Au reste, j’aurais combattu plus vigoureusement les antithèses de Marcion, s’il eût été besoin d’une longue réfutation pour justifier le Créateur aussi bon qu’il est juste, comme nous l’avons montré par des exemples dignes de Dieu. Que si la bonté et la justice constituent dignement la plénitude de la Divinité, toute-puissante pour la récompense comme elle l’est pour le châtiment, je puis d’un mot réduire au néant ces antithèses qui prétendent distinguer d’après les caractères, les lois, les inclinations, et conséquemment jeter entre le Christ et le Créateur, les mêmes abîmes qu’entre la bonté et la justice, la douceur et la miaulé, le salut et la perdition. Mais elles ne font qu’unir davantage ceux qu’elles placent dans des oppositions convenables à la Divinité. Hâte-toi donc d’effacer et le titre, et le plan de Marcion, et le but de cet ouvrage lui-même. Il ne sert plus qu’à confirmer l’harmonie de la bonté souveraine et de la souveraine justice dans le même Dieu, parce que ce double attribut convient à Dieu seul. Ton empressement à opposer dans ces exemples le Christ au Créateur tend à établir l’unité. La substance de ce que tu appelles les deux divinités sera tellement une et identique, dans son indulgence et ses rigueurs, qu’elle a voulu marquer de sa bonté les mêmes circonstances qu’elle avait précédemment empreintes de sa sévérité. Faudra-t-il s’étonner que ces attributs varient selon les dispositions humaines, et que le Dieu qui avait mené avec la verge de fer un peuple indocile, conduise par la douceur une nation soumise ? Par conséquent les antithèses me montreront les plans du Créateur réformés parle Christ, scellés de nouveau, et restaurés plutôt qu’anéantis, surtout quand tu affranchis ton dieu de tout mouvement d’amertume, par conséquent de toute affection envieuse à l’égard du Créateur. S’il en est ainsi, comment tes antithèses me prouveront-elles que sa rivalité jalouse lutta contre le Créateur dans des opérations différentes ? Je reconnaîtrai plutôt par elles-mêmes dans cette circonstance que mon dieu est un Dieu jaloux, qui, usant de ses droits, amena par une émulation bonne et louable, ses propres lois, qui avaient trop de verdeur dans l’origine, à la saveur de la maturité. Ce monde lui-même, si sagement combiné d’éléments contraires, est plein d’oppositions. Ainsi, ô extravagant Marcion, lu as oublié de nous forger un dieu pour la lumière et un dieu pour les ténèbres, afin de nous persuader plus aisément qu’à l’un appartenait la bonté, à l’autre la rigueur. Vous trouvez en Dieu les oppositions qu’il a lui-même établies dans le monde.