Les hagiographies dont nous venons de parler sont déjà, à leur manière, des livres d’ascétisme ; mais d’ailleurs les auteurs de spiritualité spéculative ne manquèrent pas du vie au viiie siècle. On a parlé ci-dessus du Pseudo-Aréopagite, de saint Sophronius, de saint Maxime, d’Anastase le Sinaïte ; et il sera question plus loin de saint Germain de Constantinople et de saint Jean Damascène. Dans la première moitié du vie siècle, l’abbé d’un couvent proche de Césarée de Palestine, Zosimas, donne à ses moines une série de conférences que l’un d’eux peut-être a mises par écrit. — De l’abbé Dorothée, supérieur d’un monastère aux environs de Gaza (vers 540-550), on possède vingt-quatre discours et huit lettres sur la perfection chrétienne et monastique. Si ce Dorothée était, comme le dit Evagrius (H. E., 4.33), monophysite sévérien, il n’en a rien laissé percer dans ses discours. — Saint Siméon Stylite le Jeune († 596), qui vécut un peu plus tard, passe pour l’auteur de trente traités analogues. Le septième concile général a cité de lui deux lettres. — Plus tard encore, vers 620, un moine du couvent de Saint-Sabas, Antiochus, compose des Pandectes de la sainte Écriture, soit cent trente chapitres sur les divers devoirs de la vie chrétienne et religieuse, où chaque enseignement se trouve appuyé par des citations de l’Écriture et des Pères. Le tout se termine par une prière pour la délivrance de Jérusalem, alors sous la domination des Perses.
Ces écrits sont, en somme, fort peu connus ; mais en voici un dont la fortune a été meilleure. C’est l’Échelle (Κλίμαξ) ou Échelle du paradis, d’où son auteur, saint Jean Climaque, a tiré son surnom. On ignore où était né saint Jean Climaque ; on sait seulement qu’il se retira de bonne heure dans la solitude et vécut d’abord en ermite. Puis il dirigea un couvent du mont Sinaï dont on l’avait élu supérieur ; mais, à la fin, il se démit de sa charge et regagna sa retraite où il mourut vers l’an 649. C’est à la prière d’un de ses amis, l’abbé Jean, supérieur du couvent de Raithu, que Jean Climaque, alors supérieur lui-même, composa l’Échelle. Ce livre est, au fond, un traité complet de la vie spirituelle et monastique. Elle y est comparée à une échelle par laquelle on monte au ciel, et qui compte trente échelons ou degrés. A chacun de ces degrés correspond une vertu à pratiquer ou un vice qu’il faut fuir. L’ouvrage, fruit d’une longue expérience, assez bien écrit d’ailleurs et agrémenté d’exemples concrets, jouit d’une grande vogue, et fut même commenté par Jean de Raithu d’abord, puis par d’autres auteurs après lui. Outre cet ouvrage, Jean Climaque a composé, toujours pour l’abbé de Raithu, un Livre ou une Lettre au Pasteur (Πρὸς τὸν ποιμένα), dans laquelle il définit les devoirs de l’abbé du monastère, et lui apprend la manière de les remplir. On y trouve la même expérience et la même sagesse que dans l’Échelle du paradis.
Après saint Jean Climaque, une simple mention suffira pour l’abbé Thalassius, supérieur (vers 650) d’un monastère en Libye, auteur de quatre cents maximes Sur la charité et la continence, divisées en quatre centuries ; et pour un Jean de Carpathus, probablement l’évêque de l’île de ce nom, qui assista au concile de 680. Photius (cod. 201) a lu de lui un livre de Consolation aux moines de l’Inde, en cent maximes ou sentences. On a encore sous son nom d’autres sentences, toujours à l’usage des moines.
Cependant la vie administrative se compliquant de plus en plus dans l’Église grecque, le besoin se faisait sentir de collections de canons plus complètes et plus commodes que celles que l’on avait eues jusque-là. Les anciennes collections, en effet, présentaient simplement les canons de chaque concile dans leur ordre chronologique. Un nouveau système fut inauguré par Jean le Scolastique ou le Juriste, patriarche (intrus) de Constantinople de 565 à 577. Il rangea les canons des conciles par ordre de matière sous cinquante titres, et y ajouta quatre-vingt-neuf canons des apôtres, vingt-deux canons de Sardique et soixante-huit canons des lettres canoniques de saint Basile. Ce premier ouvrage est antérieur à son épiscopat. Devenu patriarche, il en publia comme une seconde édition augmentée, et y joignit un choix des Novelles de Justinien en quatre-vingt-sept chapitres. C’est de ce dernier ouvrage, dont on remania et combina les éléments, qu’est sorti plus tard le premier Nomocanon connu, c’est-à-dire la première collection présentant sur le même sujet à la fois le texte de la législation civile (νόμος) et de la législation ecclésiastique (κάνων). Un autre nomocanon de ce genre, attribué à Photius, est, croit-on, antérieur à ce patriarche, qui n’aurait fait que le compléter, et daterait du viie siècle. — Un autre patriarche de Constantinople, Jean le Jeûneur (582-595), avec qui saint Grégoire le Grand eut des difficultés au sujet du titre de patriarche œcuménique que Jean s’était arrogé, est l’auteur d’un Rescrit sur le sacrement de baptême (perdu), adressé à saint Léandre de Séville, et peut-être d’un Sermon sur la pénitence, la continence et la virginité, d’une Doctrine pour les religieuses et de quelques autres opuscules. Mais le Pénitentiel et le Sermon pour les pénitents édités sous son nom sont en réalité des œuvres du xie ou du xiie siècle.