La genèse de la vie spirituelle est désignée dans le Nouveau Testament par les termes παλιγγενεσία (Tite 3.5), κτίσις (2 Corinthiens 5.17 ; Galates 6.15). Le terme de κτίσις (création) fait ressortir davantage l’initiative divine dans ce fait et l’opposition entre l’ancien état et l’état nouveau ; tandis que παλιγγενεσία (renouvellement) rappelle plutôt le rapport qui existe entre l’un et l’autre, et suppose que la nouvelle nature a été produite au sein de l’ancienne, bien qu’en vertu d’un principe supérieur et à travers la lutte et la douleur.
Le passage classique sur la matière est Jean 3.3, 5. L’expression ἄνωθεν γεννηθῆναι comporte les deux interprétations : être né de nouveau et né d’en-haut. La réponse de Jésus (v. 5) les réunit l’une et l’autre en décomposant pour ainsi dire le ἄνωθεν en ses deux éléments, l’eau et l’Esprit, en sorte que la naissance dont il parle est désignée comme nouvelle, parce qu’elle est de l’Esprit. L’eau, symbole du baptême et spécialement du baptême de Jean, que l’on ne pouvait mépriser impunément, et l’Esprit sont ici unis et en même temps distincts, pour désigner les deux grâces unies aussi, inséparables et distinctes, qui constituent l’initiation complète à la vie nouvelle : le pardon et la régénération.
La régénération morale du croyant est également rattachée, Romains 6.3-4, au baptême, qui, dans ses deux phases de l’immersion et de l’émersion, représente les deux éléments de l’inhumation, preuve de la réalité de la mort, et de la résurrection à une vie nouvelle, tous deux compris déjà dans le fuit même de la nouvelle naissance. Selon M. Godet, on amoindrit la pensée de l’auteur en rapportant l’image du baptême à la mort seulement ; elle désignerait plutôt l’acte qui suit immédiatement la mort, et le raisonnement serait le suivant : Vous êtes morts, puisque vous êtes enterrés, ce qu’atteste le baptême que vous avez reçu. « On a généralement conclu, dit M. Godet, que le baptême était présenté comme étant lui-même la mort dont parle saint Paul au v. 2. Je crois qu’on se met par là dans l’impossibilité d’expliquer d’une manière satisfaisante tout le passage suivant, en particulier cette parole : « Nous sommas donc ensevelis avec lui par le baptême en sa mort. » D’après ces paroles, ce n’est point à la mort, c’est à l’inhumation du mort que Paul compare le baptême. Et en effet, de même que la cérémonie de l’inhumation, comme fait visible et public, constate celui de la mort, ainsi le baptême, en tant qu’acte extérieur et sensible, constate la foi, avec la mort au péché implicitement renfermée dans la foi. » (Commentaire sur l’épître aux Romains.)
Les deux actes, indispensables l’un à l’autre, sont également opposés dans l’image moins énergique du dépouillement et du revêtement ; nous y retrouvons une allusion au baptême, où le candidat se dépouillait de ses anciens vêtements pour se couvrir d’un costume nouveau, symbole de la pureté nouvelle de sa vie (Colossiens 3.9-10). Une autre image, mais de la mort seule, et qui anticipe d’ailleurs sur la phase subséquente de la mortification prolongée du vieil homme, est celle du crucifiement (Galates 2.19).
Le passage Romains 12.1-2 résume les différents éléments de la vie spirituelle : d’abord l’élément initial de cette vie, la consécration à Dieu. Cet élément répond à la παλιγγενεσία dont il vient d’être parlé ; suivent les deux éléments permanents de la vie spirituelle : l’élément négatif de la sanctification chrétienne (« ne vous conformant pas »), et l’élément positif (« soyez transformés »).
Dans 1 Pierre 1.3, 23, sont désignés les deux facteurs : l’agent divin, par l’actif ἀναγεννήσας et l’agent humain ou le croyant, par le passif ἀν αγεγεννημένοι.
Jacques 1.18, exprime la même pensée sous une autre forme : ἀπεκύνησεν ἠμᾶς expression d’autant plus intéressante que, tout en s’écartant de la terminologie ordinaire, elle reste entièrement dans le courant de doctrine du Nouveau Testament et peut suffire à disculper l’auteur de l’épître des œuvres d’avoir enseigné une sainteté indépendante des sources mêmes de la vie chrétienne.
Dans saint Jean, la forme la plus fréquente pour exprimer la régénération est l’expression « être né de Dieu » (Jean 1.13 ; 1 Jean 2.29 ; 3.9 ; 4.7 ; 5.1) que nous avons déjà distinguée de l’expression « être de Dieu » ; ensuite de la même analogie, les croyants régénérés sont appelés τέκνα τοῦ θεοῦ, « enfants de Dieu »a. De même, en effet, que l’homme naturel est devenu enfant de la chair par la voie d’un engendrement charnel et terrestre, le croyant devient enfant de Dieu par un engendrement surnaturel et spirituel. Ces deux filiations sont opposées l’une à l’autre, Jean 1.12-13 ; 1 Jean 3.9.
a – Il y a cette différence entre τέκνον et υιός, qui sont l’un et l’autre rapportés au chrétien, que τέκνον exprime la relation de nature, la filiation par le sang, et υιός la relation de droit, qui peut être par Christ la filiation par adoption. Les deux termes se rencontrant Romains 8.14-15 : υἱοὶ θεοῦ ; Romains 8.16-17 : τέκνα.
La nouvelle naissance, qui n’a pu s’opérer dans l’Ancienne Alliance, y était cependant déjà préfigurée par les purifications et lustrations légales, ainsi que par le rite de la circoncision (comp. Deutéronome 10.16 ; même image Jérémie 4.4). Elle est prédite, soit figurément, soit au propre, dans Jérémie 31.33 ; Ézéchiel 11.19 ; 36.25. Comparez aussi les prédictions de l’effusion de l’Esprit, Joël 3 ; Ésaïe 44.3 ; Zacharie 13.2 (ce qui rendait étonnant, en effet, l’étonnement d’un docteur de la loi à l’ouïe de ces choses, Jean 3.10). La régénération du cœur faisait déjà l’objet de l’ardent soupir du psalmiste (Psaumes 51.12).