive.
Le traité Sur le Saint-Esprit, contre les pneumatomaques, n’existe qu’en latin, dans une traduction de saint Jérôme achevée en 389. Comme saint Ambroise, pour composer en 381 son propre ouvrage Sur le Saint-Esprit, a puisé largement dans celui de Didyme, on en doit conclure que celui-ci est antérieur à cette date. — Les trois livres Sur la Trinité nous sont parvenus dans le texte original, mais par un seul manuscrit et avec quelques lacunes. Le livre premier s’occupe de la divinité du Fils ; le deuxième, de celle du Saint-Esprit ; le troisième répond aux objections des ariens et des macédoniens contre ces deux dogmes. L’ouvrage a dû être écrit entre les années 380-392.
Quant au morceau Contre les manichéens, on en a contesté, bien à tort probablement, l’attribution à Didyme ; car celui-ci montre vis-à-vis de cette hérésie une préoccupation constante, et saisit toutes les occasions de l’attaquer. La réfutation qu’il en fait ici par l’Écriture et la raison n’offre d’ailleurs rien de remarquable.