d – Matthieu 6.30
Quel n’est pas mon aveuglement, Seigneur ! ou plutôt mon ingratitude ! Il y a tant d’années que tu me conserves, sans m’avoir jamais laissé manquer du nécessaire, m’accordant presque toujours le superflu ; et cependant, chargé de tes bienfaits, je doute de toi pour l’avenir ; je me demande si peut-être tu ne m’oublieras pas, si tu ne me laisseras pas souffrir le froid ou la faim ! Mais non, Seigneur, ce n’est pas de toi que je me défie, c’est des événements, comme si tu ne les dirigeais pas ; ce n’est pas de toi que je doute, c’est de moi-même, comme si tu m’avais abandonné à mes forces propres ! Je crains, comme si les hommes gouvernaient le monde ; comme si le grain qu’ils jettent en terre n’avait pas besoin, pour germer, de ton soleil, ou, pour mourir, de tes frimas ! Oh ! Seigneur, combien ma foi est faible et mesquine ; ou peut-être combien est grande ma présomption ! Sur un vaisseau battu par la tempête, je songerais à te prier ; je mettrais en toi quelque confiance ; mais parce que je ne suis pas exposé à cet imminent danger, parce que je suis sous un ciel pur, au milieu d’une atmosphère calme, je compte un peu moins sur toi, un peu plus sur moi ; et c’est ainsi que j’arrive à m’inquiéter pour des tempêtes qui ne sont encore soulevées que dans mon, imagination. Je me crée des fantômes afin d’en avoir peur ; je te supprime, ô Dieu, afin de ne pas me confier. Je suis le propre artisan de mes souffrances. Je viens te supplier de me délivrer de ces folles inquiétudes. Mets devant mes yeux tous tes bienfaits passés ; fais-moi ressouvenir des oiseaux de l’air que tu nourris, du lis des champs que tu revêts, et fais-moi comprendre, qu’à tes yeux, je vaux beaucoup plus que bien des passereaux dont pas un seul ne tombe en terre sans ta volonté !