Mon Dieu, toutes les créatures humaines me sont-elles semblables ? toutes ont-elles cette nature double, obscure, pécheresse ? Y en a-t-il une seconde au monde qui, comme moi, ne puisse se sonder sans se faire horreur ou pitié ? non, c’est impossible, et je sens que s’il me fallait ouvrir mon cœur jusqu’à son dernier repli, devant les hommes, j’aimerais mieux mourir ! Non, personne n’est mauvais comme je le suis ; personne ne pourrait m’excuser s’il me connaissait bien ; personne… Mon Dieu, je ne puis pas tout dire, et mes aveux se termineront dans le silence qui te suffit à toi, Seigneur, à qui je ne puis rien cacher. Toi seul peux me comprendre, toi seul peux ne pas me repousser. A l’homme je ferais horreur ; à toi, je fais pitié. Relève-moi, Seigneur ; arrache-moi à cette fange ; que mon existence ne se consume pas dans un long gémissement ; que je ne marche pas en supplicié vers ton trône de gloire, que je commence enfin ici-bas cette vie pure et sainte qui fera ma joie dans ton ciel. Que je pratique enfin cette vie dévouée que je comprends si bien ! que ces sentiments chrétiens, qui traversent mon cœur, s’y fixent ; que ce ne soit plus dans le repos, mais dans l’action, plus à de longs intervalles, mais sans cesse, que je pense, parle et agisse comme un futur habitant des cieux. Que ma prière soit suivie de vigilance sur moi-même. Si je m’oublie dans un instant, réveille alors le souvenir de ce que je dis dans ce moment, et que ton Saint-Esprit me donne la force de mettre en harmonie mes prières et mes actions.