Guerre des Juifs - Flavius Josèphe

LIVRE 2
Depuis la mort d'Hérode jusqu'au début de l'insurrection (4 av. J.-C. – 66 ap. J.-C.)

CHAPITRE 21
Intrigues et déprédations de Jean de Gischala. Affaire de Dabarittha ; émeute de Tarichées. Guet-apens de Tibériade. Josèphe disperse l'armée de Jean et se débarrasse des commissaires du Sanhédrin. Révolte, soumission et pillage de Tibériade.

Intrigues et déprédations de Jean de Gischala.

1. Tandis que Josèphe gouvernait ainsi la Galilée, il vit se dresser contre lui un homme de Gischala, nommé Jean, fils de Lévi, le plus artificieux et le plus scélérat de tous ceux que leur perfidie a illustrés. Pauvre à ses débuts, le dénuement avait longtemps entravé sa méchanceté : toujours prêt au mensonge, habile à donner crédit à ses inventions, il se faisait un mérite de la fourberie et en usait contre ses amis les plus intimes. Il affectait l'humanité, mais la cupidité le rendait le plus sanguinaire des hommes. Toujours plein de vastes désirs, son ambition prit racine dans les plus basses coquineries. Ce fut d'abord un brigand opérant isolément ; il trouva ensuite, pour renforcer son audace, quelques complices, dont le nombre grossit avec ses succès. Il eut d'ailleurs soin de ne jamais s'adjoindre d'associés débiles, mais des gaillards vigoureux, de caractère ferme, exercés aux travaux de la guerre. Il finit par former une bande de quatre cents compagnons, la plupart évadés de la campagne de Tyr et des bourgades de ce territoire[1]. Avec eux il rançonnait toute la Galilée et exploitait un peuple que tenait en suspens l'attente de la guerre prochaine.

[1] D'après Vita, § 372 (c. 66), Jean avait dans sa bande des mercenaires de Tyr même. Le portrait tracé dans la Guerre est d'ailleurs plus chargé que celui de la Vie : d'après cet opuscule (voir c. 10), Jean est un citoyen influent et considéré de sa ville natale (Gischala, aujourd'hui el-Djisch, dans la Galilée du N., sur le parallèle du bord Sud du lac Mérom, et tout près du territoire tyrien) ; il s'efforce même d'abord de retenir ses concitoyens dans l'obéissance de Rome et ne forme sa « bande » que lorsque les peuples voisins ont incendié et pillé sa ville natale.

2. Il aspirait déjà au commandement et à de plus hautes destinées, mais le manque d'argent l'arrêtait. Comme Josèphe prenait plaisir à son caractère entreprenant, Jean le persuada d'abord de lui confier la reconstruction des murs de sa ville natale, affaire où il réalisa de gros bénéfices aux dépens des riches citoyens[2]. Ensuite il imagina une comédie raffinée : sous prétexte que tous les Juifs de Syrie répugnaient à faire usage de l'huile qui ne leur était pas fournie par leurs coreligionnaires, il obtint le privilège de leur en livrer à la frontière. Il achetait donc quatre amphores d'huile pour un statère tyrien, qui vaut quatre drachmes attiques, et revendait la demi-amphore pour la même somme. Comme la Galilée produit beaucoup d'huile et que la récolte avait été excellente, Jean, ayant le monopole d'en vendre de grandes quantités à des populations qui en manquaient, fit des profits immenses et il en usa aussitôt contre celui qui les lui avait procurés[3]. Comptant que, s'il réussissait à écarter Josèphe, il obtiendrait lui-même le gouvernement de la Galilée, il ordonna aux brigands de sa bande de renchérir d'audace dans leurs incursions ; à la faveur de l'anarchie ainsi produite dans la contrée, il espérait de deux choses l'un : ou le gouverneur accourrait à la rescousse — alors il le tuerait bien dans quelque embuscade ; ou il laisserait faire les brigands &ld; alors il calomnierait Josèphe auprès de ses concitoyens. Enfin, il faisait répandre depuis longtemps le bruit que Josèphe trahissait la cause nationale en faveur des Romains : bref, il multipliait les machinations de tout genre pour le perdre.

[2] D'après Vita, c. 13, Jean obtint de Josèphe (ou plutôt des commissaires adjoints à celui-ci) la permission de vendre le blé impérial, épars dans les villages de haute Galilée, pour subvenir à cette reconstruction.

[3] Ici encore le récit de Vita (c. 13) diffère un peu. Il ne s'agit plus de tous les Juifs de Syrie, mais seulement de ceux qui sont enfermés dans Césarée de Philippe. D'après Vita, § 75, le ξέστης (1/96 de métrète) d'huile valait à Césarée une 1/2 drachme, à Gischala 1/20 de drachme, soit la proportion 10 à 1. D'après notre texte Jean vend une demi-amphore le prix que lui ont coûté 4 amphores : la proportion est donc de 8 à 1 seulement. (Le statère tyrien, de poids phénicien, vaut d'ailleurs sensiblement moins que 4 drachmes attiques : 4 drachmes attiques de bon poids pèsent 17 gr., le statère n'en pèse guère que 14. Josèphe assimile probablement la drachme au denier romain, qui, au temps de Néron, pesait gr. 3,40).

Affaire de Dabarittha ; émeute de Tarichées.

3.[4] Sur ces entrefaites, quelques jeunes gens du bourg de Dabarittha[5], qui faisaient partie des postes établis dans la grande plaine, tendirent une embuscade à Ptolémée[6], intendant d'Agrippa et de Bérénice : ils lui enlevèrent tout le convoi qu'il menait avec lui et qui comprenait beaucoup de riches vêtements, quantités de coupes d'argent et 600 statères d'or. Comme ils ne pouvaient disposer en secret d'un pareil butin ils portèrent le tout à Josèphe, alors à Tarichées. Celui-ci blâma l'acte de violence commis envers les gens du roi et déposa tous ces objets chez Annéos[7], le citoyen le plus considérable de Tarichées, dans l'intention de les renvoyer à leurs légitimes propriétaires quand l'occasion se présenterait. Cette conduite lui attira les plus grands dangers. Les pillards, mécontents de n'avoir obtenu aucune part du butin, et devinant la pensée de Josèphe, qui allait livrer aux princes le fruit de leur exploit, parcoururent nuitamment leurs villages et dénoncèrent à tous Josèphe comme traître ; ils remplirent aussi de tumulte les villes voisines, en sorte qu'à l'aurore cent mille hommes en armes s'attroupèrent contre lui. La multitude assemblée dans l'hippodrome de Tarichées poussait des cris de fureur : les uns voulaient lapider, les autres brûler vif le traître ; Jean excitait la populace[8], et avec lui Jésus, fils de Sapphias, alors premier magistrat de Tibériade.
Les amis et les gardes de Josèphe, déconcertés par cet assaut de la multitude, s'enfuirent tous à l'exception de quatre[9] ; Josèphe, qui était encore couché, fut réveillé au moment où déjà l'on approchait les torches. Ses quatre fidèles le pressaient de fuir[10] ; mais lui, sans se laisser émouvoir par l'abandon général ni par le nombre des assaillants, se précipita dehors ; après avoir déchiré ses vêtements et répandu des cendres sur sa tête, il croisa ses mains derrière son dos et se fit attacher son épée à son cou. A cette vue, ses familiers et surtout les habitants de Tarichées furent saisis de pitié, mais les gens de la campagne et ceux du voisinage que gênait sa présence l'invectivaient, le sommaient de leur apporter incontinent l'argent du public et de confesser le prix de sa trahison : car ils jugeaient d'après sa contenance qu'il ne nierait aucun des crimes dont on le soupçonnait et qu'il n'avait organisé tout cet appareil de pitié que pour s'assurer le pardon. Tout au contraire, cette humble attitude n'était de sa part qu'un stratagème : s'ingéniant à diviser ceux qui se déchaînaient contre lui, il demanda la parole comme s'il allait avouer tous les crimes qui les échauffaient tant[11], et, quand il l'eut obtenue : « Ces trésors, dit-il, ma pensée n'était ni de les envoyer à Agrippa, ni de me les approprier moi-même ; loin de moi d'avoir pour ami celui qui est votre adversaire, ou de regarder comme un gain ce qui préjudicie à l'intérêt commun. Mais comme je voyais, citoyens de Tarichées, que votre ville avait grand besoin d'être mise en état de défense et qu'elle manquait d'argent pour la construction de ses remparts, comme d'ailleurs je craignais que le peuple de Tibériade et les autres cités ne cherchassent à mettre la main sur ce butin, j'avais décidé de garder en cachette cet argent pour m'en servir à reconstruire votre muraille. Si vous n'êtes pas de cet avis, je vais faire apporter devant vous les trésors qu'on m'a confiés et les abandonner au pillage de tous ; si, au contraire, vous jugez que mon projet était bon, ne punissez pas votre bienfaiteur[12] ».

[4] Sections 3-5 Vita, c. 26-30 (§ 126-148).

[5] Village au pied N.-O. du Tabor.

[6] A la femme de Ptolémée, d'après Vita, § 126.

[7] Annéos n'est pas nommé dans Vita, § 131, qui, en revanche parle de deux amis d'Agrippa Jannée et Dassion, à qui Josèphe aurait confié la prise pour la restituer à leur maître. Quelques éditeurs identifient Jannée et l'Annéos de Guerre.

[8] Dans le récit détaillé de la Vita, Jean ne figure pas.

[9] D'un seul (Simon) selon Vita, § 137.

[10] D'après Vita, § 137, Simon aurait au contraire conseillé à Josèphe de se tuer !

[11] Nous croyons avec Destinon que le texte présente une lacune.

[12] Nous traduisons le texte amendé par Hudson et Gobet : εἰ δὲ (mss. μὴ) καλῶς ὑμῖν ἐβουλευσάμην (μὴ) κολάζετε τὸν εὐεργέτην.

4. A ces mots les habitants de Tarichées l'acclamèrent, mais ceux de Tibériade et le reste l'accablèrent d'injures et de menaces. Puis les uns et les autres, laissant Josèphe, se prirent de querelle entre eux. Dès lors, confiant dans ceux qu'il s'était déjà conciliés — le nombre des citoyens de Tarichées allait jusqu'à quarante mille, — il s'adressa plus hardiment à toute la multitude. Il critiqua vivement leur précipitation, promit de fortifier Tarichées avec l'argent disponible, et cependant de mettre aussi en état de défense les autres villes l'argent ne manquera pas, s'ils combattent, d'accord avec lui, ceux de qui l'on peut en tirer, au lieu de se laisser exciter contre celui qui le procure.

5. Là-dessus, la majeure partie de la foule trompée s'éloigna, quoique grondant encore, mais deux mille[13] hommes armés se disposèrent à attaquer Josèphe. Il réussit à les prévenir et à se sauver dans son logis, qu'ils entourèrent avec des menaces. Alors Josèphe employa contre eux une nouvelle ruse. Il monta sur le toit, calma de la main leur tumulte et demanda à savoir l'objet de leurs réclamations. La confusion de leurs clameurs, dit-il, l'empêche de les entendre ; il fera tout ce qu'ils voudront s'ils envoient dans la maison une délégation pour s'entretenir tranquillement avec lui. En entendant ces paroles, les notables entrèrent dans la maison avec les magistrats[14]. Là il les entraîna dans la partie la plus reculée de son logis, ferma la porte d'entrée et les fit tous fouetter de verges jusqu'à mettre à nu leurs entrailles. Pendant ce temps, la foule restait massée autour de l'habitation trouvant que les délégués plaidaient bien longuement leur cause. Tout à coup Josèphe fit ouvrir les battants de la porte, et l'on vit revenir ces hommes tout sanglants, spectacle qui inspira une telle terreur à la foule menaçante qu'elle jeta ses armes et se débanda.

[13] Six cents seulement d'après Vita, § 145.

[14] Vita, § 147, ne parle que d'un seul délégué. En revanche le traitement qu'il subit aurait été plus atroce : on lui trancha une main et on la lui suspendit au cou !

Guet-apens de Tibériade.

6.[15] Ces événements redoublèrent la haine de Jean, et il prépara contre Josèphe un nouveau guet-apens. Prétextant une maladie, il écrivit à Josèphe pour le supplier de l'autoriser à prendre les eaux chaudes de Tibériade. Josèphe, ne soupçonnant pas la perfidie, manda à ses lieutenants dans cette ville de donner à Jean l'hospitalité et de pourvoir à ses besoins. Celui-ci, après avoir joui de ces bons traitements pendant deux jours, exécuta son dessein : il corrompit les citoyens par des mensonges ou de l'argent et chercha à les détacher de Josèphe. Silas, que Josèphe avait préposé à la garde de la ville, informé de ces menées, s'empressa d'écrire à son chef tout le détail du complot. Josèphe, dès qu'il eut reçu la lettre[16], se mit en route, et, après une rapide marche de nuit, arriva dès l'aurore à Tibériade. La masse des citoyens vint à sa rencontre : quant à Jean, bien que l'arrivée inopinée de Josèphe lui inspirât quelque inquiétude, il lui envoya un de ses familiers, se prétendant malade, alité et empêché ainsi de lui rendre ses devoirs[17]. Puis, pendant que Josèphe assemblait dans le stade les habitants de Tibériade et commençait à discourir au sujet des nouvelles qu'il avait reçues, Jean envoya secrètement des soldats avec l'ordre de le tuer. Mais le peuple, en les voyant dégainer leurs épées, poussa une clameur ; à ces cris, Josèphe se retourne : il voit le fer menacer déjà sa gorge, saute sur le rivage — car il était monté, pour haranguer le peuple, sur un tertre haut de six coudées — et, s'élançant avec deux de ses gardes[18] sur une barque mouillée tout proche, il gagne le milieu du lac.

[15] Sections 6-7, jusqu'au § 626 = Vita, c. 16-21 (§ 81-103). Mais la Vita place tout cet épisode de Tibériade avant l'affaire de Tarichées (sections 3-5). Il est d'autant plus difficile de décider entre les deux versions qu'elles ne s'accordent pas sur le point de savoir si Jean joua un rôle dans cette dernière affaire (cf. la note sur § 599). Si vraiment il y prit part, on ne conçoit pas bien qu'il ait eu l'impudence de demander ensuite (§ 614) une faveur à Josèphe.

[16] Il était alors au village de Cana (Vita, § 86).

[17] D'après Vita, § 91, Jean vint en personne à la rencontre de Josèphe.

[18] Le garde Jacob et un citoyen de Tibériade, Hérode (Vita, § 96).

Josèphe disperse l'armée de Jean et se débarrasse des commissaires du Sanhédrin.

7. Cependant ses soldats, saisissant rapidement leurs armes, coururent contre les conjurés. Alors Josèphe, craignant de soulever une guerre civile et de perdre la ville par la faute de quelques envieux, envoya dire à ses hommes de se borner à veiller à leur propre sûreté, de ne tuer personne, de ne rechercher aucun coupable[19]. Ils se conformèrent à ses ordres et se tinrent en repos, mais les habitants des alentours, ayant appris le guet-apens et le nom du conspirateur, s'ameutèrent contre Jean, qui se hâta de regagner Gischala, sa patrie. Les Galiléens accoururent se ranger auprès de Josèphe, ville par ville ; de nombreux milliers de soldats, armés de toutes pièces, protestaient qu'ils étaient là pour punir Jean, l'ennemi public ; qu'ils brûleraient avec lui sa ville natale qui lui avait donné asile. Josèphe les remercia de leur sympathie, mais contint leur élan, préférant vaincre ses ennemis par la raison plutôt que de les tuer. Il se contenta donc de faire dresser la liste nominative des Juifs des diverses villes qui avaient suivi Jean dans sa défection — leurs concitoyens mirent le plus grand zèle à les lui dénoncer — puis fit proclamer par le héraut que tous ceux qui dans les cinq jours[20] n'auraient pas quitté Jean verraient piller leurs biens et brûler leurs maisons avec leurs familles. Par ce moyen il obtint aussitôt la défection de trois mille[21] hommes qui vinrent jeter leurs armes à ses pieds ; avec le reste, environ deux mille Tyriens[22] fugitifs, Jean, renonçant aux hostilités ouvertes, revint à des complots plus dissimulés[23].
Il envoya donc secrètement[24] des émissaires à Jérusalem pour dénoncer Josèphe, alléguant les grandes forces que celui-ci avait réunies, et prétendant qu'il ne tarderait pas à venir s'établir tyran de la capitale, si on ne le prévenant. Le peuple, qui prévoyait ces calomnies, n'y attacha pas d'importance ; il en fut autrement des principaux citoyens et de quelques magistrats : animés par l'envie, ils envoyèrent sous main à Jean les sommes nécessaires pour lever des mercenaires et faire la guerre à Josèphe. Ils décrétèrent aussi entre eux de le révoquer de ses fonctions de gouverneur. Cependant, comme ils ne pensaient pas qu'un décret suffirait, ils envoyèrent deux mille cinq cents hommes armés[25] avec quatre personnages de marque : Jozar[26]> fils de Nomicos, Ananias fils de Sadoc, Simon et Judas, fils de Jonathas[27], tous beaux parleurs ; ils étaient chargés de détourner de Josèphe la faveur du peuple ; si le gouverneur se présentait spontanément, ils avaient ordre de lui laisser rendre ses comptes ; s'il voulait se maintenir de force, de le traiter comme un ennemi public. Les amis de Josèphe lui mandèrent que des troupes marchaient vers la Galilée, mais ils ne purent lui en indiquer les motifs, car ses adversaires avaient délibéré à huis clos. Aussi, comme il n'avait pu se mettre sur ses gardes, quatre villes firent cause commune avec ses ennemis, dès qu'ils apparurent : Sepphoris, Gabara[28], Gischala et Tibériade. Cependant, même ces villes[29], il les ramena promptement, sans recourir aux armes ; puis, par ses habiles manœuvres, il mit la main sur les quatre commissaires et sur leurs principaux soldats et les renvoya à Jérusalem. Le peuple s'irrita fortement contre eux, et les aurait massacrés, eux et leurs mandants, s'ils ne s'étaient hâtés de prendre la fuite.

[19] Rien de ceci dans Vita. En revanche il y est dit que les Galiléens veulent détruire Tibériade.

[20] Vingt jours d'après Vita, § 370.

[21] Ou 4.000 (Vita, 371).

[22] 1.500 d'après Vita, 372. C'est d'après ce texte que je corrige Σύρων de Guerre en Τυρίων.

[23] Tout cet épisode final est placé par Vita (c. 66) beaucoup plus tard, après le conflit de Josèphe avec les envoyés du Sanhédrin de Jérusalem, avec raison, ce semble, car il n'est pas probable que Jean eût auparavant des forces aussi considérables.

[24] Fin de la section 7 (§ 629 &ld; 631) = Vita, c. 38-64 (§ 189-335), récit beaucoup plus circonstancié.

[25] Neuf cents seulement d'après Vita, § 200.

[26] Ἰωεσδρον mms. Ἰώζαρον Vita, 324, etc. Nomicos est un nom bien suspect.

[27] Au lieu de Judas, la Vita, 197, etc., nomme Jonathas.

[28] Les mss. ont Γάδαρα ou Γάμαλα; la vraie leçon est donnée par Vita, 203.

[29] Excepté Gischala.

Révolte, soumission et pillage de Tibériade.

8.[30] Jean, dans sa crainte de Josèphe, se tint désormais enfermé dans l'enceinte des murs de Gischala. Peu de jours après, Tibériade fit de nouveau défection. Cette fois, ce fut le roi Agrippa que les habitants appelaient. Il ne se présenta pas à la date convenue, mais ce jour là précisément un petit détachement de cavaliers romains se montra ; sur quoi les bourgeois bannirent Josèphe par la voix du héraut. La nouvelle de cette défection parvint aussitôt à Josèphe dans Tarichées ; comme il venait d'envoyez tous ses soldats pour fourrager[31], il ne voulut ni partir seul contre les révoltés, ni rester les bras croisés, de peur que les gens du roi, profitant de son retard, n'occupassent la ville ; car même le lendemain il ne pouvait agir, à cause de l'obstacle u sabbat. Il imagina donc de venir à bout des révoltés par la ruse. A cet effet, ayant fait fermez les portes de Tarichées pour empêcher que son projet ne s'éventât, il rassembla toutes les embarcations qu'on découvrit sur le lac — il s'en trouva deux cent trente[32], chacune montée par quatre matelots seulement — et fila avec cette escadre vers Tibériade. Restant assez loin de la ville pour que les habitants eussent peine à reconnaître le vide des bâtiments, il laissa ceux-ci flotter au large et, seul avec sept gardes de corps armés[33], il s'avança à la vue de tous. En l'apercevant du haut des remparts, d'où ils l'insultaient encore, ses adversaires furent saisis d'effroi et s'imaginèrent que toutes les barques étaient remplies de soldats bien armés : ils jetèrent leurs armes et, agitant des rameaux de suppliants, le conjurèrent d'épargner la ville.

[30] Sections 8-10 = Vita, c. 32-35. La Vita place cette révolte de Tibériade entre le guet-apens de Tibériade et la mission du Sanhédrin.

[31] D'après Vita, § 159, il les avait renvoyés chez eux pour y célébrer le sabbat (qui tombait le lendemain).

[32] Trois cent trente d'après les manuscrits PA.

[33] ἀνόπλους mss., ἐνόπλους Destinon : cette conjecture paraît nécessaire.

9. Josèphe leur lança force menaces et reproches : « pourquoi, ayant d'abord soulevé la guerre contre Rome, consumaient-ils leur énergie en luttes intestines ? n'était-ce pas combler les vœux de leurs ennemis ? quelle folie ensuite de s'acharner à détruire l'agent de leur sécurité ! quelle imprudence de fermer leur cité à celui qui en a élevé les murs ! » Cependant il se déclare prêt à recevoir des députés qui présenteront leur défense et lui garantiront l'obéissance de la ville. Aussitôt, dix citoyens, les plus qualifiés de Tibériade, descendirent : il les emmena assez loin sur un des bâtiments, puis il invita cinquante autres membres du Conseil, les plus notables, à s'avancer pour lui donner, eux aussi, leur parole. De prétexte en prétexte, il se fit amener tous les notables les uns après les autres, censément pour conclure un accord. Au fur et à mesure que les barques se remplissaient, il ordonna aux pilotes de voguer à toute vitesse vers Tarichées et d'enfermer ces hommes dans la prison. Il s'empara ainsi de tout le Conseil, qui comprenait six cents membres, et de deux mille autres citoyens, qu'il ramena à Tarichées sur ses barques.

10. Ceux qui restaient sur le rivage désignaient à grands cris un certain Clitos comme le principal auteur de la défection et exhortaient le gouverneur à faire peser sur lui sa colère. Josèphe, bien résolu à ne tuer personne, ordonna à un de ses gardes nommé Lévi de descendre à terre pour couper à Clitos les deux mains. Le soldat, craignant de tomber seul au milieu d'une troupe d'ennemis, refusa de marcher. Alors Clitos, qui voyait Josèphe bouillant de colère sur sa barque et tout prêt à s'élancer lui-même pour le châtier, le supplia du rivage de lui laisser une de ses mains. Le gouverneur accepta, à condition qu'il se coupât l'autre lui-même : Clitos, tirant son glaive de la main droite, se coupa la gauche, tant Josèphe l'avait terrifié. Tel fut le procédé par lequel, avec des barques vides et sept gardes, il enchaîna tout un peuple et ramena Tibériade sous son autorité. Mais peu de jours après, la ville ayant de nouveau fait défection en même temps que Sepphoris[34], il la livra au pillage de ses soldats. Cependant il réunit en bloc tous les biens des citoyens et les leur restitua. Il procéda de même à Sepphoris : après avoir dompté cette ville, il voulut lui donner, par le pillage, une leçon, puis en lui rendant ses biens, reconquérir son affection[35].

[34] Nous lisons avec les meilleurs mss : μετὰ δ' ἡμέρας ὀλίγας Σεπφωρίταις συναποστᾶσαν (à savoir Τιβεριάδα). Après ὀλίγας M et C insèrent Γίσχαλα, mais cette ville n'a jamais été conquise par Josèphe. Le texte original portait peut-être τὴν πόλιν dont Γίσχαλα serait une glose erronée.

[35] La prise et le pillage de Tibériade auxquels il est fait ici allusion se placent d'après la Vita (c. 64) auparavant, à savoir immédiatement après le renvoi des commissaires du Sanhédrin. C'est vers le même moment que Josèphe prend et « sauve » Sepphoris (c. 67). — Ces divergences chronologiques entre la Vita et la Guerre sont troublantes. La Guerre, rédigée plus près des événements, semble en général mériter la préférence ; mais on ne comprend pas que Josèphe, ayant sous les yeux son premier ouvrage, ne s'y soit pas conformé dans la Vita ou n'ait pas signalé les « corrections » qu'il y apportait.

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