Tous les papes qui se sont succédé entre saint Léon et saint Grégoire le Grand, de 461 à 590 (sauf Jean I, Silvère et Benoît I), ont laissé des lettres ou des décrétales. Les plus nombreuses sont celles de Gélase (492-496), d’Hormisdas (514-523), de Vigile (537-555) et de Pélage I (555-560). Entre les décrétales attribuées à Gélase, il faut distinguer le décret De recipiendis et non recipiendis libris, qui comprend en réalité cinq parties : Du Saint-Esprit ; Du canon des Écritures ; Des sièges patriarcaux ; Des conciles œcuméniques ; Des livres à recevoir. Les deux premières parties remontent à un concile tenu sous Damase probablement en 382, et la dernière partie, si elle est l’œuvre de Gélase, a été interpolée et remaniée après lui. D’autre part, en dehors de ses lettres, Gélase est l’auteur de six traités se rapportant pour la plupart au schisme acacien qui séparait alors l’Église grecque du siège de Rome, et offrant pour l’histoire du dogme une vraie importance. Le Sacramentaire qui porte son nom n’est pas de lui.
Parmi les auteurs que nous allons maintenant signaler, il en est dont les écrits intéressent grandement telle ou telle branche du savoir théologique : aucun d’eux cependant ne jouit, comme écrivain, d’une telle notoriété qu’il doive nous retenir longtemps.
Nommons en tête le polygraphe Magnus Félix Ennodius. Ennodius, né vers 473, était originaire du sud de la Gaule ; mais il avait fait ses études à Milan, y avait probablement professé la rhétorique et, après quelques années de mariage, était entré dans le clergé. En 513, il devint évêque de Pavie. Sa mort se place en 521. Ennodius est un écrivain élégant, qui s’efforce d’imiter les classiques sans réussir à mettre dans son style toute la clarté désirable, qui a traité tour à tour les sujets profanes et les questions religieuses et qui, en somme, fait figure d’homme cultivé et de grand évêque. Ses œuvres comprennent des Lettres, des Opuscules, des Discours (Dictiones) et des Poésies. Les lettres, distribuées en neuf livres et toutes antérieures à son épiscopat, ne touchent que rarement aux matières religieuses. Entre les dix opuscules, il faut distinguer un panégyrique de Théodoric (507 ou 508), la défense du concile romain de 502 qui avait soutenu le pape Symmaque Libellus apologeticus pro concilio palmari), une Vie de saint Épiphane de Pavie (vers 503), une autre de saint Antoine de Lérins et une sorte d’autobiographie sous forme d’action de grâces (Eucharisticum de vita sua). Les discours sont au nombre de vingt-neuf, mais sept seulement traitent de sujets chrétiens. Quant aux poésies, elles forment deux livres contenant respectivement vingt et une et cent cinquante et une pièces. On y trouve des hymnes qui célèbrent les mystères de Notre Seigneur et les vertus des saints, des inscriptions métriques pour des basiliques ou des tombeaux et aussi beaucoup de compositions purement profanes.
Au temps d’Ennodius, l’éloquence sacrée est représentée par un Laurentius surnommé l’Orateur melliflu, en qui les uns voient l’évêque de Milan de 490 à 512, d’autres un évêque de Novare de la même époque : on a de lui deux homélies. — La science liturgique l’est par Jean, diacre de Rome, auteur d’une épître importante pour l’histoire des cérémonies du baptême. — En 529, saint Benoît (né à Nursie en 480, mort en 543 au mont Cassin) écrit sa Règle qui devait, du viiie au xiiie siècle, devenir celle de presque tous les moines d’Occident. — Un peu plus tard, Victor, évêque de Capoue († 554), s’occupe d’exégèse et nous conserve notamment une Harmonie évangélique qui est un remaniement du Diatessaron de Tatien. — Mais déjà Denys le Petit avait commencé les travaux canoniques qui devaient rendre son nom célèbre. Denys était un moine originaire de la Scythie, qui vint à Rome vers l’an 500 et y vécut jusque vers l’an 540, occupé principalement à des traductions latines et à collectionner les documents disciplinaires parus jusqu’à lui. Cassiodore, qui l’avait beaucoup connu, loue son érudition et en parle comme d’un saint. On croit que le qualificatif de Petit est un surnom qu’il avait pris par humilité. Quoi qu’il en soit, l’œuvre de Denys comprend d’abord quelques traductions latines d’ouvrages grecs et un recueil de pièces relatives à la formule Un de la Trinité a souffert dans la chair, puis et surtout plusieurs collections de canons et de décrétales et un travail sur le comput ecclésiastique dont il faut dire un mot.
Pour le comput, il fit, d’une part, prévaloir sur les différents cycles dont se servaient les Églises pour déterminer la fête de Pâques, le cycle alexandrin de dix-neuf ans et, de l’autre, il fit abandonner l’ère dioclétienne et l’ère de la fondation de Rome et adopter, pour compter les années, l’ère chrétienne commençant avec la naissance de Jésus-Christ. Cette naissance fut fixée par lui en l’an 754 de Rome. De légères erreurs se sont glissées dans ses calculs : on les a, depuis, corrigées.
Sur la discipline ecclésiastique, Denys a composé trois recueils distincts : 1° Une collection latine des canons conciliaires et synodaux grecs et latins, qui commence avec les canons apostoliques, se continue par ceux de Nicée, d’Ancyre, de Néocésarée, de Gangres, d’Antioche, de Chalcédoine, et s’achève par ceux de Sardique et de divers conciles d’Afrique. L’ouvrage date de 500-510. 2° Une collection des décrétales des papes depuis Siricius (385-398) jusqu’à Anastase (496-498). Elle ne compte que trente-huit lettres et, par conséquent, est fort incomplète : il semble que l’auteur n’ait relevé que les pièces plus importantes. Ce second recueil date du pontificat de Symmaque (498-514) ; plus tard, il fut réuni au premier et forma avec lui la Collection dionysienne (Dionysiana). 3° Enfin, sur l’ordre du pape Hormisdas (514-523), Denys fit une troisième collection d’où étaient exclus les canons apostoliques, et qui ne donnait que les canons des conciles et synodes grecs, mais avec le texte grec en face de la traduction latine. Ce dernier recueil est perdu. Tout imparfaite qu’elle fût, l’œuvre canonique de Denys constituait, sur ce qui existait auparavant dans ce genre, un progrès énorme, et bien qu’elle n’eût pas de caractère officiel, elle fit bientôt autorité.
Nous parlerons plus loin des œuvres historiques de Cassiodore : signalons ici quelques chroniqueurs ou biographes moins connus. L’abbé Eugippius, africain d’origine et supérieur, depuis l’an 500, d’un couvent à Naples, a écrit en 511 une Vie de saint Séverin, l’apôtre du Norique († 482), qui est un document de premier ordre et jette une vive lumière sur la situation religieuse et politique de ces contrées au vie siècle. On lui doit encore des Extraits des œuvres de saint Augustin, d’un caractère ascétique et très lus au moyen âge. — Vers 535, un Marcellinus Comes, illyrien, composait une Chronique, allant de 379 à 534 (continuée par une autre main jusqu’en 548), et s’occupant surtout de l’Empire d’Orient. — Elle fut utilisée une quinzaine d’années plus tard par l’historien Jordanès, qui abrégea le livre de Cassiodore Sur les origines et les actes des Gètes, et écrivit un précis d’histoire universelle dont la seconde partie n’est qu’une histoire romaine (De summa temporum vel de origine actibusque gentis Romanorum, 551). — Enfin, entre 581 et 593, un évêque de Lauzanne, Marius, donnait une suite à la chronique de saint Prosper, et y ajoutait des notices de l’an 455 à l’an 581 ; tandis qu’un anonyme de Plaisance écrivait la relation de son pèlerinage en Palestine accompli vers 580 (Itinerarium Antonini ou Anonymi Placentini).
Il y avait cependant une histoire qui, plus que celle des anciens Romains ou des rois goths, devait intéresser l’Église, c’est celle des papes. Un clerc romain d’assez humbles fonctions entreprit de l’écrire sous les pontificats d’Anastase II (496-498) et de Symmaque (498-514), et acheva son travail sous celui de Boniface II (530-532). C’est le Liber pontificalis qui fut, dans la suite, continué par différentes mains jusqu’à Hadrien II († 872) et même plus loin encore. Il se compose de notices distinctes qui mentionnent, pour chaque pape, son origine, l’époque et la durée de son pontificat, ses actes disciplinaires, ses fondations, le nombre des ordinations qu’il a faites, la date et le lieu de sa sépulture, etc. L’autorité de ces renseignements varie naturellement beaucoup suivant les sources où l’auteur a puisé : pour les cinq derniers pontificats, elle est de premier ordre. Quant à la langue de l’ouvrage, c’est la langue populaire du temps : l’auteur n’a évidemment aucune prétention au style cultivé.
Reste à parler des poètes. Il a été déjà question ci-dessus des poésies d’Ennodius. Dans la première partie du vie siècle, nous trouvons un Rusticus Elpidius que l’on identifie parfois avec le diacre médecin de Théodoric. On a de lui un poème en cent quarante-neuf hexamètres Sur les bienfaits de Jésus-Christ, d’un style élégant mais recherché jusqu’à l’obscurité, et vingt-quatre inscriptions de trois vers chacune, destinées à expliquer des tableaux de l’Ancien et du Nouveau Testament qu’elles accompagnaient. — Plus connu est le diacre Arator, ancien avocat et intendant des finances d’Athalaric, protégé d’Ennodius et du pape Vigile. Prenant modèle sur le poète Sedulius, il mit en vers le récit des Actes des apôtres, et son poème, qui comprend deux livres et ensemble deux mille trois cent vingt-six vers, fut, sur le désir des lettrés de Rome, lu publiquement par lui en 544 dans l’église de Saint-Pierre-aux-Liens. C’était beaucoup d’honneur pour une composition qui compte quelques beaux vers, qui présente çà et là quelques passages ayant du mouvement et de la vie, mais où l’histoire est négligée au profit d’un allégorisme outré, et dont l’ensemble est embarrassé et lourd. Arator a laissé de plus une lettre versifiée (cinquante et un distiques) à un de ses amis nommé Parthenius : il lui rappelle leurs études communes en lui envoyant son poème.