C’est l’un des grands principes de la théocratie que tous les pouvoirs résident en Dieu (§ 91). Même quand l’assemblée de l’Éternel délibère, c’est au nom de Dieu qu’elle prend ses décisions. Et, avant tout, Dieu est le législateur, מחק.ֻק, de son peuple (Ésaïe 33.22), bien que ce soit par le ministère de Moïse qu’il ait donné ses statuts à Israël.
Ces lois, dans leur partie fondamentale, sont immuables. L’alliance de l’Éternel avec Israël étant une alliance perpétuelle, les ordonnances qui la règlent et qui l’accompagnent, sont aussi des ordonnances perpétuelles (Exode 12.14, 17 ; 27.21 ; 28.43 et bien d’autres passages). Le Pentateuque ne prévoit pas même le cas d’une modification ou d’une abrogation partielle de la loi. Tout ce qu’il sait (§ 90), c’est que, dans les derniers temps, les dispositions du peuple à l’égard de la loi seront changées. Toutefois, comme pendant le développement de la théocratie le besoin devait se faire souvent sentir de connaître la volonté de Dieu dans telle ou telle circonstance particulière, Dieu y pourvut de deux manières, par l’urim et le thummim, et par le sort.
L’urim et le thummim étaient quelque chose d’analogue à cette figure de pierres précieuses que, d’après Diodore (Bibl. 1.48, 75), et Elien (Var. hist. 4.34), le grand-prêtre égyptien portait suspendu à son cou et qui s’appelait Véritéa. Ces deux pierres précieuses faisaient partie du pectoral ; de là le nom de pectoral du jugement qui est donné à cette importante partie des ornements du souverain sacrificateur (Nombres 27.21 ; Exode 28.30). Le mot de urim indique étymologiquement l’illumination, et celui de thummim la droiture et l’intégrité de la réponse divine (1 Samuel 14.41, thamim).
a – De là sans doute les noms de δήλωσις καὶ ἀλητεία, manifestation et vérité, par lesquelles les Septante rendent Urim et Thummim.
Quant à la question de savoir comment le souverain sacrificateur percevait la volonté de l’Éternel au moyen de ces deux pierres, l’A. T. ne permet pas de la résoudre d’une manière certaine. Trois opinions sont ici en présence : sort, éclat, inspiration. — On pense qu’il résulte de Exode 28.30 ; Lévitique 8.8b, que l’urim et le thummim pouvaient être détachés du pectoral et y être remis, et que c’étaient comme des dés que l’on jetait pour consulter l’Éternel par le sort. On s’appuie aussi sur 1 Samuel 14.41-42, où les Septante ont cru qu’il s’agissait d’une consultation de l’Éternel par l’urim et le thummim « Jetez entre moi et Jonathan ! Dieu d’Israël, réponds quelque chose de thamim, de vrai. » Mais il me semble qu’il est plus naturel de voir ici un simple sort, sans urim et thummim ; c’est pourquoi l’on peut objecter contre cette première opinion qu’il n’est jamais parlé de jeter, הפיל, l’urim et le thummim. — D’après Josèphe et la tradition juive, c’était par l’éclat que rendaient successivement certaines lettres gravées sur les deux pierres, que Dieu faisait connaître sa volonté. — Enfin, Bæhr, Hengstenberg et plusieurs modernes pensent que Dieu répondait par inspiration au souverain sacrificateur en prière. L’urim et le thummim qu’il portait sur son cœur n’étaient que le gage de l’excellence de la réponse obtenue.
b – Cela n’en résulte pas nécessairement. « Mettre l’Urim et le Thummin au pectoral » peut être pris dans un sens analogue à l’expression figurée : « Faire reposer sur quelque chose la bénédiction ou la malédiction. »
D’après la tradition, il n’était pas permis d’avoir recours à cet oracle dans des affaires privées ou de peu d’importance. Il fallait des circonstances où le peuple entier fût intéressé. (Juges 20.27 ; 1 Samuel 23.9 ; 30.7c et sq.) Depuis David il n’est plus question de cette manière de consulter l’Éternel, remplacée peu à peu par la prophétie. Josèphe veut que l’urim et le thummim aient encore fonctionné deux cents ans avant lui. Mais Esdras 2.63, s’y opposed, et la tradition juive est d’accord avec ce passage pour indiquer les années de l’exil comme le temps où ce mystérieux oracle s’est tû pour jamais.
c – Ce dernier passage ne prouve, point le contraire, car alors David était déjà appelé à la royauté.
d – Ce passage a souvent été mal traduit. En voici le vrai sens ; « Le gouverneur leur dit qu’ils ne mangeassent point des choses très saintes jusqu’à l’avènement d’un prêtre pour consulter l’Urim et le Thummim. »
Le sort, employé Nombres 26.55 et sq. ; Jos. ch. 14 ; Josué 7.14 et sq. ; 1 Samuel 10.20 et sq. et peut être 1 Samuel 14.41 et sq., n’est pas la même chose que l’urim. Voyez aussi Proverbes 18.18.
Cependant, à mesure que la prophétie se développe, ces deux moyens de consulter l’Éternel apparaissent toujours plus à l’arrière-plan. Moïse annonce avant sa mort (Deutéronome 18.19) l’envoi de messagers divins qui doivent empêcher qu’un peuple dont le Dieu se dit un Dieu vivant, se trouve jamais sans directions ni lumière. Si les Israélites ont recours aux sciences occultes et à la nécromancie, qui leur sont si sévèrement interdites, il ne faut pas qu’ils puissent s’excuser en alléguant le silence de leur Dieue. Les Israélites ne pouvant supporter les révélations immédiates de l’Éternel, Dieu leur parle par des hommes comme Moïse, qu’il suscite de leur propre sein et dans la bouche desquels il met sa parole. Ce sont les נביאים.
e – Voyez Nombres 23.23, d’après Hengstenberg : « Il n’y a point d’enchantement en Jacob, ni de devins en Israël ; car en temps opportun ce que Dieu fait est révélé à Jacob et à Israël. »