Explication du Psaume 51

§ 69. L’efficace de la Parole ne dépend pas de la contrition.

Nos adversaires font le contraire ; ils renvoient premièrement à la contrition, et c’est de la nature de la contrition qu’ils veulent que la Parole soit ou efficace ou non efficace, comme si la promesse de Dieu n’était pas valable par elle-même, et qu’elle eût besoin de nos mérites, de nos contritions et de nos satisfactions. Voilà la doctrine qu’ils retiennent, et à cause de laquelle ils nous condamnent comme des hérétiques, et nous font souffrir les supplices les plus cruels. C’est pourquoi cette clause est ajoutée dans toutes les bulles : A ceux qui se confesseront et qui seront contrits et affligés. Comme si la certitude de notre absolution dépendait de la certitude de notre contrition, quoique notre cœur ne puisse jamais bien dire quand il est véritablement et suffisamment contrit. Ce sont ces indulgences que les Papes ont vendues pour de grosses sommes. Ah ! bon Jésus ! détruis et abolis de telles indulgences, et permets plutôt que les Pontifes et les grands de la terre soient indignés contre nous, que de nous laisser abandonner ta Parole pour mettre notre confiance en notre contrition ; car toute certitude nous vient de ta Parole, par laquelle tu nous révèles et nous enseignes que tous les péchés du monde ont été expiés par ton sacrifice, par ta mort et par ta résurrection. Quand le cœur entend une fois cette voix, c’est alors qu’il se réjouit de voir et d’éprouver la grandeur de la miséricorde de Dieu, qui élargit avec plaisir sa grâce, sans regarder à l’insuffisance de notre contrition, mais qui envisage simplement sa compassion et notre misère. C’est de cette ouïe que vient cette sainte assurance et cette confiance, qui nous fait dire : J’ai été baptisé, j’ai reçu ce corps qui a été crucifié pour moi, j’ai ouï la Parole évangélique de la bouche de mon frère ou du ministre, par laquelle m’a été annoncée la rémission de mes péchés ; c’est par cette confiance qu’on surmonte la mort et tous les maux.

Je traite volontiers cette matière un peu amplement, afin que vous compreniez mieux que la forme et la véritable nature de la rémission des péchés n’est point par les œuvres, mais par l’ouïe et par la réception de la Parole. Il est vrai que nos adversaires chantent et prient ce psaume tous les jours dans leurs temples, mais pas un d’eux ne sait ce que c’est que cette joie de laquelle les fidèles se réjouissent au Seigneur, qui vient de la confiance assurée qu’ils mettent en la miséricorde de Dieu, et d’une conscience qui ne doute point de la rémission de ses péchés. Si cette confiance ou cette ouïe du cœur et de la conscience ne se trouve point, il ne saurait y avoir de ferme consolation dans une âme ; car j’ai appris par ma propre expérience, qu’après toutes mes veilles, mes jeûnes, mes prières, mes soins et mes études, et tous les autres durs exercices par lesquels, lorsque j’étais moine, je m’affligeais et me mortifiais à peu près jusqu’à mourir, cependant il me restait toujours ce doute : Qui sait si toutes ces choses sont agréables à Dieu ? Heureux donc êtes-vous, chers jeunes gens, si, avec reconnaissance envers votre Dieu, vous savez bien profiter de ce qu’on vous dit, sur la véritable manière dont vous pouvez et devez être justifiés, de sorte que vous appreniez à dire en vos cœurs : Si je n’ai pas autant prié, si je n’ai pas un cœur aussi parfaitement contrit qu’il le faudrait, qu’importe ? ce n’est pas sur cela que je bâtis, ce n’est pas sur le sable de mes propres œuvres et de mes bonnes dispositions, mais je bâtis uniquement sur la Parole et la promesse assurée du grand Dieu, qui me fait dire par mon frère : Je t’absous de tes péchés, au nom et par les mérites de Jésus-Christ. Je crois à cette Parole, et ma foi ne me trompera pas, car elle est fondée sur la roche des promesses du Fils de Dieu, qui est la vérité même, qui ne peut mentir. C’est de cette manière que les cœurs peuvent être remplis de joie et d’allégresse par le Saint-Esprit, qui consiste uniquement dans la certitude de la Parole ou dans l’ouïe de la foi.

Il faut aussi vous avertir de l’antithèse que le Prophète semble faire, car il paraît qu’il veut indirectement regarder à Moïse, quand il dit : Fais-moi ouïr joie et allégresse, comme s’il voulait dire : J’ai assez ouï Moïse et la Loi, qui n’a qu’une langue pesante et bégayante ; délivre-moi de cet ouïr là, qui n’est qu’un ouïr de colère et de mort ; car je te demande un ouïr de joie, qui vient de la Parole de ta grâce et de la promesse de la rémission des péchés ; alors, si tu me fais ouïr cette parole de grâce, les os que tu as brisés, que tu as humiliés par le sentiment du péché se réjouiront. C’est la Loi de Dieu qui produit dans les âmes ce sentiment du péché ; mais comme nos adversaires ne savent ce que c’est que la joie dont j’ai parlé ci-dessus, qui vient de l’ouïe et de la foi, aussi ne savent-ils rien de ce brisement des os ; car ils n’ont jamais bien entendu ni senti en eux le langage de la Loi, ni ne savent ce que c’est que d’être frappé d’un ouïr de mort et de désespoir ; ils en parlent et en discutent sans expérience, comme un aveugle des couleurs. C’est pourquoi cette connaissance et cet ouïr véritable de la Loi appartiennent aussi à cette science cachée dont nous avons parlé. Car j’ai souvent demandée plusieurs moines, dans mon monastère, ce que c’était que les os brisés ou humiliés, mais comme ils n’avaient pas l’expérience de ce qui se passe dans de pareilles tentations, il n’était pas possible qu’ils me dissent rien de solide et de certain d’une chose qu’ils ignoraient ; car Dieu ne dispense pas à tous les mêmes tentations, mais il dispense à chacun selon ce qu’il peut porter. Pourtant, il est absolument nécessaire que tous aient ce sentiment de la Loi et de la mort éternelle, quoique les uns l’ont d’une manière plus vive, les autres d’une manière plus douce, et quelques-uns ne le sentent que dans les derniers moments de leur vie ; et dans ce sentiment, il arrive au pied de la lettre, fort souvent, que les os sont comme brisés et tout ébranlés, c’est-à-dire que les forces du corps même s’affaiblissent, se brisent et sont extraordinairement ébranlés, comme nous l’éprouvons dans les grands et subits périls de mort qui nous surprennent, ou dans de grandes douleurs.

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