En enseignant la contingence de l’être créé, nous entendons que bien que l’action divine universelle ne se confonde point avec le jeu des forces créaturales, elle n’en est pas moins indispensable à celles-ci, pour qu’elles ne retombent pas incessamment dans le néant, dont elles ne sont séparées que par la volonté de Dieu (Psaumes 104.29). Mais tandis que la réalité substantielle de la créature avait plus d’évidence dans l’ordre moral, tout en se vérifiant aussi dans l’ordre physique, le principe de la contingence a plus d’évidence dans l’ordre physique, où la loi est immanente à la force, qui elle-même n’a pas sa fin en soi, tout en se vérifiant aussi dans l’ordre moral et à l’égard de la créature morale.
La réalité de la créature morale domine, disons-nous, mais ne supprime pas sa contingence. D’une part, la faculté prêtée à la créature morale de se réaliser elle-même, est limitée soit en quantité, soit en durée, et reste soumise aux conditions posées par l’acte créateur. D’autre part, la créature même opposée à Dieu par sa volonté, n’en reste pas moins dépendante de lui quant à son être, et de telle sorte que, s’il lui est loisible de choisir entre le bien et le mal, il ne l’est pas de le faire entre l’être et le néant : αὐτὸς διδοὺς πᾶσιν ζωὴν καὶ πνοὴν κατὰ πάντα (Actes 17.25), et v. 28 : Ἐν αὐτῷ γὰρ ζῶμεν καὶ κινούμεθα καί ἐσμεν.
Toute créature de Dieu est donc posée devant Dieu dans sa réalité intrinsèque, mais dans sa contingence absolue et permanente. En lui donnant l’être une fois, Dieu ne lui a pas donné l’être en soi ; et l’essence qui lui a été communiquée par l’acte de la création ne lui a été que prêtée pour être incessamment entretenue selon le mode conforme à sa nature propre et à sa destinée.