La Légende dorée

LXXI
SAINT PANCRACE, MARTYR

(12 mai)

Pancrace, de famille noble, ayant perdu son père et sa mère pendant un séjour en Phrygie, fut remis à la charge de son oncle Denis. En compagnie de son oncle il revint à Rome, où sa famille possédait un grand patrimoine ; et c’est ainsi qu’ils firent connaissance avec le pape Corneille, qui se cachait, avec les fidèles, dans le voisinage de leur propriété. Convaincus par la prédication de Corneille, Denis et Pancrace reçurent la foi du Christ ; après quoi Denis mourut en paix, et Pancrace, fait prisonnier, fut amené devant l’empereur. Il avait alors à peine quatorze ans. Et l’empereur Dioclétien lui dit : « Enfant, laisse-moi te donner un conseil et te sauver d’une mort affreuse : car je sais qu’à ton âge on est facilement trompé, et puis tu es de noble race, et fils d’un homme que j’ai beaucoup aimé. Écoute-moi donc, renonce à la folie de ton christianisme ; et je te traiterai comme mon propre fils ! » Mais Pancrace lui répondit : « Je suis enfant par le corps, c’est vrai, mais je porte un cœur d’homme ; et, par la grâce de mon maître Jésus-Christ, tes supplices m’apparaissent aussi vains que cette idole qui est là devant moi. Quant aux dieux que tu m’engages à adorer, ils n’ont été que des imposteurs, souillant les femmes de leur propre maison et n’épargnant pas même leurs parents. Que si tu avais aujourd’hui des esclaves qui agissent comme eux, tu t’empresserais de les mettre à mort. Et je m’étonne que tu ne rougisses pas d’adorer de tels dieux ! » Alors l’empereur, honteux de se voir vaincu par un enfant, lui fit trancher la tête, sur la Voie Aurélienne, l’an du Seigneur 287. Le corps du martyr fut pieusement enseveli par Cocavilla, femme d’un sénateur.

Grégoire de Tours raconte que, lorsqu’un faux témoin s’approche du tombeau de saint Pancrace, ou bien il tombe aussitôt mort sur les dalles, ou bien un démon s’empare de lui et le fait délirer. Deux hommes étaient en procès, et le juge ne parvenait pas à découvrir le coupable. Dans son zèle de justice, ce juge conduisit les deux hommes à l’autel de saint Pierre et leur fit jurer à tous deux qu’ils étaient innocents, priant l’apôtre de lui faire reconnaître la vérité par quelque signe miraculeux. Et comme tous deux, ayant juré, ne souffraient aucun mal, le juge, indigné, s’écria : « Le vieux saint Pierre est décidément trop indulgent ! Allons plutôt consulter le jeune saint Pancrace ! » Et comme, sur le tombeau du saint, le vrai coupable allait recommencer à se parjurer, il ne parvint pas à lever la main, et tomba mort dès l’instant d’après. De là vient que, aujourd’hui encore, dans les cas difficiles, on a coutume de faire jurer les accusés sur les reliques de saint Pancrace.

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