« Qu’il évangélise Sion, et annonce à Jérusalem la paix, et avec elle tous les biens, qu’il gravisse la montagne, qu’il y passe la nuit en prières ; » rien de mieux constaté. C’est encore avec son Père céleste qu’il s’entretient. Parcours donc les prophètes, et reconnais l’économie divine tout entière. « Montez sur le sommet de la montagne, vous qui évangélisez Sion, s’écrie Isaïe ! Elevez votre voix avec force, vous qui apportez la bonne nouvelle à Jérusalem ! » L’historien sacré a consigné jusqu’à l’admiration pour la vigueur du langage : « Et ils étaient dans l’admiration de sa doctrine ; car il parlait avec force et autorité. » Et ailleurs : « En ce jour, mon peuple connaîtra mon nom. » Quel nom ? si ce n’est celui du Christ ? « Moi qui ai parlé, me voici. » En effet, c’était le Verbe, Fils de Dieu, qui inspirait les prophètes. « Me voici sur les montagnes, à l’heure assignée, annonçant l’Evangile de la paix, annonçant les biens. » Même langage dans Nahum, l’un des douze petits prophètes. « Qu’ils sont rapides sur les montagnes les pieds de celui qui évangélise la paix ! » La prière qu’il élève la nuit vers son Père avait sa prophétie non moins évidente dans le Psalmiste : « Mon Dieu, je vous invoque durant le jour, et vous ne m’écoutez pas ; je crie vers vous au milieu de la nuit, et mes cris n’ont pas été inutiles. » Les paroles et le lieu se retrouvent encore ailleurs : « J’ai crié vers le Seigneur, et il m’a exaucé du haut de sa montagne sainte. » Réalité du nom, promulgation de l’Evangile, lieu de l’événement, montagne, heure de la prière, nuit, son de la voix, annonce de la paix, tout est là, c’est-à-dire le Christ des prophètes tout entier.
— « Mais pourquoi douze apôtres, au lieu de tout autre nombre ? »
— En vérité, je pourrais, à ce seul trait, reconnaître mon Christ annoncé non-seulement par les prophètes, mais par les symboles de la loi. L’Ancien Testament du Créateur m’offre plus d’une figure de ce nombre ; « les douze fontaines d’Elim ; les douze pierres précieuses qui brillent sur le vêtement sacerdotal d’Aaron ; les douze pierres choisies dans le Jourdain par Josué, et dressées en forme d’arche sainte. » J’y vois autant de figures du nombre sacré des apôtres. Fleuves féconds, ils devaient arroser de leurs eaux bienfaisantes un sol autrefois aride, et apporter la vie parmi les nations, où s’était éteinte la connaissance de Dieu, selon le langage d’Isaïe : « Je ferai couler des fleuves dans une terre desséchée. » Pierres étincelantes, ils devaient éclairer de leurs rayons le vêtement sacré de l’Église qu’a revêtu Jésus-Christ, pontife éternel du Père, Colonnes fondamentales, cimentées dans la foi, ils étaient ces roches immobiles arrachées par le véritable Josué aux eaux du Jourdain, et placées dans le sanctuaire de son alliance. Le christ de Marcion justifiera-t-il jamais ce nombre par quelque chose de pareil ? Le sien ne fait rien que le mien ne fasse pour accomplir ces symboles. Il est juste de reporter l’événement à qui peut eu montrer les préparatifs éloignés. Mon rédempteur convertit le nom de Simon en celui de Pierre, parce que le Créateur avait réformé, avant lui, les noms d’Abraham, de Sara et d’Osée, en appelant celui-ci Josué ou Jésus, en allongeant d’une syllabe les noms des deux autres. Mais pourquoi Pierre ? Afin que des matières solides et compactes exprimassent par leur nom l’énergie de sa foi, ou, si l’on aime mieux, parce que l’Ecriture représente Jésus lui-même, tantôt comme « la pierre angulaire, tantôt comme la pierre d’achoppement et de scandale. » Je ne m’étends pas davantage. Communiquer au plus cher de ses disciples un nom qu’il tirait de ses propres symboles, valait mieux peut-être que de lui imposer un nom d’emprunt.
— « Une grande multitude, venue de la Judée, de Tyr, de Sidon et des contrées maritimes, se presse autour de lui. »
Le Psaume l’annonçait : « Et voilà que les étrangers, les habitants de Tyr et de l’Ethiopie vont renaître dans tes murs. O Sion ! ô mère ! dira l’homme, et l’homme est né dans son sein ; parce que l’ homme-Dieu y a pris naissance, et que la volonté elle-même du Très-Haut l’a fondée. » N’était-ce pas nous apprendre que les Gentils étaient venus à lui, parce qu’il était né homme-Dieu pour bâtir une Église d’après la volonté de son Père, et avec la multitude des Gentils ? Ecoutons encore Isaïe : « Voilà que les peuples, appelés par le Seigneur, accourent, ceux-ci du septentrion, ceux-là du midi, d’autres des rivages de la mer et de la terre des Perses. » Le prophète revient à cette merveille : « Lève les yeux, et regarde autour de toi ; car les peuples rassemblés s’avancent à ta rencontre. À l’aspect de ces étrangers et de ces inconnus, poursuit-il, tu diras dans ton cœur : Qui m’a engendre ces enfants ? qui me les a nourris ? d’où me sont-ils venus ? »
Et ce christ ne serait pas le Christ les prophètes ? Quel sera donc le christ des Marcionites, en dépit de leurs dogmes monstrueux, si leur christ n’est pas celui des prophètes ?