On a prétendu que la tente des nomades, qui se compose aussi de trois parties, a été le modèle primitif du tabernacle de Moïse. Mais cette interprétation vient d’emblée échouer contre un fait : Chez les Arabes, la seconde pièce est la principale, tandis que dans le tabernacle, c’est la troisième qui est de beaucoup la plus importante, tout en étant la plus petite. A d’autres égards encore il y a une gradation facile à remarquer entre les trois parties du sanctuaire mosaïque ; ainsi le parvis est ouvert à tous les Israélites ; les prêtres seuls osent entrer dans le lieu saint ; le lieu très saint n’est accessible qu’au souverain sacrificateur, et cela une seule fois dans l’année ; ainsi encore le parvis est à ciel ouvert, le lieu saint est obscur de soi-même, mais éclairé ; le lieu très saint est tout à fait obscur.
Josèphe (Ant. 3.6, 4) et Philon ont vu dans le tabernacle une image de l’univers. Bæhr, dans sa Symbolique du culte mosaïque, a repris cette idée et l’a développée d’une manière fort intéressante ; le lieu très saint et le lieu saint représentent le ciel ; le parvis, la terre. Mais, chose digne de remarque, le tabernacle aux yeux de la Bible est un lieu où Dieu entre en relation avec le peuple théocratique uniquement. Il n’est jamais parlé, à propos du sanctuaire, du Dieu de l’univers, mais toujours du Dieu d’Israël. La forme quadrangulaire de tout l’édifice n’implique point nécessairement qu’il doive représenter le monde, et quant au rapport incontestable qu’il y a entre le lieu très saint et le ciel, nous verrons bientôt dans quel sens il convient d’en parler. Non ! le tabernacle est véritablement le tabernacle d’assignation, la tente du rendez-vous. Dieu et le peuple s’y rencontrent, ou, plus exactement, c’est la demeure de Dieu, l’habitation qu’il s’est préparée au sein de son peuple et dans laquelle celui-ci peut l’aborder. L’idée essentielle du tabernacle, celle à laquelle il donne pour ainsi dire un corps, c’est que Dieu habite en Israël. C’est une tente, parce que le peuple dans le désert vit sous des tentes ; Dieu veut se mettre sur le même pied que lui ; Dieu l’accompagne dans ses pérégrinations (2 Samuel 7.6). Comme toutefois le peuple est souillé par le péché, il ne peut pas s’approcher immédiatement de son Dieu ; il y a un parvis et il y a des prêtres. Et comme ces prêtres eux-mêmes ne sont pas en état d’établir une communion parfaite entre le peuple et Dieu (Hébreux 9.8), la demeure de l’Éternel est divisée en deux parties, dont l’une, le lieu très saint, montre que Dieu, tout en se révélant, demeure pourtant, sous un certain rapport, caché, inaccessible (1 Rois 8.12), et dont l’autre, le lieu saint, est assigné aux prêtres, pour qu’ils y accomplissent leur ministère de médiation entre Israël et l’Éternel. Ce qui permet de comparer le sanctuaire au ciel, c’est le fait que tous deux sont la demeure de l’Éternel (§ 62). Il n’est même peut-être pas tout à fait impossible que la distinction que fait quelquefois l’A. T. entre les cieux et le ciel des cieux réponde à celle du lieu saint et du lieu très saint, qui s’appellent en hébreu le Saint et le Saint des Saints. On a cité à l’appui Exode 25.9, 40 : « Ils me feront un sanctuaire selon tout ce que je vais te montrer. Regarde donc et fais selon le modèle qui t’a été montré sur la montagne », et Hébreux 8.5 : « Le service lévitique est une ombre des choses célestes. » Mais Dieu a fort bien pu montrer à Moïse sur la montagne le modèle du sanctuaire et des ustensiles du culte, sans qu’il en résulte nécessairement que le tabernacle soit la copie d’un original existant dans le ciel ; cela veut dire simplement que le tabernacle est destiné à rendre palpables les idées qui sont à la base de la révélation. [Puis, dans la demeure céleste, c’est la majesté, dans le sanctuaire terrestre, c’est la grâce de Dieu, qui demeure et qui se donne à connaître.]