La plupart de ces inexactitudes ont été relevées par M. Douen dans un article paru en 1868 dans la Revue de Théologie et de Philosophie dite de Strasbourg. En voici d’abord une série commune en grande partie aux quatre révisions suivantes : de Leuse (1548), de Bay (1572), Deville (1613), Frizon (1620).
- Matthieu 1.18. Comme Marie fut baillée pour épouse à Joseph, au lieu de : fiancée. « L’honneur de Marie, dit une note d’une version postérieure, n’eût pas été à couvert, si elle n’eût été que fiancée de Joseph, elle était aussi son épouse ».
- Matthieu 1.25. Il ne l’avait point connue quand elle enfanta, au lieu de : Il ne la connut point jusqu’à ce que. Jusqu’à ce que pouvait laisser entendre qu’ensuite il en fut autrement, et qu’après la naissance de Jésus, Marie put avoir d’autres enfants. Lamennais et M. l’abbé Crampon, dit M. Douen, ont seuls eu le courage de traduire ce verset fidèlement, c’est-à-dire à la manière huguenote.
- Matthieu 26.26. Jésus prit du pain et le bénit, au lieu de : et ayant rendu grâces. On introduit ici l’idée de la consécration et de la transsubstantiation du pain.
- Luc 1.28. Marie pleine de grâce, au lieu de : reçue en grace. Cette altération, qui remonte à Jérôme, est contredite par le verset 30, où on lit : tu as trouvé grâce.
- Luc 1.48. Il a regardé l’humilité de sa servante, au lieu de : la bassesse. On parle de l’humilité de Marie pour la grandir, sans prendre garde qu’en lui faisant proclamer son humilité, on la nie.
- Luc 22.19-20. Ceci est mon corps qui se donne, au lieu de : qui est donné. Se donne, au présent, indique que l’acte est continu, se renouvelle, et que Jésus-Christ, sous forme d’hostie, se donne à manger.
- Luc 22.20. Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang, qui sera répandu pour vous, au lieu de : qui est répandu. « C’est le calice qui devait être répandu », dit Frizon dans une note, et il ajoute : « Ce passage prouve dedans le calice être le sang du Fils de Dieu. »
- Luc 24.31. Il s’évanouit, au lieu de : Il disparut. On voulait que Jésus-Christ se fût rendu invisible aux disciples d’Emmaüs, comme on prétend qu’il le fait au saint sacrement.
- 2 Corinthiens 2.10. Je pardonne au lieu de Christ, au lieu de : en présence de Christ. Cette altération établissait le droit pour le prêtre de pardonner. « Ce passage, dit Frizon, sert aux indulgences ».
- Actes 13.2. Eux sacrifiants au Seigneur, au lieu de : pendant qu’ils servaient le Seigneur dans leur ministère. C’est Frizon qui inaugure cette traduction. L’expression sacrifiants au Seigneur ne pouvait désigner que le sacrifice de la messe. « Le mot sacrifiants, dit M. Douen, est resté dans toutes les versions catholiques. Lamennais seul a traduit comme les protestants ».
- Éphésiens 5.32. Ce sacrement est grand (le mariage), au lieu de : Ce mystère est grand. Traduction littérale du sacramentum de la Vulgate. « Depuis Leuse, dit M. Douen, pas un traducteur catholique, sauf Lamennais, n’a osé s’écarter de ce non-sens ».
- Colossiens 2.20. Pourquoi décernez-vous ? (traduction incompréhensible, calquée sur le decernitis de la Vulgate), au lieu de : Pourquoi êtes-vous chargés d’ordonnances ? (vieille version huguenote). Ce passage, condamnant les pratiques d’abstinence, était gênant.
- 1 Timothée 4.14 : des mains de prêtrises au lieu de : de la companie des anciens. On mettait ainsi la prêtrise parmi les institutions de l’Église primitive.
- Hébreux 2.10. Fut fait auteur parfait de leur salut, au lieu de élevat à la perfection. On n’admettait pas que Christ, seconde personne de la Trinité, eût pu être élevé à la perfection.
- Hébreux 9.8. Le chemin des saints au lieu de : Le chemin du lieu très saint. « Contre la gloire présente des saints, dit le traducteur catholique, ce passage a été falsifié ».
- Hébreux 11.21. Jacob adora le bout de sa verge (de Joseph), au lieu de appuyé sur l’extrémité de son bâton. Il s’agissait de légitimer le culte des reliques. « Ils en veulent, dit Frizon, contre l’honneur dû aux images, disant que Jacob adora appuyé sur l’extrémité de son bâton ». L’abbé Glaire a traduit : Jacob s’inclina profondément devant le sommet de son sceptre. Malgré ces altérations diverses, Frizon fut accusé d’avoir laissé dans sa Bible bien des semences de calvinisme !
Véron, dans la première révision du Nouveau Testament de Louvain (1647), ajouta d’autres altérations :
- Actes 13.2. Pendant qu’ils disaient la messe (altération dont le premier auteur est Jacques Corbin).
- 1 Timothée 4.3. Défendant de se marier, de s’abstenir de choses comestibles, au lieu de : ordonnant de s’abstenir.
- Colossiens 2.18. Ne nous maîtrise par un culte superstitieux (ajouté) des anges.
Amelote, dans la 4e révision du Nouveau Testament (1688), fait adorer Pierre par Corneille (Act.10.25), transforme les frères de Jésus en parents (Actes 1.14) et en cousins (1 Corinthiens 10.5), omet une fois dans Hébreux 9.12 (il est entré une fois dans les lieux saints), traduit, 1 Timothée 3.2 : Il faut que l’évêque n’ait épousé qu’une seule femme au lieu de : soit mari d’une seule femme, pour favoriser le célibat des prêtres, et, Jacques 5.14 : Quelqu’un est-il malade, qu’il appelle les prêtres.
La 5e révision ou Nouveau Testament dit de Mons (1667), traduction janséniste, contient moins d’altérations, mais n’en est pas exempte. On y trouve : Pendant qu’ils sacrifiaient (Actes 13.2), Ils ordonnèrent des prêtres (Actes 14.23), Le sacrement du mariage (Éphésiens 5.32), et des sommaires comme ceux-ci : confession et primauté de saint Pierre (Matthieu 16.13), mariage indissoluble (Mathieu 19.1), ordination des prêtres 2 Timothée 5.17).
Le chef-d’œuvre du genre, c’est la septième révision, le Nouveau Testament de Bordeaux (1686), où on lit :
- Luc 2.41. Et ses père et mère allaient tous les ans en pèlerinage à Jérusalem. 3 Jean 1.5 : Tout ce que tu fais envers les pèlerins.
- Luc 4.8. Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras de latrie à lui seul.
- Actes 13.2. Comme ils offraient au seigneur le sacrifice de la messe, et qu’ils jeûnaient.
- 1 Corinthiens 3.15. Il sera sauvé quant à lui, ainsi toutefois comme par le feu du purgatoire.
- 1 Corinthiens 7.10. A ceux qui sont conjoints par le sacrement du mariage.
- Hébreux 11.30. Les murs de Jéricho tombèrent après une procession de sept jours.
- 1 Jean 5.17. Il y a quelque péché qui n’est point mortel, mais véniel.
- 1 Timothée 4.1. Quelques-uns se sépareront de l’Église romaine.
Une dernière révision (la 8e) du Nouveau Testament de Louvain fut celle de Girodon (1692). On y lit à Jean 2.4 : Femme, que m’importe et à vous aussi ? pour : qu’y a-t-il entre toi et moi ? et on y trouve : Le baptême de pénitence.
Dans cette révision de Girodon, les notes sont pires que la traduction. Donnons-en un seul exemple, emprunté à la table.
Marie… avait fait vœu de virginité (Luc 1.34). Elle n’a jamais commis aucun péché, autrement elle ne serait pas pleine de grâce (Luc 1.28).
Excepté : Marie pleine de grâce (Luc 1.28), — il devint invisible (Luc 24.31), — n’ait eu qu’une seule femme (1 Timothée 3.2), — pénitence (Actes 19.4, etc.), — les prêtres (Jacques 5.14), aucune des altérations ci-dessus (35, si nous avons bien compté) ne se retrouve dans la version de l’abbé Crampon. — Il est dommage que cette version traduise, 1 Corinthiens 9.5, une sœur, au lieu de une sœur femme. Néanmoins, le progrès est immense.
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