Trois parties, comme d’ordinaire : le préambule, renfermant, l’adresse et l’action de grâces, v. 1-7 ; la tractation du sujet ; c’est une requête de Paul, avec l’indication de ses motifs, v. 8-21 ; la conclusion, renfermant commissions et salutations, v. 22-25.
Cette lettre n’est adressée ni à une église ni à un individu, mais à une famille et au cercle de croyants qui se groupe autour d’elle. C’est qu’en effet la demande adressée par l’apôtre intéresse tous ceux qui se rattachent à cette maison. — Le chef de la famille, Philémon, est un citoyen de Colosses, d’après Colossiens 7.9 (« l’un d’entre vous »). Wieseler et d’autres voient dans Philémon un Laodicéen, mais sans la moindre raison valablea. Théodoret rapporte que de son temps on montrait encore à Colosses la maison de Philémon. Celui-ci doit avoir joui d’une grande aisance. Il a des esclaves ; il possède une maison où il reçoit des amis (v. 22). Sa munificence est connue (v. 5-7). L’épithète de συνεργός, que lui donne Paul, fait ressortir son activité chrétienne dans le milieu où il vivait. Paul n’ayant jamais été à Colosses, il est probable que Philémon et sa famille l’avaient connu dans un voyage à Éphèse. En tout cas, c’était à lui qu’il devait sa conversion, d’après le sens naturel du v. 19. — Appia ne peut être que la femme de Philémon ; Paul s’adresse aussi à elle, parce qu’il s’agit d’une affaire domestique. — Archippe est vraisemblablement leur fils. On voit par Colossiens 4.17 qu’il avait un office dans l’église ; il remplaçait probablement Épaphras pendant son absence. Il est nommé συστρατιώτης de Paul, comme prenant part à la lutte contre les faux docteurs qui menaçaient le troupeau. — Par les mots : « L’assemblée qui se réunit en ta maison, » l’apôtre désigne la portion des chrétiens de Colosses (κατά distributif) qui se joignait au culte de famille de Philémon ; ils avaient sans doute connu Onésime, et Paul tenait à le réhabiliter auprès d’eux tous.
a – Les raisons alléguées sont que la recommandation à faire à Archippe, Colossiens 4.17, suit immédiatement celle de faire venir la lettre qui doit être parvenue à Laodicée, et que cette recommandation n’aurait pu être confiée à l’église même dont Archippe aurait été le pasteur.
L’action de grâces (v. 4-7) porte sur la charité de Philémon, dont les preuves parviennent constamment aux oreilles de Paul (ἀκουών), et sur la confiance qu’il a non seulement en Jésus, mais aussi envers les saints, tous les saints, quels qu’ils soient, en vertu de l’œuvre de grâce que Jésus accomplit chez eux. Il y a une disposition chez les meilleurs chrétiens, après certaines expériences pénibles dans l’exercice de la bienfaisance, à se défier de ceux qui se nomment frères, particulièrement quand il s’agit de nouveaux convertis. Peut-être est-ce là ce que Paul redoute de la part de Philémon à l’égard d’Onésime. En attendant il loue chez lui la disposition contraire ; car il sait que noblesse oblige, et il complète son action de grâces en exprimant le vœu que l’activité bienfaisante de sa foi devienne de plus en plus féconde à l’honneur de Jésus-Christ, à mesure qu’il discerne toujours mieux l’excellence de tout ce que Dieu met de bien dans le cœur des fidèlesb. En parlant ainsi, Paul encourage Philémon à la confiance en la réalité du changement opéré dans son esclave. Le v. 7 paraît faire allusion à une circonstance particulière dans laquelle sa générosité avait éclaté. Serait-ce peut-être à l’occasion du tremblement de terre qui avait frappé cette contrée ?
b – Ainsi disparaissent, j’espère, les difficultés qui ont inspiré des doutes à Holtzmann sur l’authenticité du passage v. 4-6, ainsi que les traces prétendues d’imitation qu’il va trouvées par rapport à Éphésiens 1.15 et suivants. Comment ne pas voir la différence entre le ἀκούσας et le ἀκούων et l’application toute différente de la notion de πίστις ? Quel rapport enfin y a-t-il entre le vœu Éphésiens 1.17 et celui de Philémon v. 6, qui est en relation si directe avec le cas dont il s’agit ?
Après avoir ainsi préparé la demande qu’il a à lui adresser, Paul aborde ce sujet délicat avec beaucoup de précautions. C’est un siège en toute forme. Il se garde d’énoncer immédiatement l’objet de sa demande. Il rappelle d’abord à Philémon quel est celui qui la lui adresse (v. 8-9) ; puis il lui parle de celui pour qui il l’adresse (v. 10-16). Et ce n’est qu’après avoir ainsi fait les approches qu’il donne l’assaut en prononçant le grand mot προσλαβοῦ, reçois-lec (v. 17-21).
c – Ce mot est inauthentique au v. 12.
v. 8-9. C’est Paul qui prie. Il pourrait au besoin commander ; il aime mieux demander comme un service personnel ce pardon qu’il pourrait exiger comme un devoir chrétien. Comment Philémon refuserait-il cette grâce à Paul, celui qui passe sa vie au service des Gentils, à Paul usé par l’âge, à Paul qui endure en ce moment toutes les incommodités de la captivité ? Si Paul avait au moment de sa conversion 30 à 35 ans, si cet événement a eu lieu vers l’an 37, et si, au moment où il écrivait, on était en l’an 62 ou 63, il devait avoir près de 60 ans.
v. 10-16. A ces motifs tirés de la personne qui demande, Paul joint ceux qu’il trouve dans la personne de celui pour qui il intercède. C’est pour son fils spirituel, qu’il a enfanté dans sa prison, celui qui jusqu’ici sans doute n’a guère mérité son nom d’Onésime (l’utile), mais qui désormais en est tellement digne que Paul l’aurait volontiers gardé auprès de lui pour qu’il le servît dans l’œuvre de l’Évangile et qu’il fît pour lui tout ce que Philémon ferait lui-même s’il était présent ; mais il n’a voulu devoir cette assistance précieuse qu’à la bonne volonté de Philémon lui-même. C’est pour celui enfin qui, après avoir été momentanément perdu pour Philémon comme esclave, est recouvré maintenant par lui comme un frère et un frère pour l’éternité ; frère aimé de Paul, combien plus de celui qui l’avait aimé déjà précédemment comme son maître !
v. 17-21. Enfin l’énoncé de la demande, ainsi préparée : Reçois-le ; reçois-le comme tu me recevrais moi-même. Cependant Paul pressent quelque chose qui pourrait s’opposer dans le cœur de Philémon à un tel accueil : Onésime ne s’est pas seulement enfui de sa maison ; il lui a causé quelque grave dommage dont nous ignorons la nature et qui, en bonne justice, doit être réparé. Eh bien ! oui, il le sera ; et cela par Paul lui-même. Voici ma déclaration, écrite de ma propre main : je te le paierai. Cette offre est-elle sérieuse ? Oui et non ; non, car l’apôtre sait bien que jamais Philémon ne l’accepterait ; mais, oui, en ce qu’elle est destinée à faire naître chez Philémon la réflexion suivante que Paul ne craint pas de lui suggérer lui-même : Comment celui à qui je dois tout, mon salut, pourrait-il me devoir quelque chose ? Ce dernier obstacle enlevé, l’apôtre reproduit sa prière, v. 20. avec un oui qui écarte jusqu’à la possibilité d’un refus et en insinuant (v. 21) qu’il attend de Philémon quelque chose de mieux encore. Quoi donc ? Il est à espérer que Philémon aura compris l’apôtre mieux que beaucoup de ses interprètes ; par ex. Meyer et Wiesinger, qui supposent que Paul attend pour son protégé un bienfait quelconque en sus du bon accueil réclamé, ou de Soden qui entend : « Tu feras pour lui au-delà de tout ce que je pense, » mais sans qu’il ait dans l’esprit rien de précis ! Tout cela pour ne pas se mettre en contradiction avec le sens impossible que l’on donne à la parole 1 Corinthiens 7.21 : « Préfère l’esclavage à la liberté qui t’est offerte ! » Weiss pense que peut-être l’apôtre insinue à Philémon l’idée de l’affranchissement d’Onésime. Reuss dit nettement (Ep. paul., II, p. 241) : « Tu feras plus que je ne demande : tu lui donneras la liberté. » Comment douter en effet que ce ne soit là le sens de ces mots : « Sachant que tu feras même au-delà de ce que je te dis. » Au-delà d’un accueil pareil à celui que l’on ferait à Paul lui-même, qu’y a-t-il autre chose que le don de la liberté ? cette idée n’était-elle préparée par le ὑπὲρ δοῦλον v. 16 ? Et comment Onésime eût-il pu se mettre au service de Paul dans l’œuvre de l’évangélisation sans avoir été émancipé ?
Et d’abord, v. 22, une bien douce prière qui est ajoutée immédiatement comme une sorte de récompense promise pour le bon accueil fait à Onésime. Le : et en même temps, indique clairement cette relation : « Tout en préparant le logement de l’un, prépare aussi celui de l’autre. » cette parole s’accorde avec les passages de l’épître aux Philippiens où Paul exprime l’espérance de leur être bientôt rendu (1.25 ; 2.24), et cela, comme dans notre passage, par l’effet des prières de l’église.
Suivent, v. 23 et 24, les salutations des compagnons de Paul ; ce sont les mêmes noms que dans l’épître aux Colossiens, sauf celui de Jésus Justus qui probablement n’était pas connu de Philémon. Epaphras est naturellement en tête, comme ami personnel de Philémon et de sa famille ; il est appelé compagnon de captivité de l’apôtre, sans doute parce qu’il partageait l’appartement privé que Paul avait loué. C’était aussi le cas d’Aristarque Colossiens 4.24). Dans cette lettre privée, l’apôtre omet naturellement les qualifications accordées dans la lettre publique à tous ses collaborateurs.