Contre Marcion

LIVRE II

Chapitre XXII

De même quand il dit : « Tu ne feras point d’idole taillée ni aucune image de ce qui est au ciel, ni de ce qui est sur la terre, ni de ce qui est sous les eaux, » ces défenses songeaient à prévenir l’idolâtrie. Car il ajoute : « Tu ne les adoreras point ; Tu ne les serviras point. » Quant au serpent d’airain, que Moïse façonna dans la suite d’après les ordres du Seigneur, étranger à toute pensée d’idolâtrie, il était destiné à guérir ceux qu’avaient blessés les serpents. Je te fais grâce du remède divin dont il était l’emblème. De même du chérubin et du séraphin d’or battu qui couvraient le propitiatoire de l’arche d’alliance : décoration innocente, en harmonie avec la majesté de l’arche sainte, et placée là pour des raisons bien différentes du principe idolâtrique qui avait provoqué l’interdiction de toute image taillée, ils ne sont point en contradiction avec la défense précédente, puisqu’ils n’ont rien de commun avec les idoles que proscrit la loi. Nous avons parlé de la bienfaisante sagesse qui avait présidé à l’institution des sacrifices. Ils étaient destinés à éloigner le peuple du paganisme. Que si Dieu rejeta par la suite ces offrandes : « Qu’ai-je besoin de la multitude de vos sacrifices ? etc. » il voulait nous faire comprendre qu’il n’avait point à ces cérémonies un intérêt personnel : « Je ne boirai plus désormais, dit-il, le sang des taureaux, » parce qu’ailleurs il avait dit : Le « Dieu éternel n’aura ni faim ni soif. » Il a beau abaisser un regard de complaisance sur les victimes d’Abel, et respirer avec délices les holocaustes de Noë, quelle si grande suavité pouvait-il trouver dans les entrailles d’une génisse, ou quel parfum dans l’odeur des victimes consumées par le feu ? Mais l’âme pure et craignant le Seigneur de ceux qui offraient à l’Eternel les dons de sa munificence, voilà quel était son plus délicieux aliment et le parfum de suavité qui montait vers lui. Qu’importaient à sa félicité les sacrifices de l’univers ? Il les revendiquait, seulement à titre d’hommages dus à sa majesté. Un client offre à un grand de la terre, ou à un prince qui n’a besoin de rien, un présent quel qu’il soit. La qualité ou la quantité de l’offrande, même la plus vulgaire, déshonore-t-elle l’homme opulent, ou bien cette respectueuse déférence réjouit-elle son cœur ? Que le client, au contraire, sans attendre l’ordre du prince, ou sur l’injonction qu’il en a reçue, lui apporte de magnifiques présents, qu’il célèbre solennellement le jour de sa naissance ou de son inauguration, mais avec la haine dans le cœur, avec une fidélité douteuse et une soumission chancelante, le prince ou le riche ne devra-t-il pas s’écrier : « Qu’ai-je besoin de la multitude de vos offrandes ? j’en suis rassasié. Vos solennités, vos jours de fête, vos sabbats, mon âme les repousse avec dégoût. » En disant vos fêtes, vos sabbats, parce qu’en les célébrant à leur fantaisie, bien plus que pour rendre hommage à la divinité, ils avaient abaissé jusqu’à l’ homme l’acte religieux, Dieu prouva qu’il avait de sages motifs pour répudier les rites qu’il avait prescrits lui-même.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant