Fais du bien selon ta bienveillance à Sion, et édifie les murs de Jérusalem.
Nous avons vu jusqu’à présent comment le prophète traite dans tout cet excellent psaume le sujet de la justification avec tous ses fruits et ses suites, et comment il établit par des expressions tant affirmatives que négatives. Les affirmatives sont par exemple ; Ô Dieu crée en moi un cœur net, puisqu’il demande une nouvelle création, il ne laisse rien au libre arbitre, mais lui ôte absolument tout. — Les négatives sont par exemple : Tu ne prends point plaisir aux sacrifices, par où il fait voir que nous ne pouvons venir à bout de satisfaire et d’apaiser la divinité par aucunes bonnes œuvres, et que nous ne pouvons pas obtenir la grâce par elles ; mais seulement par la miséricorde et la bonté de Dieu.
Maintenant le prophète ayant achevé de donner les enseignements nécessaires, ajoute une prière ; comme s’il voulait dire, j’ai montré jusqu’à présent la véritable cause et le seul fondement de la justification, et quel est le véritable procédé de la repentance et de la rémission des péchés, il ne me reste plus qu’à prier que cette céleste doctrine soit semée et pratiquée dans l’Église par chacun de ses membres ; car il ne manquera pas d’y avoir de faux docteurs qui presseront tellement leurs sacrifices et la nécessité des œuvres de la Loi, que la meilleure partie de cette doctrine, savoir la confiance en la pure miséricorde de Dieu, sera négligée ; c’est pourquoi il est très important de prier contre de tels faux docteurs, afin que la saine doctrine demeure et subsiste parmi le peuple. Or il ne faut pas croire que le prophète prie ici pour la prospérité temporelle de l’Église, car alors Jérusalem florissait plus que jamais et était pourvue de bonnes lois et de bons magistrats, et cependant il demande à Dieu qu’il édifie ses murs, que lui-même les bâtisse et non les architectes qui y apportent des matériaux de bois, de chaux, de pierres et d’autres choses, car les murs de Jérusalem étaient encore dans leur force, et n’avaient pas besoin de pareilles manières d’édifier ; cependant, il prie que Dieu les bâtisse et les édifie. Ainsi, quoiqu’il nomme Jérusalem, il entend la Jérusalem spirituelle, et le peuple ou l’Église de Dieu, demandant que comme une ville est défendue par de bonnes murailles contre les assauts de ses ennemis, pareillement l’Église soit munie et fortifiée en esprit contre les assauts du Diable et des puissances spirituelles, parce qu’il ne manquerait pas d’y avoir des docteurs qui instruiraient les hommes à bien vivre selon la Loi et le décalogue, mais qui ne leur diraient rien de la confiance qu’ils doivent avoir en la miséricorde de Dieu, par où il arriverait que les hommes seraient entraînés à la confiance en leur propre justice : pour empêcher ce mal, toi grand Dieu, dit-il, édifie afin qu’ils te connaissent et qu’ils apprennent à entendre ta vérité, et qu’ils sachent que c’est par ta pure miséricorde qu’ils sont justes et recevables devant toi.
Voilà comment les murs de la Jérusalem spirituelle peuvent être édifiés et affermis quand les hommes apprennent à avoir et à mettre toute leur confiance en la miséricorde de Dieu, et à recevoir leur salut de sa grâce : or, quand on a une fois commencé à bâtir sur ce fondement, on avance tous les jours de plus en plus ; et ce n’est pas assez d’avoir commencé à entrer dans cette connaissance ; car comme Satan, après qu’on a reçu la vérité, ne cesse point d’exercer sa rage contre les justes, par toutes sortes de moyens, il est nécessaire de se préparer au combat, il faut que les cœurs soient de plus en plus affermis et fortifiés, afin que, comme Satan ne cesse point de harceler, ainsi, celui qui édifie et qui garde Israël ne cesse point de le munir et de le défendre : ainsi donc ce verset comprend la prière que Dieu veuille non seulement donner, mais aussi conserver et accroître sa grâce dans les âmes ; il faut remarquer qu’ici il attribue tout à la bienveillance de Dieu et non aux mérites de Jérusalem ; il demande que Dieu conserve sa connaissance en elle selon sa bienveillance, et qu’ainsi ses murs soient édifiés, c’est-à-dire que les âmes soient bien fortifiées et enracinées en cette connaissance, afin qu’au temps du choc et du combat, elles soutiennent et surmontent les assauts du Diable. Et lorsque le peuple sera ainsi instruit, justifié, conservé et défendu contre toute erreur et contre les embûches du Diable, il pourra dire à Dieu :