Ô Dieu, crée en moi un cœur net, et renouvelle au dedans de moi un esprit bien remis.
Nous avons achevé la principale partie de ce psaume, dans laquelle sont traités les principaux articles de notre religion. Nous y avons vu ce que c’est que la repentance, le péché, la grâce, la justification et les causes de la justification. Ce qui suit, à mon avis, doit être rapporté aux dons du Saint-Esprit, qui suivent la justification et la rémission des péchés ; car saint Paul fait même aussi cette distinction, qu’autre chose est la grâce et autre chose le don. La grâce est cette faveur de Dieu, par laquelle il nous pardonne nos péchés et nous justifie gratuitement par Jésus, et elle doit être rapportée au prédicament de la relation (comme parlent les Logiciens) qui n’a selon eux aucune existence réelle, mais pourtant beaucoup d’efficace. Or, toute la rémission des péchés ne dépend que des promesses que la foi embrasse, et non pas de nos mérites ou de nos œuvres, car nous sommes justifiés quand Dieu nous rappelle à soi par la componction que produit la Loi, pour nous faire connaître qu’il est l’auteur et le dispensateur de la grâce ; mais les dons sont les nouvelles qualités dont les âmes justifiées sont favorisées après la rémission des péchés. C’est par ces dons, à mon avis, qu’on doit expliquer les trois versets suivants ; car je crois que ces trois versets doivent être joints ensemble parce qu’il y répète jusqu’à trois fois le nom d’esprit ; il parle d’un esprit bien remis ou droit, d’un esprit saint, et d’un esprit franc ou principal.
Je ne veux pas m’arrêter à ces questions inutiles de scolastique, qui consistent à beaucoup examiner, s’il entend le Saint-Esprit, savoir la troisième personne de la Très-Sainte-Trinité, ou s’il parle seulement des dons de l’Esprit ; car quelle édification peut-il y avoir en cela ? Nous avons la promesse claire de Jésus : Nous viendrons à lui, et ferons notre demeure chez lui. Il est donc vrai que le Saint-Esprit habite dans les fidèles non seulement par ses dons, mais aussi quant à son essence, car il ne donne pas ses dons à une âme pour demeurer dehors lui-même, mais il accompagne ses dons et son œuvre, en les conservant, en les gouvernant, et en leur donnant les forces nécessaires, etc. C’est pourquoi le prophète demande qu’après que Dieu l’aurait justifié, et lut aurait donné la rémission de ses péchés, que cet heureux sentiment de la miséricorde de son Dieu soit profondément gravé dans son âme par le Saint-Esprit : c’est pourquoi il se sert de ces paroles : Crée en moi un cœur net. Il ne parle pas d’une opération passagère et momentanée, mais il demande la continuation d’une œuvre commencée, comme s’il voulait dire : ô Dieu ! tu as commencé dans moi ton œuvre, en me donnant la grâce de pouvoir me confier en ta miséricorde, achève donc ce que tu as commencé, confirme ce que tu as déjà opéré, car ce n’est pas celui qui aura commencé, mais celui qui aura persévéré, qui sera sauvé. Nos sophistes sont dans cette erreur, qu’ils s’imaginent que c’est assez d’avoir une fois commencé ; car ils disent que la grâce est une qualité cachée dans le cœur, laquelle, si quelqu’un a comme une perle enchâssée dans le cœur, Dieu aura égard à lui, pourvu qu’il coopère avec la force de son libre arbitre. Derechef ils disent : Si quelqu’un a la grâce, quand ce n’en serait qu’une étincelle, il sera sauvé. Mais nous, nous parlons et nous enseignons autrement de la grâce ; savoir, que la grâce est une continuelle et perpétuelle opération et un puissant mouvement, dans lequel nous sommes poussés par le Saint-Esprit à ne pas être incrédules aux promesses de Dieu, à faire et à penser toujours ce qui est agréable à Dieu ; car l’Esprit est une vertu vivante et agissante, et non morte et inefficace. Comme notre vie animale n’est jamais sans action et sans mouvement, mais qu’elle agit toujours même pendant le sommeil, parce qu’elle se fait voir par l’accroissement dans les enfants, par le souffle, la respiration et le pouls et par les autres marques de vie : ainsi le Saint-Esprit n’est jamais oisif dans les fidèles, il fait toujours quelque chose de compétent au règne de Dieu. C’est pourquoi je vous avertis de vous bien exercer dans l’intelligence des expressions de l’Esprit de Dieu dans sa parole, et que quand vous entendez parler d’une création, vous ne conceviez pas une œuvre qui ne dure qu’un moment, mais que vous entendiez par là une continuelle conduite, une conservation et une augmentation des actions spirituelles dans le cœur d’un fidèle.
Il faut aussi remarquer ici l’antithèse que le prophète veut insinuer quand il demande un cœur pur : il veut indirectement regarder à cette fausse justice des hypocrites, comme s’il voulait dire : je vois beaucoup de sortes de purifications dans le service extérieur, dans le temple et même dans ma maison. Tantôt on lave les vêtements, tantôt les parvis, tantôt les corps tout entiers, mais où demeure la purification du cœur ? Les cœurs sont souillés d’idolâtrie, de fausses opinions sur la divinité, de concupiscences, et de beaucoup de vices qui ruissellent de ces mauvaises sources, et de ce qu’on n’a pas la véritable connaissance de Dieu. Voilà des choses que nos beaux purificateurs négligent, ils s’occupent seulement à purifier et à laver les habits et les corps ; mais toi, mon Dieu, purifie et nettoie mon cœur, afin que je connaisse quelle est ta volonté, que je sache qu’elle est bonne et pleine de compassion envers moi, et que je ne sois point emporté par mes propres et chimériques idées à des opinions erronées. C’est là proprement avoir un cœur pur, et c’est d’un tel cœur que Jésus-Christ dit que bienheureux sont ceux qui l’ont, car ils verront Dieu (Matthieu ch. 5). C’est de cette pureté de cœur que viennent ensuite les bonnes actions, et les bonnes œuvres non seulement extérieures mais aussi intérieures et spirituelles ; car quoique le cœur soit aussi souillé par les convoitises charnelles, par la colère, les envies et autres vices, cependant c’est là une impureté que la chair comprend et condamne, comme nous voyons parmi les païens d’excellents préceptes, de vives répréhensions des vices auxquels les profanes s’abandonnent.
Mais le prophète demande ici une pureté à laquelle la chair et la raison ne comprennent rien, qui consiste en ce que les cœurs soient purs et vides de fausses idées sur la divinité, et qu’ils reconnaissent Dieu comme un Dieu clément, favorable et miséricordieux, qui ne veut point la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive : car aussitôt que le cœur sent un Dieu courroucé, il tombe facilement dans l’idolâtrie, qui lui représente un Dieu autrement qu’il n’est, qui lui fait chercher d’autres remèdes que ceux que la parole présente, et qui enfin le fait tomber dans le désespoir et dans le découragement. C’est pour éviter ces souillures du cœur que David demande un cœur pur, un cœur qui ait de justes et droites idées de Dieu, qui aime Dieu, comme celui qui l’a racheté de ses péchés et qui l’a favorisé du don de la vie : car il voit qu’il y a encore beaucoup de danger que ceux même qui ont ces salutaires connaissances ne soient encore entraînés par les tentations de Satan à des opinions fausses et erronées sur la divinité.