Nous trouvons dans les paroles mêmes de saint Paul la réfutation de l’erreur de ceux qui prétendent que saint Paul, seul, parmi les disciples du Seigneur, aurait connu la vérité par une révélation mystérieuse, lorsqu’il dit que le ministère de la prédication de l’Évangile aux incirconcis lui avait été donné, comme à Pierre celui de la prédication aux circoncis. Pierre était donc aussi bien que Paul, le ministre du même Dieu ; et ce Dieu, ainsi que son fils, que Pierre prêchait aux circoncis, Paul le prêchait aux incirconcis, c’est-à-dire aux gentils. Peut-on dire que notre Seigneur fût venu sur la terre pour sauver seulement saint Paul, et que tout Dieu qu’il était, il n’ait pu avoir qu’un seul apôtre qui fût digne de connaître la vérité ? Mais quand saint Paul dit : « Qu’ils sont beaux, les pieds de ceux qui annoncent l’Évangile de paix, qui annoncent les biens, » il est évident qu’il a voulu exprimer qu’il y en avait plusieurs chargés de prêcher l’Évangile, et qu’il n’était pas le seul. Et encore, dans la première épître aux Corinthiens, lorsqu’après avoir parlé de tous ceux qui avaient vu notre Seigneur après sa résurrection, il ajoute : « Que ce soit donc moi, ou que ce soient ceux qui vous prêchent, c’est là ce que nous prêchons, et c’est là ce que vous avez cru, » ne parle-t-il pas de la prédication de tous les apôtres qui ont vu notre Seigneur après sa résurrection ?
Voici ce que notre Seigneur répondit à l’apôtre Philippe, qui lui demandait à voir le Père : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ! Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père. Comment dites-vous : montrez-nous votre Père ? Ne voyez-vous pas que je suis en mon Père, et que mon père est en moi ; et en me connaissant, vous l’avez connu. » Or, lorsque le Seigneur a affirmé à ses disciples qu’en le connaissant lui-même ils ont connu Dieu le père (c’est-à-dire la vérité), comment pourrait-on ensuite prétendre que les apôtres n’ont pas connu la vérité ? il faudrait pour cela être capable de rendre un faux témoignage, et avoir tout à fait renié la doctrine du Christ. Et, en effet, à quoi bon le Sauveur aurait-il donné à ses douze apôtres la mission de faire rentrer dans la voie du salut les brebis égarées de la maison d’Israël, si ces mêmes apôtres ignoraient les vérités du salut ? Qu’allaient-ils prêcher, au nombre de soixante-dix, l’Évangile, s’ils ne connaissaient pas la vérité de l’Évangile ? Saint Paul n’a-t-il pas dit, en parlant de lui-même : « Paul établi apôtre, non par des hommes, ni par l’autorité d’aucun homme, mais par l’autorité de Jésus-Christ et de Dieu son père. » D’après cela, comment saint Pierre aurait-il pu ignorer la vérité, lui à qui notre Seigneur a révélé qu’il procédait non pas de la chair et du sang, mais du Père céleste qui est dans les cieux ; car, de même que le Fils a révélé le Père aux apôtres, ainsi le Père leur a-t-il révélé le Fils.
Saint Paul étant venu à Jérusalem, sur la demande de quelques païens, pour résoudre avec les apôtres, la question relative à l’affranchissement des gentils, il y parut accompagné de Barnabé, et c’est à cette occasion qu’il dit dans l’épître aux Galates : « Quatorze ans après, j’allais encore à Jérusalem avec Barnabé, ayant pris aussi Tite avec moi. Et j’y allai suivant une révélation, et j’exposai aux fidèles l’Évangile que je prêche parmi les gentils. » Et un peu plus loin, il ajoute : « Nous refusâmes de nous assujettir à ce qu’ils voulaient, afin que la vérité de l’Évangile demeurât parmi vous. » On peut compulser les Actes des Apôtre et l’on y verra l’énonciation du temps, où saint Paul parle d’être venu à Jérusalem, entièrement conforme à ce qu’il en dit lui-même. De même encore le récit de saint Paul est tout à fait conforme à ce que dit saint Luc concernant les apôtres.