Parmi les hérétiques, les uns, ainsi que nous l’avons prouvé, ont exagéré les œuvres de la justice et du salut, comme un instrument que l’on monte à an ton trop élevé. Ils ont admis la continence, mais en partant d’un principe blasphématoire et impie, lorsqu’il fallait choisir pieusement la chasteté qui se gouverne d’après les règles d’une saine raison, remerciant Dieu de la faveur qu’il leur avait accordée, se gardant bien de haïr la créature, ni de mépriser ceux qui sont engagés dans le mariage. En effet, le monde a été créé, la virginité a été créée ; au monde et à la virginité, par conséquent, de rendre grâces à Dieu dans l’état où chacun a été placé, pourvu que chacun en connaisse bien les règles et les charges. Les autres, au contraire, lâchant la bride à la passion, se sont jetés dans tous les excès ;
« chevaux enflammés, courant et hennissant après les cavales, chacun d’eux a poursuivi la femme de son prochain ; »
incapables de se commander à eux-mêmes, engageant les autres à n’avoir souci que de la volupté, et interprétant d’une manière déplorable ce texte sacré :
« Mets ton héritage au milieu de nous ; n’ayons qu’une ceinture et qu’une bourse. »
C’est pour nous prémunir contre eux que le même prophète nous dit :
« Ne marchez pas avec eux détournez vos pas de leurs sentiers. On ne tend pas impunément des pièges à l’innocence ; car les complices du meurtre amassent sur leurs propres têtes un trésor de maux ; »
c’est-à-dire, ceux qui aspirent à la débauche, qui convient le prochain aux mêmes infamies ;
« toujours prêts à la guerre, et frappant avec leurs queues, selon le langage du prophète. »
À qui la bouche inspirée fait-elle allusion dans ce passage ? aux hommes de luxure et d’intempérance, pareils aux animaux lascifs qui battent l’air de leurs queues, enfants de ténèbres et de colère, couverts de sang, meurtriers d’eux-mêmes et homicides de leurs proches.
« Purifiez-vous donc du vieux levain, afin que vous soyez une pâte toute nouvelle, »
nous crie l’apôtre. Ailleurs, s’élevant contre des pécheurs semblables, il nous prescrit
« de n’avoir aucun commerce avec notre frère, s’il est ou impudique, ou avare, ou idolâtre, ou médisant, ou adonné au vin, ou ravisseur du bien d’autrui, et de ne pas manger avec un pareil homme. Car, dit-il, je suis mort à la loi par la loi même, afin de ne vivre plus que pour Dieu. Je suis crucifié avec Jésus-Christ ; et je vis, ou plutôt, ce n’est plus moi qui vis, comme je vivais quand j’étais l’esclave des voluptés, c’est Jésus-Christ qui vit en moi, d’une vie chaste et bienheureuse, par l’obéissance aux commandements. Ainsi, je vivais alors charnellement dans la chair, et si je vis maintenant dans ce corps mortel, je vis en la foi du fils de Dieu. N’allez point dans la voie des Gentils, et n’entrez point dans les villes des Samaritains, »
nous dit le Seigneur, pour nous détourner des errements qu’ils suivent, en contradiction avec les préceptes,
« parce que la fin des méchants est mauvaise, et que telles sont les voies de tous ceux qui font le mal. Malheur à cet homme ! s’écrie le Seigneur. Il vaudrait mieux pour lui n’être jamais né, que de scandaliser un seul de mes élus. Il vaudrait mieux qu’on attachât à son cou une meule de moulin, et qu’on le jetât dans la mer, que de pervertir un seul de mes élus ; car ils sont cause que le nom de Dieu est blasphémé parmi les nations. »
C’est de là que l’illustre apôtre dit :
« Je vous ai écrit dans une de mes épîtres que vous n’eussiez point de commerce avec les impudiques, etc., »
jusqu’à ces mots :
« mais le corps n’est point la fornication ; il est pour le Seigneur et le Seigneur pour le corps. »
Puis, pour nous convaincre encore mieux qu’il n’appelle point le mariage une fornication, il ajoute :
« Ne savez-vous point que celui qui se joint à une prostituée, devient un même corps avec elle ? »
Je le demande, appelle-t-on prostituée une vierge avant qu’elle soit mariée ?
« Ne vous refusez point l’un à l’autre, si ce n’est du consentement mutuel de l’un et de l’autre pour un temps. »
Par le mot refusez, l’apôtre montre que la dette du mariage est la procréation des enfants, et il l’exprime d’ailleurs textuellement dans un verset qui précède :
« Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit, et la femme ce qu’elle doit à son mari. »
Une fois la dette conjugale acquittée, la femme est une aide pour surveiller l’intérieur de la famille et entretenir son mari dans la foi du Seigneur. Mais voilà qui est plus clair encore :
« Pour ceux qui sont dans le mariage, ce n’est pas moi, mais le Seigneur qui leur a fait ce commandement : que la femme ne se sépare point de son mari ; si elle s’en sépare, qu’elle reste sans se marier, ou qu’elle se réconcilie avec son mari ; que le mari de même ne quitte point sa femme ; quant aux autres, ce n’est pas le Seigneur, mais c’est moi qui leur dis: si quelqu’un de mes frères, ... »
jusqu’à ces mots :
« au lieu que maintenant ils sont saints. »
Que répondent à ces paroles ceux qui décrient la loi et le mariage, comme si la loi seule eût autorisé l’union conjugale, et que l’alliance nouvelle se fût mise là-dessus en contradiction avec la loi ? Qu’ils réfutent donc de semblables autorités, les impies qui ont en horreur l’union de la chair et la génération ! L’évêque même qui a bien gouverné sa propre famille, l’apôtre ne l’établit-il pas chef de l’Église ; et la maison de celui qui ne s’est marié qu’une fois ne devient-elle pas, selon lui, la maison du Seigneur ? Aussi poursuit-il en ces termes :
« Tout est pur pour ceux qui sont purs ; et rien n’est pur pour ceux qui sont impurs et infidèles. Mais leur raison et leur conscience sont pleines de souillures. »
Écoutez maintenant comme il condamne les voluptés déréglées :
« Ne vous y trompez pas ! ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les abominables, ni les avares, ni les voleurs, ni les ivrognes, ni les médisants, ni les ravisseurs du bien d’autrui, ne seront héritiers du royaume de Dieu. »
Mais nous avons été purifiés, nous qui vivions autrefois dans les mêmes impuretés.
Quant à ceux qui croient se justifier par les désordres de la vie, ils détruisent la tempérance pour baptiser dans la fornication ; misérables ! dont la doctrine est de tout accorder aux désirs et aux voluptés, apprenant à l’homme à déserter la continence pour l’incontinence, concentrant leurs affections et leur espoir dans les parties honteuses d’eux-mêmes. Mais ils ne préparent à leurs disciples d’autre fin que d’être déshérités du royaume de Dieu, au lieu de voir leur nom inscrit dans le ciel. Vainement ils couvrent leur doctrine du titre usurpé de Connaissance ; ils marchent par les larges voies qui conduisent aux ténèbres extérieures.
« Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est saint, tout ce qui est aimable, tout ce qui a une bonne réputation, tout ce qui est vertueux, tout ce qui est louable dans les mœurs, que ce soit là ce qui occupe vos pensées. Mettez en pratique ce que je vous ai enseigné, ce que vous avez entendu dire de moi, et ce que vous avez vu en moi, et le Dieu de paix sera avec vous. »
Pierre dit également dans sa première épître :
« Afin que votre foi et votre espérance reposent en Dieu, purifiez vos âmes par une sincère obéissance, évitant, comme des enfants dociles, de devenir semblables à ce que vous étiez autrefois, lorsque, dans votre ignorance, vous vous abandonniez à vos désirs. Mais soyez saints dans tout le cours de votre vie, comme celui qui vous a appelés est saint, selon qu’il est écrit : Soyez saints parce que je suis saint. »
Mais la réfutation par laquelle il fallait confondre les imposteurs qui usurpent sans titre le nom de la connaissance (gnose), en nous menant trop loin, a jeté notre discours au-delà de ses limites. Terminons donc ici notre troisième livre des Stromates, consacré aux recherches gnostiques d’après la véritable philosophie.