Mon Dieu, pourquoi donc ai-je tant de peine à m’humilier devant les hommes, moi qui m’abaisse si volontiers devant toi ? Pourquoi puis-je, dans mes prières et mes méditations, dire sans cesse, et toujours avec sincérité : « Je suis un misérable pécheur, » moi qui me sentirais vivement irrité si d’autres venaient me le répéter, ou seulement me laisser entrevoir qu’ils le pensent ? Comment puis-je m’humilier matin et soir en ta présence, et m’exalter pendant la journée en face de mes frères ? Mon humiliation, devant toi, est-elle donc mensongère ? n’est-elle qu’une forme ? Non, non ; elle est sincère. Mais suis-je encore sincère quand je me vante devant les hommes ? Non, et c’est ici qu’est la véritable explication. Non, je ne crois pas moi-même au mérite que je m’attribue devant mes frères. C’est parce que je les connais faibles et ignorants, c’est parce que j’espère les tromper, que je me déguise devant eux ! Hélas ! peut-être te mentirais-je à toi-même, mon Dieu, si j’avais l’espérance de t’abuser ! Oh ! abîme de mon cœur, qui pourra te sonder ? Eh bien, Seigneur, fais pour moi ce que je n’ai pas le courage de faire : humilie-moi devant mes semblables, fais-leur connaître… Mais je sens que je ne puis te demander cela avec sincérité. Non, je ne voudrais pas être connu du monde, je ne voudrais pas être humilié devant lui ! Hélas, les hommes n’auraient pas ta miséricorde pour me pardonner. Mais du moins, Seigneur, je te demande sincèrement de me donner l’humilité ; l’humilité en moi-même, l’humilité devant toi, sinon l’humiliation en face de mes frères. Que je me conduise, à leur égard, comme étant ce que je suis, le moindre d’entre eux. Mon Dieu, donne-moi l’humilité.