Mais voici que venant en aide à notre interprétation, la confrontation des autres textes sacrés réfute les rêves d’un Christ conquérant que tu l’es formé à cause de quelques armes symboliques, ou de quelques expressions de même nature. « Ceignez votre glaive, ô le plus vaillant des rois, s’écrie David. » Il est vrai, mais que lis-tu précédemment sur le Christ ? « Il surpasse en beauté les plus beaux des enfants des hommes. La grâce est répandue sur ses lèvres. » En vérité, je ris d’entendre le prophète complimenter sur l’éclat de sa beauté et la grâce de ses lèvres, un conquérant qu’il ceignait, de son glaive pour les combats ! « Grandis, prospère, triomphe, ajoute-t-il. Triomphe, pour la vérité, la douceur, la justice. » Je le demande, sont-ce là les œuvres du glaive ? Ou plutôt, ne produit-il pas les vices les plus opposés à la douceur et à la justice, la ruse, la cruauté, la barbarie, fruits inévitables des combats ?
Examinons donc si ce glaive dont les opérations sont si différentes, ne serait pas différent. L’évangéliste nous décrit dans son Apocalypse un glaive à deux tranchants, bien aiguisé, et qui sort de la bouche de Dieu. Il doit s’ entendre de la parole divine, à deux tranchants, à cause de la loi ancienne et de la loi nouvelle, aiguisée par la sagesse, terrible au démon, « destinée à nous armer contre les pièges de la malice et de la concupiscence, » et tranchant pour le nom de Dieu les liens les plus chers. Si tu récuses le témoignage de Jean, Paul est ton maître comme le nôtre. « Que la vérité soit la ceinture de nos reins, dit-il ; que la justice soit notre cuirasse ; ayons la chaussure aux pieds pour être prêts à l’Évangile de la paix. » De la paix, entends-tu ? et non de la guerre. « Servez-vous surtout, continue-t-il, du bouclier de la loi, afin de pouvoir éteindre tous les traits enflammés de l’esprit malin. Prenez le casque du salut, et l’épée spirituelle, qui est la parole de Dieu. Tel est le glaive, au lieu de paix, que le Seigneur lui-même est venu apporter sur la terre. »
Ce Christ est à toi, dis-tu. Il est donc conquérant ; s’il ne l’est pas, s’il ne porte à la main qu’un glaive allégorique, pourquoi ne serait-il pas permis également au Christ du Créateur, dont le prophète exaltait tout à l’heure la grâce et la beauté, de s’armer mystiquement, loin du tumulte des camps et des combats, du glaive de la parole divine qu’il ceignait dès lors sur sa cuisse, ainsi que le raconte David, pour l’apporter un jour sur la terre ? Ces paroles : « Grandis, prospère, triomphe, » n’ont pas d’autre sens. Grandis, c’est-à-dire sème jusqu’aux deux extrémités de la terre cette parole féconde pour la vocation des Gentils. Prospère, par l’accroissement de la foi qui sera ta conquête. Triomphe ; ainsi fait-il depuis qu’il a vaincu la mort par sa résurrection. « Et ta droite se signalera par des merveilles. » Allusion à la vertu de la grâce spirituelle qui conduit à la connaissance du Christ ! « Tes flèches sont brûlantes. » Oui, brûlantes par ses commandements qui volent d’un bout du monde à l’autre, menaces, châtiments, contritions du cœur qui percent et pénètrent la conscience de chacun. « Les peuples tomberont à ses pieds, » pour l’adorer humblement. Voilà les combats et les guerres du Christ du Créateur. Voilà le conquérant de la loi nouvelle. Voilà comment il a emporté sur ses épaules les dépouilles, non pas seulement de Samarie, mais de toutes les nations ! Reconnais donc aussi des dépouilles allégoriques dans des mains qui portent des armes allégoriques ! Quand le Seigneur parle en figures et que l’apôtre l’imite, nous pouvons sans témérité adopter des interprétations admises par nos adversaires eux-mêmes. Ainsi le Christ, descendu parmi nous, sera d’autant plus réellement le Christ d’Isaïe, qu’il a été moins belliqueux, parce que le prophète ne l’annonçait pas comme un conquérant de la terre.