Explication du Psaume 51

§ 70. la vraie contrition.

Mais le brisement et la contrition de ces os, est bien une autre contrition que celle que nos adversaires prescrivent : ils demandent seulement qu’on réfléchisse sur les péchés qu’on a faits ; qu’on les confesse, et ensuite ils imposent des satisfactions ridicules, comme de faire et d’entreprendre des voyages, des jeûnes, de faire des aumônes, etc. ; mais à moins qu’à la véritable contrition il ne soit ajouté ce que Nathan dit à David : Dieu a fait passer ton péché, il est impossible que les os brisés sortent de cet état affligeant ; car ces plaies des consciences ne peuvent être guéries par aucun autre remède que par la Parole de la promesse embrassée par la foi ; lorsque nous croyons, et que nous nous assurons que Dieu est le père de toute miséricorde et compassion, et de toute consolation ; que nous croyons que ce Dieu prend plaisir en ceux qui le craignent et qui espèrent en ses miséricordes ; quand nous savons que Dieu veut que nous espérions en lui, et même l’ordonne, sous peine de damnation éternelle, pourquoi donc commanderait-il d’espérer, s’il n’était d’inclination et de volonté à pardonner ? Pourquoi exposerait-il son Fils à une mort si cruelle, s’il ne voulait pas que nous fussions sauvés par la foi en Lui ?

De pareilles paroles de promesse sont la véritable aspersion et les remèdes efficaces pour la guérison des os brisés et pour la consolation de la conscience affligée. Mais ceux qui doutent de cette bonne volonté de Dieu, et qui regardent toujours à leur propre indignité de ce qu’ils ne sont pas aussi saints qu’un Paul ou qu’un Pierre, n’auront jamais un esprit tranquille. Tout ce qu’il peut y avoir ou de péché ou de justice dans toi et dans tout le monde, mets le en arrière, attache-toi à ceci, et dis : Quoique je sois indigne d’un si grand bienfait, que celui de recevoir la rémission de mes péchés, Dieu pourtant n’est pas indigne que je le croie, et que j’ajoute foi à ce qu’il dit et à ce qu’il promet dans sa Parole, qu’il veut pardonner les péchés. Car dans la théologie, cette conséquence ne vaut rien : Je suis un misérable et un pécheur ; il résulterait de là que Dieu est un menteur, puisqu’il promet la rémission des péchés aux pécheurs ; mais plutôt voici la conséquence et la conclusion que tu dois tirer, à l’exemple de David : Je suis plutôt pécheur que Dieu n’est menteur ; mais pourquoi espérai-je grâce et miséricorde ? c’est en conséquence de la Parole de la promesse qui est annoncée au nom de Jésus.

Il est aussi nécessaire de faire remarquer au lecteur la manière de parler du Saint-Esprit. L’hébreu dit expressément : Les os que tu as brisés. Il pourrait s’élever ici un scrupule : pourquoi les Prophètes attribuent-ils à Dieu les maux qui arrivent, puisqu’il est vrai que les maux ne viennent pas de Dieu, mais qu’il ne fait que s’en servir comme de moyens pour parvenir au but qu’il a en vue. Par exemple, dans Job, Dieu lui-même dit à Satan : Tu m’as incité contre lui, afin que je l’affligeasse sans cause, et pourtant toute l’histoire de Job prouve que c’est le Diable qui renversa sa maison, qui tua ses enfants, et qui incitait même Job à blasphémer et à murmurer contre Dieu. Ce sont là les œuvres du Diable, et pourtant Dieu dit : Je l’ai affligé ; c’est ainsi que David dit aussi : Tu as brisé mes os, quoique Dieu n’aie rien fait à David que de lui soustraire sa main, lui ôter son Esprit et de l’abandonner à être éprouvé par les traits enflammés de Satan, par lesquels il remplit tellement son cœur de tristesse et de fâcheuses pensées de désespoir, que son âme était toute troublée et dans le désordre, et qu’il ne voyait point de délivrance. Car le Diable est le père du mensonge et un meurtrier dès le commencement ; la Loi est aussi un moyen et un organe par lequel les péchés sont accusés et condamnés ; Dieu se sert de ces moyens pour nous humilier, afin de nous ôter la confiance en nos propres mérites, et de nous apprendre que ce n’est que de la grâce et de la bénignité de Dieu que nous tenons la vie.

Mais pourquoi donc ces choses sont-elles attribuées à Dieu, puisque ce n’est pas lui proprement dit qui les fait mais qu’il s’en sert seulement comme de moyens ? Le Diable tue, la Loi accuse, et l’Écriture Sainte attribue cela à Dieu. La raison de cela est afin que nous demeurions fermes dans la croyance de notre foi, qui nous apprend qu’il n’y a qu’un seul Dieu, que nous ne nous imaginions pas un double principe, et que nous ne fassions pas deux Dieux, un bon et un mauvais, comme les Manichéens. Dieu veut nous apprendre à regarder à lui, tant dans les prospérités que dans les adversités, afin que nous ne soyons point de ceux dont il parle par son Prophète : Ils ne se sont point retournés à celui qui les frappait. Car voici ce que notre nature a coutume de faire dans les grands malheurs imprévus et dans les frayeurs qui nous surprennent : elle se détourne et s’enfuit loin du vrai Dieu, parce qu’elle croit et qu’elle se le représente comme un Dieu courroucé, comme Job le faisait lorsqu’il disait : Tu deviens cruel contre moi, disait-il ; or, c’est là se feindre et se forger un autre Dieu, et ce n’est pas demeurer dans la simplicité de la foi, qui n’avoue qu’un seul Dieu ; car Dieu n’est point cruel, mais il est le père des consolations. Parce qu’il suspend un peu son secours, d’abord nos cœurs, d’un Dieu constamment bon et toujours semblable à soi-même, en font une idole pleine de courroux et de fureur. C’est ce que les Prophètes ont voulu détruire, quand ils disent d’une même bouche : Je suis l’Éternel qui crée le bien et le mal, afin que nous ne croyons pas que le soleil, quand il est couvert et obscurci de nuages, soit pour cela entièrement anéanti, ou que son corps lumineux soit devenu obscur et noir : le soleil conserve sa nature lumineuse et pure, mais les nuages nous empêchent de le voir. Ainsi Dieu demeure un Dieu bon, juste et miséricordieux, même quand il frappe. Celui qui ne croit point cela, se retire de l’unité de la foi, qui avoue un seul Dieu, et il se forge un autre Dieu, inconstant et changeant, qui tantôt est bon, tantôt mauvais. Mais c’est une grâce singulière du Saint-Esprit, que de pouvoir croire que Dieu nous est propice et favorable, même quand il nous envoie des maux et des misères.

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