Détourne ta face arrière de mes péchés, et efface toutes mes iniquités.
Ici, vous voyez de nouveau que David ne veut pas seulement parler de son grossier péché d’adultère, car il dit : Toutes mes iniquités. Il nous découvre encore une autre expérience que les enfants de Dieu font dans le combat spirituel. Quand le cœur est pénétré du sentiment du péché, alors ils n’ont pas autant de paix qu’ils le souhaiteraient, mais il y demeure de la douleur mêlée avec l’ouïr de joie et d’allégresse, et cette douleur ne leur permet pas de puiser autant de force et de consolation de cet ouïr de joie qu’ils devraient le faire, car ils n’ont encore que les prémices, et ne sentent qu’une petite goutte de rafraîchissement ; ils n’ont pas encore la plénitude de la joie, mais ils sont comme soutenus et suspendus par un petit fil, au lieu qu’on aurait besoin sans doute d’une corde bien grosse et bien forte pour soutenir la masse de notre corps et de notre chair. Les saints ne font que commencer à sentir la douceur et la joie de cet ouïr de grâce, ils n’en sont pas encore enivrés. C’est pourquoi David demande dans ce verset l’accroissement et la perfection de cet ouïr de joie, priant qu’il remplisse tellement son âme de la connaissance de cette miséricorde ineffable, qu’il n’y reste rien qui la puisse troubler.
Sans doute, nous avons aussi besoin de cette prière pendant toute notre vie, afin que la confiance en cette miséricorde et la connaissance de son amour éternel croisse en nous de jour en jour, comme saint Paul et saint Pierre nous exhortent à ce continuel accroissement de foi en foi. Voyez combien il y a de danger à vouloir nous flatter, dès que nous avons quelques livres et que nous savons quelque chose, que nous sommes de grands docteurs dans la théologie et dans les choses célestes. Nous avons devant nos yeux les exemples de tous les chefs de sectes, qui, dans le temps qu’ils ont à peine puisé une goutte de la vraie et saine doctrine, veulent devenir des docteurs universels, qui remplissent le monde de fausses opinions sur les articles des sacrements du Baptême et de la Cène, sur l’obéissance due à la loi et aux magistrats ; mais comme ils n’ont jamais été dans ces combats de l’Esprit, et qu’ils n’ont point embrassé cette confiance en la miséricorde de Dieu, il a été facile à Satan de les renverser par des opinions fausses et erronées. Apprenons par ces tristes exemples à demander avec David l’accroissement continuel de cette grâce, et disons avec lui : Détourne ta face arrière de nos péchés et efface toutes nos iniquités, afin que notre joie et notre paix soient de plus en plus accomplies et assurées.
Cette demande de David fait voir clairement que l’article de la justification est une matière et une doctrine qu’on ne sait jamais assez bien. Ceux donc qui se persuadent qu’ils l’ont pleinement comprise, font voir par là qu’il n’ont pas encore seulement commencé à la savoir ; car il s’y relève tous les jours de nouveaux combats, tantôt de la part du Diable, tantôt de la part de notre chair, tantôt de la part du monde, et même de notre propre conscience, par lesquels nous sommes sans cesse incités et poussés à la défiance, au désespoir, à la colère, aux souillures et à beaucoup d’autres péchés. Comment est-il possible qu’au milieu de tant de combats, faibles comme nous sommes, nous ne tombions, ou que nous ne perdions courage ? D’ailleurs, dans combien d’affaires et de dissipations nous engage cette vie, par lesquelles nous sommes insensiblement arrachés et jetés dans l’oubli de cet ouïr de joie et d’allégresse ? De sorte qu’il est d’une nécessité indispensable que nous demandions instamment à Dieu qu’il veuille sans cesse nous remplir et nous arroser de cet ouïr salutaire de joie et d’allégresse, de peur que nous ne soyons de nouveau accablés par cet abîme de tristesse que produit le sentiment du péché.
J’entends donc ce présent verset de l’accroissement de cette joie et de cette justice, par laquelle le sentiment du péché et de la colère de Dieu est surmonté et vaincu. Car, quoique les enfants de Dieu aient véritablement la rémission de leurs péchés, parce qu’ils ont confiance en la miséricorde de leur Dieu, et qu’ils ont été reçus en grâce pour l’amour de Jésus, cependant les remords de la conscience et les restes du péché les inquiètent encore. Ah ! que c’est une grâce précieuse du Saint-Esprit, et une chose qui vient de sa puissance efficace, que de pouvoir être assuré de la grâce de Dieu, et espérer fortement qu’on a un Dieu propice et favorable ! Une pareille confiance ne se conserve pas sans de grands combats, que les tentations journalières et les tristesses, aussi bien que l’infirmité naturelle, excitent sans cesse en nous. Car, quoiqu’aujourd’hui je sois d’un esprit et d’un cœur gais, à cause de cet ouïr de joie, cependant demain il m’arrive quelque chose qui me trouble, lorsque je viens à me rappeler dans l’esprit que j’ai fait des choses que je devais fuir, et que j’ai négligé les choses qu’il fallait faire.
Ces différents orages et ces flots ne cessent point de nous agiter ; Satan est vigilant à prendre garde au temps où nos cœurs ne sont point munis des promesses de Dieu ; alors il saisit l’occasion pour nous jeter dans l’esprit mille fantômes de la colère de Dieu, et pour troubler nos cœurs, qui se fondent comme le sel qu’on jette dans l’eau. Oh ! que cette prière est donc nécessaire : Détourne ta face arrière de mes péchés, et efface toutes mes iniquités. Il dit toutes, tant les passées, que les présentes et les futures, car je pèche tous les jours. Oui, Seigneur, efface-les toutes, de peur que je ne tombe dans le désespoir et que je n’oublie ta miséricorde. Ici, vous voyez de nouveau que la rémission des péchés ne dépend pas de ce que je fais, mais de ce que Dieu, par sa miséricorde, efface, lave et ôte mes iniquités, comme saint Paul dit aussi de l’obligation qui était contre nous, ou qui est en nous, que Christ l’a effacée.