Ainsi le Dieu que le Christ a appelé son père, que la loi et les prophètes ont annoncé, n’est autre que le seul et même Dieu qui ouvre et ferme les cieux comme un livre, qui renouvelle d’un regard la face de la terre ; qui a créé les choses qui sont dans le temps, afin qu’elles servent à l’homme de moyen pour mériter l’immortalité, et qui, dans son inépuisable bonté, donne encore par surcroit à l’homme les biens éternels, « afin de faire connaître, dans les siècles à venir, les richesses abondantes de sa grâce. » C’est lui aussi qui est le souverain créateur de toutes choses, et qui est au-dessus de tout, comme l’atteste Isaïe par ces paroles : « Voilà mon serviteur, dit l’Éternel, je prendrai sa défense, j’ai répandu mon prix sur lui, afin que vous connaissiez, que vous croyiez et que vous compreniez qui je suis. Moi le Seigneur, moi qui suis le premier et le dernier. C’est moi seul qui donne la vie, moi qui ai annoncé le salut et qui l’ai donné ; moi qui suis le premier, et qui suis déjà avant les choses à venir. » Remarquons ici que cette grande vérité est annoncée avec une grandeur pleine de simplicité ; et parce qu’il était impossible de connaître Dieu, sans le secours de Dieu même, il nous fait savoir qu’il a envoyé aux hommes son Verbe pour leur donner cette connaissance. On peut donc dire que c’est à ceux qui ignorent ces choses, et qui, dans leur ignorance, croient pouvoir créer un Dieu de leur invention, que s’adressent ces paroles de l’Évangile : « Vous êtes dans l’erreur, ne sachant ni les Écritures, ni la puissance de Dieu. » Notre Seigneur, qui est en même temps notre maître, a voulu nous montrer, dans cette réponse faite aux sadducéens, qu’en niant la résurrection, ils portaient atteinte au respect qu’on doit à Dieu et à l’observation de la loi, la vérité même de la résurrection, annoncée par Dieu même ; il leur dit donc : « Vous êtes dans l’erreur, ne sachant ni les Écritures, ni la puissance de Dieu. Et pour ce qui est de la résurrection des morts, n’avez-vous point lu les paroles que Dieu a dites : Je suis le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Et il ajoute : « Or, Dieu n’est point le Dieu des morts, mais des vivants ; » car tous vivent en Dieu. Le Christ a donc annoncé par-là que le même Dieu dont la voix s’est fait entendre à Moïse auprès du buisson ardent, et qui a dit aux Israélites qu’il était le Dieu de leurs pères, celui-là est le Dieu des vivants. Quel autre, en effet, que le Dieu, qui est au-dessus de toutes choses, pourrait être le Dieu des vivants ? C’est lui encore que le prophète Daniel a annoncé, lorsque, sur la demande de Cyrus, roi de Perse, « pourquoi il n’adorait pas le Dieu Bel, il répondit : Parce que je n’adore aucune idole faite de main d’homme, mais le Dieu vivant, qui a créé le ciel et la terre et qui est le souverain maître de toute chair. » Il ajoute encore : « J’adorerai le Seigneur mon Dieu, parce qu’il est le Dieu vivant. » Ainsi, ce Dieu vivant, que les prophètes adoraient, était donc bien réellement le Dieu des vivants, et son Verbe dont la voix s’est fait entendre à Moïse, était donc bien le même Verbe qui a réprimandé les sadducéens, qui a ressuscité les morts ; il se montre donc ainsi à nous sous un double rapport, c’est-à-dire comme Dieu des vivants et des morts. Il a été appelé le Dieu des morts, c’est-à-dire le Dieu de nos pères qui dormaient dans le tombeau, mais qu’il a rappelés à lui, et qui vivent en Dieu comme enfants de la résurrection. Le Seigneur est lui-même la résurrection, comme il le dit dans l’évangile de saint Jean : « Je suis la résurrection et la vie. » Nos pères sont ses enfants ; car le prophète a dit : « Pour vous, ô épouse, à la place de vos pères, il vous est né des enfants. » Ainsi le Christ, uni au Père des vivants, est le Dieu qui a parlé à Moise et qui s’est révélé à nos pères.
D’ailleurs, le Christ lui-même n’a-t-il pas enseigné cette vérité, quand il disait aux Juifs : « Abraham, votre père a tressailli de joie en voyant mon jour ; il l’a vu et s’en est réjoui ? » En effet, que dit l’Écriture ? « Abraham crut à la parole de Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice. » Il crut pour deux raisons : la première, parce que son Dieu est le seul Dieu, créateur du ciel et de la terre ; ensuite, parce qu’il lui avait promis de lui donner une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel. C’est ce que saint Paul exprime, quand il dit : Vous brillez comme des astres dans le monde. C’est là ce qui donnait à Abraham cette foi vive qui lui fit quitter sa terre natale pour obéir à la voix secrète de Dieu et à son Verbe, et pour s’établir dans la terre étrangère.
Les apôtres, qui étaient de la postérité d’Abraham, imitèrent aussi sa conduite, puisqu’ils quittèrent leur barque de pécheurs et leur famille pour suivre le Christ, le Verbe de Dieu. Nous devons donc aussi, nous qui avons la même foi, imiter leur exemple, porter notre croix comme Isaac porta le bois qui devait servir à son immolation, pour suivre notre Seigneur Jésus-Christ. Abraham a eu pour mission de donner à l’homme chrétien l’exemple de suivre le Verbe. Abraham, en effet, n’écoutant que sa foi pour obéir à l’ordre de Dieu, se soumettait sans murmure à sa volonté, et se disposait à lui immoler son fils unique ; afin que cet acte de soumission étant agréable à Dieu, il se décidât à donner en sacrifice son Fils unique pour la rédemption du genre humain.
Abraham fut comblé d’une grande joie, parce qu’étant doué du don de prophétie, il avait vu en esprit la venue du Christ sur la terre, et toutes les circonstances de la passion qu’il devait souffrir pour le salut de tous ceux qui croiraient en lui, tant sous l’ancienne que sous la nouvelle loi. Abraham connaissait ce Seigneur, ce Dieu dont il souhaitait avec tant d’ardeur de voir le jour ; il connaissait aussi son Verbe ; aussi il eut la foi, et c’est pourquoi sa foi lui fut imputée à justice ; car la foi qui monte jusqu’au Très-Haut justifie l’homme. C’est pourquoi Abraham disait : « Je lève ma main vers le Seigneur Dieu, souverain possesseur du ciel et de la terre. » Voilà toutes les autorités que nos adversaires, dans un esprit d’impiété, voudraient renverser à l’occasion d’un seul mot qu’ils n’ont pas même compris.