Ἀστεῖος se compte deux fois dans le N.T. (Actes 7.20 ; Hébreux 11.23) et dans les deux cas cet adjectif s’applique à Moïse ; sauvé des eaux (Exode 2.2), la Septante rend l’hébreu טוֹב par ce mot. Le τῷ Θεῷ que Actes 7.20 ajoute à ἀστεῖος a dérouté bien des interprètes, comme le montre la variété de leurs traductions. J’en citerai quelques-unes : gratus Deo (Vulgate), loved of God (Wycleff), a proper child in the sight of God (Tyndale) ; acceptable unto God (Cranmer, Genève, et Rheims) ; exceeding fair (Authorized Version) ; cette dernière version qui fait de τῷ Θεῷ une emphase sur la qualité de l’objet est certainement la plus proche de la vraie signification ; voyez une expression semblable Jonas 3.3 : πόλις μεγάλη τῷ Θεῷ.
La racine ἄστυ de laquelle dérive ἀστεῖος nous donne l’origine et explique les variations successives du mot. Tout d’abord est ἀστεῖος celui qui est né, ou du moins a été élevé dans la cité ; il est urbain au sens propre et au figuré : ses relations avec ses semblables sont policées et charmantes ; ἀστεῖος revêt ici un certain caractère éthique, quoique peu profond ; il est en contraste avec ἀγροῖκος, le rustre, le vilain, le manant. Dans un passage significatif de Xénophon (Cyrop 2.2, 12) les ἀστεῖοι sont décrits comme étant aussi εὐχάριτες, c-à-d amènes, gracieux. Ensuite, il est naturel de supposer que la bonne éducation acquise à la ville se reflète dans le vêtement et l’aspect de la personne, ἀστεῖος acquiert donc ici le sens d’agréable à voir. Plutarque (Gen. Socr.) fait ainsi contraster ἀστεῖος avec αἰσχρος (le laid, le honteux) ; de même Judith est dite ἀστεῖα (Judith 11.23) ; une idée semblable vaut pour le εὐπρόσωπος à propos de Sarah (Genèse 12.11).
Ὡραῖος se rencontre souvent dans la Septante, où il traduit une grande variété de mots hébreux. Il n’est que quatre fois dans le N.T. (Matthieu 23.27 ; Actes 3.2, 10 ; Romains 10.15). Comment a-t-il acquis le sens de beau ? Tout ce qui vit ici-bas, soumis aux lois de la croissance puis du déclin, connaît son heure d’apogée, son ὥρα, le moment où il atteint son maximum de grâce et de beauté. Cette ὥρα rend compte du ὡραῖος qui signifie alors au bon moment : ὡραῖος θάνατος, une mort bienvenue car honorable, dit Xenophon (Ages. 10.3) ; et donc par suite, une belle mort.
Ἀστεῖος et ὡραῖος arrivent tous deux au même effet, communiquer l’idée du beau, du plaisant à la vue, mais par deux routes différentes. Dans ἀστεῖος la notion d’élégance, de symétrie, est inhérente au mot ; ἀστεῖος propose à notre admiration quelque chose de petit. Ainsi Aristote remarque (Eth. Nic. 4.3, 5) que les personnes de petite stature (οἱ μικροί) peuvent être ἀστεῖοι et σύμμετροι, mais il leur refuse le titre de καλοί. Ὡραῖος, comme nous l’avons vu est différent, il souligne l’aspect éphémère de la beauté des choses de ce monde, qui comme la fleur ont chacune leur heure de gloire, et puis périssent.
Καλός met surtout l’accent sur la beauté morale, mais ici nous ne le comparons à ὡραῖος que par rapport à ce qu’il exprime de la beauté physique. Καλός pense-t-on provient de la même racine que l’allemand heil et l’anglais whole ; c’est la beauté envisagée dans ce qui frappait le plus l’esprit grec, à savoir l’harmonie, la perfection des proportion, l’équilibre, la mesure. Basile de Césarée, dans son homélie sur le Psaume 44, signale très bien la différence entre ὡραῖος et Καλός : Τὸ ὡραῖον τοῦ καλοῦ διαφέρει. ὅτι τὸ μὲν ὡραῖον λέγεται τὸ συμπεπληρωμένον εἰς τὸν ἐπιτήδειον καιρὸν πρὸς τὴν οἰκείαν ἀκμήν. ὡς ὡραῖος ὁ καρπὸς τῆς ἀμπέλου ὁ τὴν οἰκείαν πέψιν εἰς τελείωσιν ἑαυτοῦ διὰ τῆς τοῦ ἔτους ὥρας ἀπολαβών καὶ ἐπιτήδειος εἰς ἀπόλαυσιν. καλὸν δέ ἐστι τὸ ἐν τῇ συνθέσει τῶν μελῶν εὐάρμοστον ἐπανθοῦσαν αὐτῷ τὴν χάριν ἔχον :
La perfection (ὡραῖος) n’est pas la même chose que la beauté; car on appelle parfait (καλός) ce qui est achevé en son temps, ce qui a atteint son développement naturel. Ainsi le blé est parfait lorsqu’il est déjà mûr en été; le fruit de la vigne est parfait aussi lorsque, cuit à point par le soleil et ayant pris en automne toute sa maturité, il est devenu bon à manger. La beauté au contraire est cette belle harmonie qui règne dans la disposition des parties et qui montre, pour ainsi dire, dans ses charmantes proportions, la grâce épanouieb.
b – Édition de M. Roustan, 1846.