1.[1] Le prophète Samuel, ayant réparti le peuple et assigné (à chaque groupe) une ville[2], leur ordonna de s’y rendre pour y faire juger les différends qui s’élèveraient entre eux. Lui-même venait deux fois l’an[3] dans ces villes pour leur rendre la justice et il fit régner un ordre parfait pendant longtemps.
[1] I Samuel, VII, 15.
[2] πσλιν αύτοϊς άποδούς. Le singulier étonne. Dans la Bible (VII, 16) il y a trois villes de judicature (Rethel, Gilgal, Miçpa), plus Rama, résidence ordinaire de Samuel.
[3] La Bible dit seulement : tous les ans. Le « deux fois l’an » de Josèphe est peut-être une déduction hagadique de la répétition du mot « année », dans l’hébreu (LXX : xατ ’ένιαυτόν ένιαυτόν).
2.[4] Dans la suite, appesanti par la vieillesse et empêché de remplir ses fonctions habituelles, il remet à ses fils le pouvoir et le gouvernement du peuple ; l’aîné s’appelait Yôel, le second avait nom Abira[5]. Il établit que le premier siégerait et jugerait dans la ville de Béthel et le second à Barsoubai[6], soumettant ainsi à chacun d’eux la moitié du peuple. Mais ceux-ci démontrèrent clairement par leur exemple qu’on peut dans sa conduite ne pas ressembler à ses parents de braves et honnêtes gens peuvent être fils de méchants[7]... ceux-ci au contraire se rangèrent dans la classe des méchants, fils de gens de bien. S’écartant, en effet, des mœurs de leur père pour prendre un chemin tout opposé, ils trahissaient la justice pour des présents et des profits honteux, rendaient leurs sentences, non pas selon l’équité, mais selon leur intérêt, et s’abandonnaient à une vie de volupté et de festins somptueux ; par cette conduite ils offensaient à la fois Dieu et le prophète, leur père, qui dépensait tant de zèle et de soins pour inculquer même à la multitude l’idée de justice.
[4] I Samuel, VIII, 1.
[5] Hébreu et LXX : Abia (leçon du ms. E. de Josèphe). Seule la recension de Lucien donne Αβηρα (Αβιρα) ; la Vetus Latina : Abiathar.
[6] Hébreu : Beer-Schéna ; LXX : Βηρσαει. D’après la Bible, les deux fils de Samuel exerçaient à Bersabée.
[7] Il semble que le texte présente ici une lacune : on attend la réciproque.
3.[8] Le peuple[9], voyant les attentats commis contre le régime et les institutions antérieures par les fils du prophète, était fort mécontent de leur conduite ; ils accourent ensemble auprès de Samuel, qui habitait dans la ville d’Armatha, lui dénoncent les dérèglements de ses fils et ajoutent que déjà vieux comme il l’est, affaibli par l’âge, il ne peut plus diriger les affaires ainsi qu’auparavant ; ils le prient donc instamment de leur désigner un roi pour gouverner le peuple et tirer vengeance des Philistins, qui leur doivent encore des comptes pour leurs injures passées. Ces paroles chagrinèrent fort Samuel, à cause de sa droiture naturelle et de sa répulsion pour les rois, car il était fort attaché au gouvernement aristocratique, qu’il tenait pour divin et propre à faire le bonheur de ceux qui l’adoptaient. Dans les soucis et les tourments que ces révélations lui causèrent, il perdit le manger et le dormir et passa toute la nuit à rouler mille pensées touchant ces affaires[10].
[8] I Samuel, VIII, 4.
[9] Dans la Bible, ce sont les anciens qui vont trouver Samuel. Mais au verset VIII, 10, c’est le peuple qui apparaît.
[10] La Bible ne parle que d’une prière adressée à Dieu par Samuel.
4.[11] Comme il était dans cet état d’esprit, la divinité lui apparaît et l’exhorte à ne pas s’offenser des revendications du peuple, car ce n’était pas lui qu’ils avaient dédaigné, c’était Dieu même, ne voulant plus de celui-ci seul pour roi ; et cette démarche-là, c’était depuis le jour où il les avait fait sortir d’Égypte qu’ils la méditaient. Mais ils ne tarderaient pas à être saisis de douloureux regrets. « Regrets qui n’empêcheront rien de ce qui doit arriver de s’accomplir, mais qui confondront leur mépris et leur ingratitude envers moi et envers ton autorité de prophète. Je t’ordonne donc de leur élire un roi que je te désignerai moi-même, après que tu les auras prévenus de quels maux ils seront victimes sous le gouvernement d’un roi et avertis hautement dans quelle révolution ils se jettent. »
[11] I Samuel, VIII, 7.
5.[12] Avant entendu ces paroles, Samuel, dès l’aube, convoqua les Juifs[13] et dit qu’il consentait à leur désigner un roi, mais qu’il devait d’abord leur exposer en détail ce qui leur adviendrait sous des rois et de combien de maux ils seraient accablés. « Sachez, en effet, que d’abord ils vous enlèveront vos enfants, qu’ils obligeront les uns à devenir conducteurs de chars, les autres cavaliers et gardes du corps. d’autres coureurs, commandants de mille et de cent hommes ; ils feront d’eux aussi des artisans, des fabricants d’armes, de chars, d’instruments, des cultivateurs qui devront travailler leurs champs et creuser leurs vignobles. Il n’est rien enfin qu’on ne leur fera faire comme à des esclaves achetés à prix d’argent. Quant à vos filles, on les emploiera comme parfumeuses, cuisinières, et boulangères, et on leur imposera tous les travaux qu’exécutent les servantes par peur des coups et des tortures. Ils vous prendront votre avoir et en feront cadeau à leurs eunuques et à leurs gardes du corps ; et ils distribueront vos troupeaux de bêtes à leurs créatures. En un mot, vous serez asservis avec tous les vôtres au roi : et deviendrez les égaux de vos propres domestiques : alors, les souffrances que vous éprouverez vous feront souvenir de ces paroles, et, dans votre repentir, vous supplierez Dieu de vous prendre en pitié et de vous accorder une prompte délivrance de la domination royale. Mais lui n’exaucera pas vos prières, il vous repoussera et vous laissera subir la juste peine de votre mauvais dessein. »
[12] I Samuel, VIII, 10.
[13] Cf. note 26.
6.[14] Cependant, même à ces prédictions d’avenir, le peuple demeurait sourd, et il était malaisé de chasser de leur pensée une résolution déjà arrivée, rebelle à tout raisonnement. En effet, ils ne changèrent pas de sentiment et ne se soucièrent pas des paroles de Samuel, mais ils le pressurent vivement, insistant pour qu’il élût sur l’heure un roi, sans se préoccuper de l’avenir. Car, pour tirer vengeance de leurs ennemis, il fallait qu’ils eussent un chef qui combattit avec eux, et il n’y avait rien de déraisonnable, si leurs voisins étaient gouvernés par des rois, qu’ils eussent la même forme de gouvernement. Samuel, voyant que, loin d’être retournés par ses paroles, ils ne faisaient que s’opiniâtrer : « Pour le moment, dit-il, retirez-vous chacun chez vous, je vous manderai quand il sera nécessaire, dès que j’aurai appris de Dieu quel roi il vous donne. »
[14] I Samuel, VIII, 19.