La Légende dorée

LI
L’ANNONCIATION

(25 mars)

I. La fête de l’Annonciation célèbre le souvenir du jour où un ange a annoncé l’avènement du fils de Dieu dans la chair.

La Vierge était restée, depuis sa troisième année jusqu’à sa quatorzième, dans le temple avec les autres vierges. Puis, sur la révélation de Dieu, elle avait été fiancée à Joseph, et celui-ci s’était rendu à Bethléem, d’où il était originaire, afin de préparer les choses nécessaires pour les noces. Et Marie, pendant ce temps, était revenue dans la maison de ses parents, à Nazareth. C’est là que l’ange Gabriel lui apparut, et la salua, en lui disant : « Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes ! » Ce qu’entendant, Marie fut profondément troublée des paroles de l’ange et se demanda ce que signifiait cette salutation. Notons à ce propos qu’elle fut troublée des paroles de l’ange, non de sa vision : car souvent elle voyait des anges. Et l’ange, la réconfortant, lui dit : « Ne craignez pas, Marie, car vous avez trouvé grâce auprès du Seigneur. Voici que vous allez concevoir et mettre au monde un fils, qui s’appellera Jésus, c’est-à-dire le Sauveur, parce qu’il sauvera son peuple de ses péchés. » Et Marie dit à l’ange : « Comment sera-ce possible, puisque je ne connais aucun homme ? » Elle voulait dire par là : « Puisque je suis résolue à ne point connaître d’homme ! » Et l’ange, répondant, lui dit : « L’Esprit-Saint surviendra en vous, et vous fera concevoir. » Alors Marie, étendant les mains et levant les yeux au ciel, dit : « Me voici, la servante du Seigneur ! Que me soit fait suivant ta parole ! » Puis, se relevant, elle se rendit sur la montagne, auprès d’Élisabeth ; et comme elle la saluait, l’enfant saint Jean bondit de joie dans le ventre de sa mère.

II. Un soldat riche et noble avait renoncé au siècle et était entré dans l’Ordre de Cîteaux. Mais il était si illettré que les moines, rougissant de son ignorance, chargèrent un maître de lui donner des leçons. Or il eut beau recevoir des leçons ; il ne put rien apprendre que deux mots : Ave Maria, qu’il allait répétant toute la journée. Quand il mourut, et qu’on l’ensevelit avec les autres frères, voici que sur sa tombe poussa un lys magnifique, qui portait inscrit sur chacune de ses feuilles en lettres d’or : Ave Maria. Les frères, étonnés d’un si grand miracle, enlevèrent la terre du tombeau, et virent que le lys prenait sa racine dans la bouche du mort. Ainsi ils comprirent avec quelle dévotion il avait dit ces deux mots.

III. Un brigand s’était construit une forteresse au bord d’une route, et dépouillait sans miséricorde tous les passants ; mais il récitait tous les jours la Salutation Angélique, sans qu’aucun empêchement pût l’y faire manquer. Un jour vint à passer un saint moine, que les compagnons du brigand se mirent en devoir de dépouiller : mais l’homme de Dieu leur demanda à être conduit près de leur chef, disant qu’il avait un secret à lui communiquer. Amené en présence du brigand, il demanda à celui-ci de réunir tous les habitants de la forteresse, afin qu’il leur prêchât la parole de Dieu. Mais, lorsqu’ils furent assemblés, le religieux dit : « Vous n’êtes pas tous là ; quelqu’un manque ! » Et comme on lui disait que personne ne manquait : « Cherchez bien, » reprenait-il ; « vous verrez qu’il manque quelqu’un ! » Alors un des brigands s’écria : « En effet, un des valets n’est pas ici ! » Et le moine : « C’est précisément lui que j’attends. » On l’envoya donc chercher, mais, à la vue de l’homme de Dieu, il roula des yeux effrayés, se démena comme un insensé, et refusa d’approcher. Et l’homme de Dieu lui dit : « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ je t’adjure de dire qui tu es et pourquoi tu es venu ici ! » Le valet répondit : « Puisque je suis forcé de parler, sachez que je ne suis pas un homme, mais un démon, qui, sous forme humaine, demeure depuis quatorze ans auprès de ce brigand. Notre chef m’avait envoyé auprès de lui pour guetter le jour où il négligerait de réciter la Salutation Angélique ; car, ce jour-là, il nous aurait appartenu, et j’avais ordre de l’étrangler sur-le-champ. Seule, cette prière quotidienne l’empêchait de tomber en notre pouvoir. Mais j’ai eu beau le guetter : pas une fois il n’a manqué à la réciter. » Ce qu’entendant, le brigand, stupéfait, tomba aux pieds de l’homme de Dieu, demanda son pardon, et se convertit désormais à une vie meilleure.

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