Histoire de l'Église - Théodoret de Cyr

LIVRE II

CHAPITRE XXX
SIÈGE DE NISIBE. VERTU SINGULIÈRE DE JAQUES ÉVÊQUE DE CETTE VILLE

Sapor Roi de Perse ayant déclaré en ce temps-là, la guerre aux Romains, l'Empereur Constance leva des troupes, et marcha vers Antioche. Ce ne furent pas néanmoins ses troupes qui vainquirent ses ennemis, mais le Dieu des personnes de piété, qui vivaient sous son Empire. Je dirai ici de quelle sorte il remporta la victoire. Il y a sur la frontière des Romains, et des Perses une ville nommée Nisibe, et que quelques-uns appellent aussi Antioche de Mygdonie. Elle avait dans la personne de Jaques, dont j'ai parlé ci-devant, comme d'un homme fort célèbre par les dons surnaturels que Dieu accorda autrefois aux Apôtres pour la conversion du monde, un Évêque, un Chef, et un Conservateur. Je crois qu'il est inutile de parler ici des miracles surprenants qu'il a faits, puisque je les ai rapportés fort amplement dans l'Histoire à laquelle j'ai donné le nom de Philothée. Il n'y en a qu'un que je ne saurais omettre, parce qu'il touche le sujet que j'ai maintenant entre les mains. Les Perses assiégeaient la ville de sa Cathédrale, qui était alors soumise à l'obéissance des Romains. Ils avaient été soixante et dix jours devant la place, ils avaient approché plusieurs tortues des murailles, et construit plusieurs autres machines. Ils avaient aussi fait des signes, et des tranchées sans l'avoir pu prendre. Ils s'avisèrent enfin d'arrêter le cours du fleuve Mygdonius, qui passe au milieu de la ville, et après avoir élevé les bords, de peur qu'il ne se répandît de côté ou d'autre, et avoir fait comme un rempart, qui le retenait, ils amassèrent une si grande quantité d'eau, qu'elle commençait à monter au-dessus du rempart, et alors ils la lâchèrent tout d'un coup, comme un bélier contre les murailles, qui n'en ayant pu soutenir la violence, tombèrent par terre. Ce fleuve impétueux ne causa pas seulement cette ruine, pour entrer dans la ville, il en causa une pareille à l'extrémité opposée, pour en sortir. Sapor se promettait de prendre sans peine une place, qui était ouverte de deux cotés. Il se reposa ce jour-là pour attendre que le limon fût sèche, et que le fleuve fût guéable. Ayant amassé le jour suivant, toutes ses troupes, à dessein d'entrer par les endroits, qui étaient ouverts, il trouva les murailles réparées, et reconnut qu'il avait travaillée inutilement pour les abattre. Car le saint Évêque ayant relevé par la force de ses prières, le courage des soldats, et des habitants, il rebâtit la muraille, et mit dessus des machines, pour repousser les ennemis. Il n'approcha point pour cela des murailles, il ne fit que prier Dieu dans son Église. Non seulement Sapor fut étonné de la promptitude avec laquelle les ruines de Nisîbe avaient été réparées, mais il fut encore épouvanté par une vision, il vit sur la muraille une personne parée des ornements de l'Empire, et s'étonna de l'éclat qui sortait de son diadème, et de sa pourpre. Il jugea d'abord que c'était Constance, et menaça du dernier supplice, ceux qui lui avaient dit qu'il était fort loin. Mais quand ils lui eurent protesté, qu'ils lui avaient dit la vérité, et qu'ils lui eurent confirmé, que l'Empereur était à Antioche, il reconnut ce qu'il avait vu, dit que Dieu combattait pour la défense des Romains, et jeta par indignation un trait contre le ciel, bien qu'il sût, qu'on ne saurait blesser celui qui n'a point de corps.

Alors Ephrem cet homme si admirable, et qui a été un des meilleurs Écrivains de Syrie, supplia Jaques de monter sur la muraille pour voir les ennemis, et pour faire des imprécations contre eux. Jaques monta à une tour, pour le satisfaire et ayant aperçu de là une multitude prodigieuse d'hommes, il ne fit aucune imprécation contre eux ; mais pria seulement Dieu d'envoyer contre eux des moucherons, afin que ces faibles animaux leur fissent reconnaître la grandeur de la puissance de celui qui protégeait les Romains. Il n'eut pas sitôt achevé sa prière, que l'air fut couvert d'une nuée de ces moucherons, qui remplirent les trompes des Éléphants, qui sont creuses comme des tuyaux, et les oreilles, et les narines des chevaux, et des autres bêtes de charge. Ces animaux ne pouvant avec toute leur force résister à la multitude des insectes, s'effarouchèrent, renversèrent les hommes qu'ils portaient, rompirent les rangs, et fuyant de toute leur force, remplirent l'armée de désordre, et de confusion. Le Roi de Perse ayant reconnu par ce châtiment, qui n'était que trop doux, la puissance du Dieu qui protégeait les personnes de piété, se retira, sans avoir remporté de son entreprise, autre chose que la honte de l'avait manquée, au lieu de la victoire qu'il en avait attendue.

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