La mort se produit quand Dieu retire entièrement à lui l’Esprit qu’il avait communiqué à l’homme pour le faire vivre (Psaumes 104.29). L’homme est ainsi privé de souffle, de vie, il expire. Tel est le sens du mot גוע, gavah (Genèse 7.21-22). Après cela, il ne reste plus au corps qu’à retourner dans la poudre d’où il a été tiré (Job 34.14 ; Ecclésiaste 12.7 ; 8.8). Ces passages pourraient donner à penser qu’après la mort, c’en est entièrement fait de l’homme et qu’il est anéanti. H.-A. Hahn a prétendu que l’A. T. enseigne l’anéantissement de l’homme. David ne dit-il pas (Psaumes 39.13) : « Détourne-toi de moi, afin que je reprenne mes forces, avant que je m’en aille et que je ne sois plus. » Voyez encore Job 7.21 ; 14.10. Il est vrai que, si l’on ne considère les choses qu’avec les yeux de la raison, comme le fait l’Ecclésiaste, rien ne prouve que la mort n’abolisse pas toute différence entre l’homme et l’animal (Ecclésiaste 3.18-21). Mais il résulte de l’ensemble de l’A. T. que la destinée future de l’homme est, tout comme son origine, différente de celle des animaux. Quand Dieu retire son Esprit, le lien qui unit le corps à l’âme est tranché, mais l’âme elle-même, qui est le siège de la personnalité, ne meurt pas ; l’homme donc continue d’exister. Seulement, comme c’est de l’Esprit que proviennent toute force et toute énergie, l’âme humaine n’est plus alors qu’une forme vaine séjournant dans le royaume des morts, dans le Schéol, שאול.
[Tout ce que l’A. T. dit du Schéol ; la manière positive dont, ainsi que nous le verrons, il le distingue du sépulcre ; les résurrections qui sont racontées 1 Rois 17.21 ; 2 Rois 4.34 ; et enfin les prophéties relatives à une résurrection générale au dernier jour : — tout cela suppose indubitablement que l’homme, à sa mort, ne meurt pas tout entier. Ce même livre de l’Ecclésiaste qui dit (Ecclésiaste 12.7) que l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné, renferme aussi cette expression : « Dans le sépulcre, où tu vas … » (Ecclésiaste 9.10). Dans Job 7.8 ; 14.10, il n’est évidemment pas question d’un anéantissement de l’homme, mais seulement de sa disparition de la scène du monde, car il est fait mention, dans ces deux mêmes chapitres, du séjour de l’homme dans le royaume des morts. Psaumes 37.36 s’explique par Psaumes 39.13. On peut dire que l’immortalité de l’homme n’est pas même une question pour l’A. T. La nature seule de cette immortalité, de cette existence après la mort, est l’objet des recherches des Israélites, et plus ces recherches sont rendues pénibles parce que la pensée d’un sombre royaume des morts s’impose à eux sans qu’ils puissent s’en défaire, moins on est en droit de voir dans cette doctrine un emprunt fait par l’A. T. aux croyances populaires.]
Sans doute les habitants du Schéol ne sont jamais appelés ni des âmes (Néphesch), ni des esprits, car Job 4.15, n’a rien à faire icic. Mais des passages comme Psaumes 16.10 ; 30.4 ; 86.13 ; 89.49 ; 94.17 ; Proverbes 23.14, et peut-être Psaumes 49.20, montrent clairement que c’est bien l’âme qui descend dans le Schéol. [Psaumes 16.10 « Tu n’abandonneras pas mon âme dans le Schéol. » Psaumes 94.17. « Encore un peu et mon âme allait demeurer dans le silence. » Nous avons dit que Psaumes 49.20 a peut-être le même sens. Il faut pour cela prendre Tavo, le premier mot du verset, comme une troisième personne et lui donner pour sujet Naphescho sous-entendu depuis le verset précédent. Mais on prend quelquefois Tavo pour une 2e personne. « Tu viendras jusqu’à ses pères. » Il y a alors un énallage, que Delitzsch explique en disant que le poète, malgré la 2e personne qu’il venait d’employer, retombe dans le troisième, parce que venir jusqu’à ses pères était la formule usuelle et consacrée.] C’est aussi l’âme qui rentre dans le corps et qui vient le ranimer quand il y a résurrection. (1 Rois 17.21)d.
c – Ce n’est que le livre de l’Ecclésiastique (Sira.3.1), qui parle des âmes des morts. Plus tard, nous trouvons cette expression dans Apocalypse 6.9, et celle d’esprits dans 1 Pierre 3.19 ; Hébreux 12.23.
d – D’autre part, Nombres 23.10, et Job 31.14, parlent aussi d’une mort de l’âme. Mais cela s’explique par le fait que Napheschi sert quelquefois tout simplement de pronom personnel. On disait : Napheschi, comme nous disons : Je, ou moi.
Si nous nous demandions maintenant si l’A. T. admet une relation intime continuant à exister entre l’âme et le corps dans les premiers temps qui suivent la mort, nous n’hésiterions pas à répondre affirmativement. En effet, rappelons-nous 1o ce que nous avons dit § 70 sur l’emploi du mot âme, pour désigner un cadavre ; 2o le récit des deux résurrections opérées par Elie et Elisée ; 3o le passage difficile de Job 14.22, qui, de quelque manière qu’on l’entende, parle de l’état de l’homme mort et non de l’homme mourant. Il y est question de souffrances et de douleurs intimes que le corps aussi bien que l’âme éprouvent après leur séparation l’un d’avec l’autre. Delitzsch le paraphrase ainsi : L’âme reçoit un contre-coup douloureux de la décomposition de l’enveloppe qu’elle vient de quitter ! Mais je crois plutôt que ces souffrances sont celles que peuvent endurer, chacun de leur côté, l’âme et le corps ; car pour ce qui est du corps, Ésaïe 66.24, prête bel et bien aux cadavres une espèce de sensibilité quand il parle du ver des cadavres qui ne meurt point et de leur feu qui ne s’éteint point. Mais l’A. T. n’enseigne aucunement qu’il y ait après la mort une relation durable et permanente entre l’âme et le corps, ainsi que le pensaient les Egyptiens, aux yeux desquels conserver le corps, c’était faire durer l’âme. Tacite fait erreur quand il dit qu’à cet égard les Juifs avaient retenu quelque chose des Egyptiense. Pas trace non plus de cette autre croyance païenne d’après laquelle l’âme n’avait point de repos aussi longtemps que le corps n’avait pas reçu la sépulture. Ésaïe 14.15, rapproché du v. 19, s’y oppose même positivement.
e – « Corpora condere, qnam cremare, e more Ægyptio ; eademque cura et de infernis persuasio. » Hist. V, 5.
Le lieu où les hommes vont après leur mort, ou, comme s’exprime Job 30.23, la maison assignée comme lieu de rendez-vous à tous les vivants, s’appelle le Schéol ; en hébreu c’est un substantif féminin. Ce mot pourrait venir de שאל, Schaal, demander ; car le royaume des morts est un gouffre insatiable (Proverbes 1.12 ; 27.20 ; 30.16 ; Ésaïe 5.14 ; Habakuk 2.5). Seulement, il n’est pas très naturel de supposer que ce mot, qui est certainement fort antique, n’ait presque plus dans l’usage que le caractère d’une épithète poétique. Aussi préfère-t-on maintenant faire venir Schéol de שעל, signifiant être creuxf. Et comme ce changement de lettres constitue une difficulté sérieuse, on remonte jusqu’à la racine de שעל, qui est שול ou של, en grec χὰω, en latin hio ; en sorte que le sens fondamental de Schéol serait χάσμα, gouffre, abîme.
f – Voyez en allemand Hœhle. caverne, et Hœlle, enfer.
Gomme la plupart des endroits où il est parlé du Schéol ont un caractère poétique, il convient de ne pas prendre à la lettre absolument toutes les expressions qui sont employées dans la description de ce lieu mystérieux. En voici les traits essentiels et indiscutables :
L’empire des morts est un lieu bas et profond. La sphère de la lumière et de la vie est en haut ; celle de la mort est en bas. Proverbes 15.24 ; Ezéchiel 26.20 ; Nombres 16.30 ; Deutéronome 32.22 ; Psaumes 86.13. Psaumes 63.10, parle des profondeurs de la terre. Psaumes 88.7 ; Ezéchiel 26.20 ; 31.14 ; 32.18 parle des régions souterraines.
C’est un lieu de ténèbres, de ténèbres épaisses, Job 10.21-22, où la clarté même ressemble aux ténèbres.
Les morts y sont réunis par races et par familles. De là l’expression bien connue : Aller, ou être rassemblé, vers ses pères ou vers son peuple. Genèse 25.8 ; 35.29 ; 49.33 ; Nombres 20.24 ; Ézéchiel 32.17-30.
Ces différents traits s’opposent absolument à ce qu’on identifie le Schéol avec le sépulcre ; d’ailleurs l’ensevelissement est quelquefois mentionné à part comme quelque chose de bien distinct de la mort ; ainsi Abraham mourut et fut recueilli vers ses peuples, et ses fils l’enterrèrent dans la caverne de Macpéla. Puis il est dit de personnes qui ne sont nullement enterrées dans des sépulcres de famille, qu’elles ont été recueillies vers leurs pères ; ainsi Abraham, Aaron, Moïse, David, etc. Le Schéol et le tombeau sont deux choses absolument distinctes. Quand Jacob dit (Genèse 37.35) : Je descendrai vers mon fils dans le Schéol en pleurant, il ne peut pas songer à être réuni dans le tombeau avec son fils qu’il croit dévoré par les bêtes sauvages. Il est vrai que quelquefois des traits empruntés au sépulcre sont appliqués au royaume des morts, ainsi Ésaïe 14.11, où le prophète s’adresse en ces termes au conquérant qui vient de descendre dans le Schéol : « Sous toi des vers forment ta litière, et la pourriture est ta couverture. » Dans Ezé.32.22, il est même parlé de sépulcres qui se trouvent dans le Schéol. Mais même dans ces deux passages, impossible d’identifier le Schéol avec le sépulcre, car, dans le premier, il est dit que le cadavre du roi de Babylone est demeuré sans sépulture, tandis qu’il est lui-même descendu dans le royaume des morts ; et le second renferme la description poétique d’un lieu où s’en vont reposer toutes les nations de la terre. Le mot בור (Bor), fosse, est souvent employé pour désigner le Schéol (Ésaïe 14.14 ; Ezéchiel 32.23). L’expression : Descendre dans la fosse (Psaumes 28.1), qui pourrait signifier descendre dans le sépulcre, doit s’entendre plutôt de la descente dans le royaume de la mort. Mais cela ne veut point dire que la fosse et le Schéol soient une seule et même chose.
Et maintenant, les habitants du Schéol, dans quel état se trouvent-ils et quelle est. leur condition ? — Ils sont privés de tout ce qui constitue la vie dans le plein sens de ce mot. De là les noms de אבדון, Avaddôn, destruction, anéantissement (Job 26.6 ; Proverbes 15.11 ; 27.20), et de חדל Rhédel, cessation (Ésaïe 38.11), que porte aussi le royaume des morts. Ils sont dans un profond silence, דומה (Psaumes 94.17 ; 115.17) semblables à des gens endormis, engourdis, privés de toute force. Le Schéol est le pays de l’oubli (Psaumes 68.13), ארץ נשיה, expression qu’il faut prendre dans le sens actif. Ce n’est pas tant le pays où l’on est oublié, que celui où l’on oublie. « Les vivants savent qu’ils mourront, mais les morts ne savent absolument rien, et il n’y a plus de rétribution pour eux, puisque leur mémoire est oubliée. C’en est fait dès longtemps et de leur amour et de leur haine et de leur ambition, et pour l’éternité ils n’entrent plus en part de rien de ce qui se fait sous le soleil. — Dans les enfers où tu vas, il n’y a plus ni œuvre, ni prudence, ni science, ni sagesse. » (Ecclésiaste 9.5-6,10) On n’y peut plus, ni louer Dieu, ni penser aux choses de Dieu (Psaumes 6.6 ; 115.17 ; 88.12). La toute-puissance divine s’exerce jusque dans les enfers qui n’ont rien de caché pour le Très-Haut, (Job 26.6 ; Proverbes 15.11 ; Psaumes 139.8) ; mais les habitants de ce triste lieu n’ont aucun sentiment de communion avec Dieu (Psaumes 88.6). Toutefois ils n’ont pas absolument perdu toute conscience d’eux-mêmes ; leur personnalité n’est pas abolie (Ésaïe 14.10 ; Ezéchiel 22.21 ; 1 Samuel 28.15 et sq.).
Cette privation relative de vie explique le nom de Rephaïm, רפאים, que les livres postérieurs à Moïse donnent aux habitants du royaume des morts (Ésaïe 14.9 ; 26.14 ; Job 26.5 ; Psaumes 88.11 ; Proverbes 2.18 ; 21.16). Rephaïm vient de Rapha רפה, être flasque ; ce sont les gens affaiblis, débiles, sans force de Ésaïe 14.10 et de Psaumes 88.5.
[Dans le Pentateuque, ce mot a une toute autre signification : les réphaïms y sont des géants. Mais dans l’un et l’autre sens ce mot peut être ramené à la même racine, Rapha, רפה, étendre. Les morts sont ceux qui ont été abattus, étendus. Les géants sont ceux qui sont hauts de taille, étendus en hauteur, proceri, proceres. Bœttcher pense que Rephaïm désigne d’abord les géants, parce que les géants, comme les titans, ont été précipités, abattus ; puis que, formant dès lors la partie la plus remarquable de la population du Schéol, ils ont donné leur nom a tous les habitants du royaume des morts. Mais je trouve cette interprétation peu vraisemblable.]
Une fois dans le Schéol, impossible d’en remonter. Celui qui descend aux enfers n’en revient plus (Job 7.9 ; 14.12). L’A. T. ne se demande pas même comment de telles déclarations peuvent se concilier avec les résurrections dont il conserve le souvenir. — L’A. T. ne cite qu’un seul exemple d’un mort apparaissant aux vivants. C’est l’histoire de la pythonisse d’Endor, histoire que les Septante avaient déjà comprise ainsi, comme on peut s’en convaincre d’après leur traduction de 1 Chroniques 10.13 et de Siracide 46.23. Les anciens théologiens n’y voyaient qu’un effet de fantasmagorie, mais cette opinion est abandonnée et elle devrait l’être pour jamaisg.
g – Dans Job 4.12-15, il n’est pas question de l’apparition d’un mort, mais bien d’une apparition divine, et le rouach du v. 15 ne désigne pas un esprit, mais le vent, le mouvement de l’air qui annonce l’approche de l’apparition.
La nécromancie (שאל אוב, ou דרש אל–האבות) est sévèrement punie (Lévitique 19.31, 20.6 ; Deutéronome 18.11). L’expression Ov אוב, ne désigne proprement pas le nécromancier lui-même, mais bien l’esprit qui lui parle par le moyen de la personne qu’il a conjurée : voyez Lévitique 20.27, où le nécromancier est appelé : l’homme ou la femme dans lesquels il y a un אוב ôv, 1 Samuel 28.7, où la pythonisse est appelée une femme douée d’un ôv אוב, et le v. 8 du même chapitre, où la nécromancie est appelée une divination par un אוב ôv. Voyez encore Ésaïe 29.4. Qu’est-ce qu’un אוב ôv ? On a proposé la racine ouv אוב, qui donnerait le sens de revenant. Je préfère l’étymologie qui consiste à revenir au sens primitif du mot ôv, qui signifie proprement une outre, quelque chose qui se gonfle. Les Septante en effet traduisent toujours par ἐγγαστρίμυθος, ventriloque. [Dans 1 Samuel 28.3, le pluriel אבות, outres, est employé par métonymie pour les nécromanciers eux-mêmes.] Ésaïe 8.19, montre la folie de la nécromancie : « Un peuple ne consulterait-il pas son Dieu ? en faveur des vivants s’adresserait-on aux morts ?h » C’est à la loi, à la parole révélée, que le peuple d’Israël doit s’adresser, Ésaïe 5.20 ; Deutéronome 18.15. La parole Luc 16.29, est l’écho fidèle de ce passage d’Esaïe.
h – Evald traduit à tort : « S’adresserait-on aux morts au lieu de s’adresser aux vivants, au Dieu vivant ? »