Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE IX

CHAPITRE IV
Joram de Juda succède à Josaphat son père ; cycle d'Élisée : miracle de l'huile de la femme de l'intendant d'Achab ; message envoyé à Joram d'Israël pour déjouer un attentat à son encontre fomenté par des Syriens ; lors du siège de Samarie par les Syriens, il annonce la fin de la famine et la profusion de vivres ; il prédit la mort d'Adad le Syrien et les méfaits d'Azaël, son meurtrier et successeur, sur le peuple israélite.

Joram succède à Josaphat dans Juda.

1.[1] Josaphat laissa nombre d’enfants et désigna pour son successeur l’aîné, Joram, qui avait le même nom que le père de sa femme, le roi des Israélites, fils d’Achab. De retour de la Moabitide à Samarie, le roi des Israélites emmenait avec lui le prophète Élisée, dont je veux relater les actions, qui sont éclatantes et mémorables, telles que nous en avons pris connaissance dans les Saints Livres.

[1] I Rois, XXII, 51 ; II Chroniques, XXI, 1.

Élisée et la femme d’Obadias.

2.[2] On rapporte que la femme d’Obédias[3], intendant d’Achab, vint dire à Élisée : « Tu n’ignores pas que mon mari a préservé les prophètes, voués à la mort par Jézabel, femme d’Achab[4] ». Elle affirmait, en effet, qu’il en avait caché cent et les avait nourris à l’aide d’argent emprunté ; mais, à la suite de la mort de son mari, les créanciers l’emmenaient maintenant, elle et ses enfants, en servitude. Elle le suppliait donc, en mémoire de cette bonne œuvre de son mari, d’avoir pitié et de lui procurer quelque assistance. Comme Élisée lui demandait ce qui lui restait à la maison, elle répondit qu’elle ne possédait que fort peu d’huile dans une petite cruche. Le prophète l’engagea à emprunter beaucoup de vases vides à ses voisins et, après avoir fermé les portes de sa chambre, à verser dans tous ces vases de son huile : Dieu ferait en sorte de les remplir. La femme obéit et ordonna à ses enfants de lui apporter successivement tous ces vases ; après que tous furent remplis sans qu’un seul restât vide, elle court en informer le prophète. Celui-ci lui conseille d’aller vendre son huile et de payer ainsi ses dettes à ses créanciers ; il lui resterait même quelque bénéfice du prix de l’huile, qu’elle emploierait à nourrir ses enfants. C’est ainsi qu’Élisée délivra cette femme de ses dettes et la sauva de la violence des créanciers.

[2] II Rois, IV, 1.

[3] La Bible ne désigne pas cette femme comme la veuve d’Obadia (cf. livre VIII), mais comme la veuve d’un disciple des prophètes. Josèphe suit une tradition qui se retrouve dans l’aggada. Cf. Yalkout, II, n° 228 : Rabbi Manis disait : « Sans le mérite de la femme d’Obadia, les Israélites étaient perdus. »

[4] La Bible : tu sais que ton serviteur révérait le Seigneur.

Élisée dénonce à Joram d’Israël une embuscade syrienne ; il emmène à Samarie les envoyés syriens chargés de le prendre ; il les fait épargner par Joram.

3.[5] .... Élisée dépêcha en toute hâte un message à Joram pour l’avertir d’avoir à se méfier de ce lieu, où se trouvaient des Syriens embusqués pour le tuer. Le roi, obéissant au prophète, s’abstint d’aller à la chasse[6]. Quant à Ader (Adad)[7], qui avait échoué dans son guet-apens, il s’imagina que c’étaient ses propres gens qui avaient dénoncé ses embûches à Joram ; furieux, il les mande, les accuse d’avoir trahi ses secrets et les menace de mort pour avoir révélé à l’ennemi le dessein qu’il n’avait confié qu’à eux seuls. Mais l’un des assistants le prévint de ne point émettre de jugement précipité ; au lieu de les suspecter d’avoir dénoncé à son ennemi l’envoi des hommes chargés de le tuer, il devait savoir que c’était le prophète Élisée qui renseignait celui-ci sur tout et lui révélait les desseins de son adversaire. Alors il envoya des messagers avec ordre de rechercher dans quelle ville demeurait Élisée. Les envoyés revinrent l’informer qu’il se tenait à Dothaïm[8]. En conséquence, Ader envoie vers cette ville une forte troupe de cavaliers et de chars pour se saisir d’Élisée. Ceux-ci, de nuit, cernèrent la ville et la tinrent sous bonne garde. Or, quand, à l’aurore, le serviteur du prophète apprit la chose et que les ennemis cherchaient à le prendre, il l’en avertit en accourant vers lui avec des cris et des gestes désordonnés. Mais le prophète exhorta son serviteur à ne rien craindre et il pria Dieu, dont le secours escompté lui ôtait toute frayeur, de révéler autant que possible sa puissance et sa présence au serviteur, pour qu’il prit bon espoir et confiance. Dieu, exauçant les prières du prophète, fait voir à son serviteur une nuée de cavaliers et de chars entourant Élisée, de manière qu’il bannit toute crainte et se rassurât au spectacle de ces secours présumés. Puis Élisée supplie Dieu d’aveugler les yeux des ennemis en les voilant d’un brouillard qui les empêchât de le reconnaître. Le phénomène s’étant réalisé, il s’avança au milieu des ennemis et leur demanda qui ils étaient venus chercher. Ceux-ci ayant répliqué « c’est le prophète Élisée ! » il promit de le leur livrer, s’ils l’accompagnaient dans la ville où celui-ci se trouvait. Et ils suivirent avec empressement le prophète qui les guidait, car ils avaient les yeux et l’esprit obscurcis par Dieu. Élisée, les ayant amenés à Samarie, ordonna au roi Joram de fermer les portes et de faire cerner les Syriens par ses propres troupes, puis il pria Dieu d’éclairer les yeux des ennemis et de dissiper le brouillard qui les enveloppait. Ceux-ci, tirés de leur aveuglement, se virent au milieu de leurs ennemis. Les Syriens furent, on le conçoit, saisis d’une consternation et d’un désarroi terribles dans une situation si étonnante et si invraisemblable. Le roi Joram demanda au prophète s’il voulait qu’on les perçât de flèches, mais Élisée s’y opposa ; il déclara qu’on n’avait le droit de mettre à mort que des prisonniers faits de bonne guerre ; or, ceux-ci n’avaient causé aucun dommage au pays de Joram, ils étaient venus chez lui à leur insu, poussés par une force divine. Il lui conseilla donc de leur offrir l’hospitalité et de les admettre à sa table, puis de les congédier sains et saufs. Joram, obéissant au prophète, traita les Syriens avec magnificence, les combla d’honneurs, puis les renvoya à leur roi Ader.

[5] II Rois, VI, 9. Il y a ici une lacune correspondant au récit biblique qui va de II Rois, IV, 8 à VI, 8 (épisodes de la Sunamite, du potage, des pains, de la lèpre de Naaman, du fer tombé à l’eau et le début de l’épisode raconté ici qui commence au verset 8 : « Le roi de Syrie était en guerre avec Israël. Après s’être consulté avec ses officiers, il dit : J’établirai mon camp en tel et tel endroit. »)

[6] Il n’est pas question d’une partie de chasse dans la Bible.

[7] Comme LXX ; hébreu : le roi de Syrie, plus loin (v. 24), Ben Hadad.

[8] Comme LXX ; Hébreu : Dôthan.

Siège de Samarie par les Syriens ; grande famine ; supplications d’une femme ; colère de Joram contre Élisée ; Élisée prédit l’abondance prochaine ; incrédulité d’un officier ; prédiction d’Élisée contre lui.

4.[9] Quand à leur retour, ils lui racontèrent ce qui s’était passé, Ader admira l’étrangeté de l’aventure, la manifestation et la puissance du Dieu des Israélites, l’assistance si claire prêtée par la Divinité au prophète ; il résolut donc de renoncer à toute entreprise clandestine contre le roi des Israélites, par peur d’Élisée, mais se décida pour une guerre ouverte[10], pensant avoir raison de ses ennemis grâce au nombre et à la valeur de ses troupes. Il marche donc avec de grandes forces contre Joram, qui, ne se jugeant pas de taille à lutter contre les Syriens, s’enferme dans Samarie, comptant sur la solidité de ses remparts. Ader estima que, faute de s’emparer de la ville par des machines, il pourrait du moins réduire les Samaritains par la famine et la pénurie des vivres nécessaires : il s’approche donc et met le siège devant Samarie. Les vivres manquèrent à ce point à Joram, la disette fut si excessive qu’une tête d’âne se vendait à Samarie quatre-vingts pièces d’argent et que les Hébreux achetaient pour cinq pièces d’argent un setier[11] de fiente de pigeon en guise de sel[12]. De plus, Joram craignait que la famine ne poussât quelqu’un à livrer la ville aux ennemis : aussi parcourait-il lui-même chaque jour les murailles et les postes, regardant s’il ne s’y était dissimulé personne et empêchant par ses visites et sa surveillance toute velléité et tout acte de ce genre, à supposer qu’on eût déjà eu le temps de former pareil dessein[13]. Il arriva qu’une femme s’écria sur son chemin : « Seigneur, pitié ! » S’imaginant que c’était pour réclamer à manger, Joram, irrité, invoqua la colère de Dieu contre elle et protesta qu’il n’avait ni grange, ni pressoir d’où il pût rien tirer pour remédier à son dénuement. La femme répondit qu’elle n’avait besoin de rien de pareil, et qu’elle ne l’importunait pas pour obtenir de quoi manger ; elle voulait seulement que le roi jugeât son différend avec une autre femme. Le roi l’invita à parler et à l’instruire de l’objet de sa requête. Alors elle raconta ce dont elle était convenu avec l’autre femme, sa voisine et son amie : « nous devions, dit-elle, vu cette famine et cette pénurie sans remède, immoler nos enfants, — nous avons chacune un enfant mâle, — et nous en nourrir mutuellement, un jour chacun, à tour de rôle. C’est moi qui ai commencé : j’ai égorgé le mien, et hier nous nous en sommes nourries toutes les deux ; mais elle ne veut pas en faire autant ; elle viole nos conventions et elle a dérobé son fils à tous les regards. » Joram, en entendant ce récit, fut profondément affligé : il déchira ses vêtements et poussa de grands cris, puis, rempli de colère contre le prophète Élisée, résolut de le faire périr parce qu’il négligeait d’implorer de Dieu un remède et un refuge contre les maux qui les accablaient. Et il dépêcha aussitôt un homme pour aller lui trancher la tête. Cependant, tandis que l’homme partait en hâte pour exécuter cet ordre, le prophète avait pressenti la colère du roi : assis dans sa maison avec ses disciples, il leur annonça que Joram, le fils du meurtrier, envoyait quelqu’un chargé de lui trancher la tête. « Pour vous, dit-il, quand paraîtra l’exécuteur, vous veillerez à ce qu’il n’entre pas, vous tiendrez la porte bien fermée et le retiendrez[14] ; car il sera bientôt suivi du roi, qui accourra chez moi, s’étant ravisé. » Ses disciples se conformèrent à ses instructions, lorsque vint l’homme chargé par le roi de tuer Élisée. Cependant, Joram s’était repenti de sa colère contre le prophète, et dans la crainte qu’il n’eût déjà été mis à mort par son messager, se hâtait pour empêcher ce meurtre de s’accomplir et pour sauver le prophète. Arrivé chez celui-ci, il lui reprocha de les laisser ainsi accabler sous les maux présents au lieu de supplier Dieu de les en délivrer. Élisée[15] promet que le lendemain, à la même heure où le roi était venu chez lui, il y aurait profusion de vivres, qu’on vendrait au marché deux satons[16] d’orge pour un sicle et qu’on achèterait pour un sicle un saton de fine farine. Ces paroles rendirent la joie à Joram et aux assistants : car ils n’hésitèrent pas à croire le prophète, après les preuves qu’ils avaient déjà eues de sa véracité ; l’attente d’un heureux lendemain leur rendait plus légères leur privation et leur détresse présentes. Mais le commandant du tiers de ses troupes[17] (?), un ami du roi qui se tenait à ce moment appuyé sur lui, s’écria : « Ce que tu annonces, prophète, est incroyable. Et de même qu’il est impossible que Dieu déverse du ciel des cataractes d’orge ou de fine farine, ainsi il n’y a pas moyen que ce que tu viens de dire se réalise. » alors le prophète lui répondit : « Tu verras tout cela s’accomplir de la sorte, mais tu n’auras aucune part à ces événements. »

[9] II Rois, VI, 24.

[10] D’après le verset 23, les Syriens renoncent à leurs incursions au pays d’Israël ; mais, d’après le v. 24, Ben Hadad, roi de Syrie, vient faire le siège de Samarie. Josèphe, comme on voit, élimine la contradiction par cette distinction ajoutée au récit biblique. En réalité, ces deux épisodes bibliques étaient, sans doute, séparés par un long intervalle.

[11] Bible : ¼ de kab.

[12] Addition explicative de Josèphe.

[13] La Bible dit seulement que Joram passait sur les remparts quand une femme, etc.

[14] Pour rendre les mots hébreux, les LXX mettent παραθλίψατε αύτόν έν τή θύρα. Josèphe emploie presque le même mot : προσαxοθλέψατε.

[15] II Rois, VII, 1.

[16] Bible : deux mesures ; le saton, comme il est dit plus loin (fin du § suivant), vaut un muids ½ (ou 24 setters).

[17] Le mot hébreu, qu’on traduit généralement par capitaine, officier. La traduction de Josèphe est inspirée des LXX : τριστάτης, qu’on interprète aussi par « le troisième personnage assis sur un char ».

Entrée des lépreux dans le camp syrien abandonné ; Joram y envoie des cavaliers en éclaireurs ; pillage du camp, mort de l’officier.

5.[18] Or, voici comment se réalisèrent les prédictions d’Élisée. La loi voulait à Samarie que les gens affligés de la lèpre et qui n’avaient pas le corps purifié de cette maladie demeurassent hors de la ville. Quatre individus, que leur lèpre obligeait ainsi à demeurer devant les portes, n’ayant plus personne pour leur apporter à manger, tant la famine était grande, et se voyant l’accès de la ville interdit par la loi, réfléchirent que, même admis, ils périraient misérablement de faim, et qu’ils auraient d’ailleurs le même sort en restant où ils étaient, faute de nourriture ; ils décidèrent donc de se rendre aux ennemis : ou on les épargnerait et ils vivraient, ou en les mettrait à mort, et ils auraient une fin plus douce. Cette résolution prise, ils pénétrèrent de nuit dans le camp ennemi. Or, Dieu avait déjà commencé d’inquiéter et de troubler les Syriens, de remplir leurs oreilles du fracas des chars et des chevaux, comme si une armée marchait contre eux et, de plus en plus, il semait l’alarme dans leurs rangs. Bref, ils furent tellement troublés par cette inquiétude qu’ils quittèrent leurs tentes et accoururent chez Ader, s’écriant que Joram, le roi des Israélites, avait acheté le concours du roi des Égyptiens et de celui des Îles[19] et marchait contre eux ; déjà ils percevaient le bruit de leur approche. Ces paroles trouvèrent créance chez Ader, à qui déjà aussi les oreilles tintaient ainsi qu’à la foule. Et tous prirent la fuite en plein désordre et désarroi, après avoir abandonné dans le camp chevaux et bêtes de somme et d’immenses richesses. Quant aux lépreux qui étaient montés de Samarie au camp des Syriens, et dont nous avons parlé un peu plus haut, quand ils s’aperçurent, en parvenant au camp, qu’il y régnait un calme et un silence parfaits, ils y pénétrèrent et se précipitèrent dans une tente sans y voir âme qui vive ; alors ils mangèrent et burent, prirent des vêtements et quantité d’or, qu’ils portèrent hors du camp et cachèrent. Ils entrèrent ensuite dans une autre tente, dont ils déménagèrent également le contenu. Et ils répétèrent l’opération quatre fois[20], sans rencontrer personne. Conjecturant dès lors que les ennemis s’étaient retirés, ils se reprochèrent de ne pas aller annoncer ces faits à Joram et à leurs concitoyens. Ils se rapprochent donc des remparts de Samarie, appellent les gardes à grands cris et les avisent de ce qui se passe chez les ennemis. Ceux-ci en informèrent les gardes du roi. Instruit par eux, Joram mande ses amis et les chefs, à qui il déclara à leur arrivée qu’il soupçonnait un piège et une feinte dans la retraite du roi des Syriens : « sans doute, désespérant de nous détruire par la famine, il espère qu’à la faveur de leur prétendue fuite nous sortirons pour piller leur camp, et alors il tombera sur nous à l’improviste et nous taillera en pièces, puis prendra la ville sans coup férir. C’est pourquoi je vous conseille de bien veiller, et de n’en pas sortir du tout, trop confiants dans la retraite des ennemis ». Un des assistants déclara que ces soupçons étaient très justes et très avisés, mais conseilla cependant d’envoyer deux cavaliers[21] pour explorer toute la région jusqu’au Jourdain ; s’ils périssaient, surpris par les ennemis en embuscade, leur mort permettrait à l’armée de se garder d’un sort semblable en évitant une sortie téméraire : « Tu ajouteras ces cavaliers, dit-il, au nombre de ceux qui sont morts de faim, s’ils sont pris par les ennemis et viennent à périr. » Approuvant cet avis, Joram commanda alors les éclaireurs. Ceux-ci rapportèrent que le chemin qu’ils parcoururent était évacué par les ennemis, mais qu’ils l’avaient trouvé plein de vivres et d’armes que ceux-ci avaient abandonnés en les jetant afin de s’alléger dans leur fuite. A cette nouvelle, le roi lança le peuple au pillage des objets contenus dans le camp. Le butin ne fut ni de qualité ni de quantité médiocre ; ils prirent beaucoup d’or et d’argent, des troupeaux de bêtes de toutes sortes ; en outre, ils tombèrent sur une quantité énorme de froment et d’orge qu’ils n’eussent point espérée même en songe. Ainsi ils furent délivrés, d’une part, de leurs maux antérieurs, et de l’autre, l’abondance de leurs ressources leur permit d’acheter deux satons d’orge pour un sicle et une mesure de fine farine pour un sicle, selon la prophétie d’Élisée. Le saton vaut un muids italique et demi. Seul ne put acheter de ces bonnes choses le commandant du tiers de l’armée, car le roi l’avait placé à la porte, afin de contenir l’élan excessif de la foule et d’empêcher les gens, en se pressant mutuellement, d’être foulés aux pieds et de périr ; or, il subit lui-même ce sort et mourut ainsi, selon la fin que lui avait annoncée Élisée, lorsque seul il avait refusé d’ajouter foi à sa prédiction d’une prochaine abondance de vivres.

[18] II Rois, VII, 3.

[19] Bible : le roi des Hittites ; LXX : τών Χετταίων. Josèphe a cru sans doute que ce Χετταίων correspond à l’hébreu.

[20] Ce détail n’est pas dans la Bible.

[21] Bible (v. 13) : « qu’on prenne cinq des chevaux, etc. » V. 14 : « on prit deux chars attelés de chevaux ».

Maladie d’Adad à Damas ; il envoie Azaël consulter Élisée ; prédiction d’Élisée ; Azaël succède à Adad.

6.[22] Le roi des Syriens, Ader, s’étant sauvé à Damas et ayant compris que s’était la Divinité qui l’avait plongé, lui et toute son armée, dans cette terreur et cette panique, sans nulle intervention d’ennemis, fut si affligé de se sentir haï de Dieu qu’il tomba malade. Comme, à ce moment-là, le prophète Élisée avait transporté son domicile à Damas, Ader l’apprit et dépêcha le plus fidèle de ses serviteurs[23], Azaël, pour s’aboucher avec lui et lui apporter des présents, avec ordre de le consulter sur sa maladie et de lui demander s’il échapperait au danger. Azaël, suivi de quarante chameaux qui portaient en présents les objets les plus beaux et les plus précieux qu’on avait pu trouver à Damas et dans le palais royal, se rendit auprès d’Élisée et, l’ayant interpellé avec affabilité, lui dit qu’il était envoyé par le roi Ader pour lui apporter des présents et lui demander s’il se remettrait de sa maladie. Le prophète pria Azaël de ne rien annoncer de fâcheux au roi, mais lui dit en confiance que celui-ci mourrait. Le serviteur du roi fut affligé de ces paroles[24]. Élisée, de son côté, gémissait et répandait d’abondantes larmes, prévoyant les maux que le peuple allait souffrir après la mort du roi. Azaël lui ayant demandé la raison de son trouble : « Je pleure, dit-il, parce que j’ai pitié des maux que le peuple israélite souffrira par toi. Car tu mettras à mort les meilleurs d’entre eux, tu incendieras leurs villes les plus fortes, tu écraseras leurs enfants contre des pierres, et tu éventreras les femmes enceintes ». Alors Azaël : « Mais quelle force si grande m’est-il donc donné de posséder pour accomplir de pareilles choses ? » Le prophète répondit que Dieu lui avait révélé qu’Azaël régnerait sur la Syrie. Azaël, revenu chez Ader, lui donna les meilleures nouvelles au sujet de sa maladie, mais le lendemain, ayant jeté sur lui un filet[25] humide, il le tua en l’étranglant. Il s’empara ensuite du pouvoir ; c’était un homme d’action, ayant toute la faveur des Syriens et du peuple de Damas, par lequel, jusqu’aujourd’hui, et Ader et Azaël qui gouverna après lui sont révérés comme des dieux pour leurs bienfaits et les constructions de temples dont ils ont orné la ville des Damascéniens. Ceux-ci célèbrent une procession quotidienne en l’honneur de ces rois, dont ils vantent l’antiquité, sans savoir que leurs règnes sont, en réalité, récents et ne remontent pas à onze cents ans. Quant au roi des Israélites, Joram, à la nouvelle de la mort d’Ader, il respira, délivré des terreurs et de la crainte que celui-ci lui inspirait, tout heureux d’avoir obtenu la paix[26].

[22] II Rois, VIII, 7. La Bible raconte la maladie du roi de Syrie sans la rattacher à son désastre. Les versets 1-7 concernent la Sunamite. Josèphe n’en parle pas.

[23] La Bible ne définit pas la situation d’Azaël.

[24] Josèphe paraît appliquer à Azaël les premiers mots du verset VIII, 11, qui, d’après la plupart des interprètes, viseraient Élisée.

[25] L’hébreu qu’on traduit généralement par couverture ; LXX transcrit τό μαχβάρ. Josèphe traduit le mot comme l’hébreu de l’Exode.

[26] Les renseignements donnés ici sont du fait de Josèphe. Il n’est pas du tout certain que les rois-dieux Ader (Adad) et Azaël, en l’honneur de qui les gens de Damas célébraient leurs fêtes, doivent être identifiés aux rois historiques dont il vient d’être question. Justin (XXXVI, 2) connaît à Damas deux rois mythiques, Azetus et Adores, antérieurs à Abraham. Hadad est, d’ailleurs, un dieu solaire syrien, et les rois s’appelaient probablement Ben-Hadad ou Hadad-Ezer. Enfin, la durée de 1100 ans indiquée par Josèphe est excessive : les événements rapportés se plaçant vers 850 av. J.-C., « moins de mille ans » serait plus juste. (T. R.)

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant