Le décalogue va devenir en passant un exemple de cette interprétation mystique ; que le nombre Dix soit sacré, j’estime superflu de le dire, pour le moment. S’il est vrai que les tables écrites soient l’ouvrage de Dieu, nul doute qu’elles ne désignent la création de l’univers. Par le doigt de Dieu, on entend la puissance qui forma le ciel et la terre ; les tables de la loi seront le symbole de l’un et de l’autre. En effet, les caractères tracés par Dieu sur la table qui les reçoit représentent la création du monde. Or le Décalogue, par une sorte d’image du ciel, renferme le soleil et la lune, les astres et les nuages, la lumière, le vent, l’eau, l’air, les ténèbres, le feu. Voilà le Décalogue naturel du ciel. L’image de la terre renferme les hommes, les bestiaux, les reptiles et les animaux ; parmi ceux qui fendent les eaux, les poissons et les cétacées ; parmi les oiseaux, ceux qui sont carnivores et ceux qui ne le sont pas ; parmi les plantes, celles qui sont fécondes et celles qui sont stériles. Voilà le décalogue naturel de la terre. Quant à l’arche, qui contenait les tables de la loi, ce sera la sagesse et la connaissance des choses divines et humaines. Peut-être aussi que les deux tables sont la promulgation des deux Testaments. Elles ont été mystiquement renouvelées, quand l’ignorance et le péché débordèrent à la fois. Les préceptes, à ce qu’il semble, sont écrits deux fois pour les deux esprits, l’un qui commande, l’autre qui obéit,
« puisque la chair s’élève contre l’esprit, et l’esprit contre la chair. »
Le nombre dix se retrouve aussi dans l’homme : il a cinq sens, il parle, il se reproduit ; au huitième rang se place le souffle vital qui anima son corps dès sa formation ; l’âme à laquelle appartient l’empire arrive la neuvième ; enfin la vertu de l’Esprit saint qui vient se reposer dans l’homme par la foi et lui imprime sa forme et son caractère, complète le nombre dix. Ajoutez que la loi semble imposer ses prescriptions aux dix éléments qui composent l’homme, à la vue, à l’ouïe, à l’odorat, au tact, au goût, et aux organes qui vont par deux et sont les ministres des précédents, à savoir les pieds et les mains. Voilà pour la formation de l’homme. L’âme y est introduite, et, avant l’âme, le principe dirigeant par lequel nous raisonnons, et qui ne doit pas son origine à l’émission de la semence, de sorte que, sans même le compter, on obtient les dix facultés par lesquelles s’exécute l’universalité de nos actes. En suivant l’ordre de ces phénomènes, l’homme, en effet, aussitôt qu’il est né, débute dans la vie par tout ce qui est soumis aux passions. Or, nous tenons la faculté de raisonner, qui domine toutes les autres, pour la cause constituante de l’animal : il y a mieux, nous disons que la partie irraisonnable est animée, et en est une portion. Le principe vital, dans lequel est renfermée la vertu d’accroissement, et, pour le dire en général, de tout mouvement, est échu à l’esprit charnel qui est doué d’une mobilité prodigieuse, qui se porte en tous lieux par les sens et le reste du corps, et s’affecte le premier par le corps. Mais la faculté dominante possède la liberté au fond de laquelle sont l’examen, la règle, la connaissance. Ô merveille ! tout est ordonné par rapport à une seule faculté dominante pour laquelle l’homme vit, et vit d’une certaine façon. C’est donc par l’esprit corporel que l’homme sent, désire, se réjouit, s’irrite, se nourrit, se développe ; par lui qu’il agit conformément à ce que la réflexion a conçu et déterminé. Quand les passions sont vaincues, la faculté dominante triomphe. Ainsi ce précepte :
« Tu ne désireras point, »
ne signifie pas autre chose, sinon : Au lieu d’obéir en esclave à l’esprit charnel, tu lui commanderas en maître, parce que, d’une part,
« la chair s’élève contre l’esprit, »
rebelle toujours prête à se jeter dans la honte et les excès contraires à sa nature ; et que, de l’autre, l’empire a été donné
« à l’esprit pour gouverner la chair, »
afin que l’homme agisse dans tout le cours de sa vie conformément à sa nature.
Les livres saints n’ont-ils pas raison quand ils nous disent que
« l’homme a été fait à l’image de Dieu ? »
Il ne s’agit pas, dans cette occurrence, de son organisation extérieure. Cette parole signifie qu’à l’exemple de Dieu, qui procède en toutes choses avec la raison de son Verbe, le véritable Gnostique accomplit des œuvres qui tirent leur bonté de la raison par laquelle il est toujours conduit. Les deux tables de la loi, on l’a insinue avec vérité, sont donc le symbole des préceptes qui, donnés aux deux esprits, à celui qui est créé, comme à celui qui gouverne, devancèrent la loi. Ils désignent, en outre, les impulsions de nos sens qui se divisent en deux espèces, selon qu’elles gravent leur empreinte dans notre esprit, ou qu’elles procèdent de l’opération du corps ; double voie pour saisir les objets. Les sens s’appliquent au monde de la matière, l’intelligence au monde de la pensée. Quant aux actions, elles sont aussi de deux sortes ; ici elles naissent de la réflexion, là d’un mouvement physique.
Le premier précepte du Décalogue nous met sous les yeux un Dieu unique, tout-puissant, qui tira de l’Égypte le peuple élu, pour le conduire à travers les solitudes dans l’héritage de ses pères. Par le second, le Créateur veut que les Hébreux, à l’aspect de ces divines merveilles, comprennent, autant qu’il est en eux, la grandeur de sa puissance ; il veut encore que, mettant leur espérance dans le vrai Dieu, ils n’adressent point un hommage idolâtrique à la créature. La majesté de l’Eternel, vraiment digne de tes respects, et qui n’est autre chose que son nom — la multitude ne pouvait alors en connaître davantage — tu ne la prendras point en vain, pour appliquer cette dénomination auguste aux objets créés et périssables, que la main des hommes a forgés, et sous lesquels ne se trouve pas CELUI QUI EST : car, dans l’identité incréée, celui qui est existe seul ; tel est le sens du troisième commandement. Le quatrième nous annonce que le monde est l’œuvre de Dieu, que Dieu nous a donné le septième jour pour nous reposer, à cause de l’affliction qui travaille notre vie, et des maux auxquels nous sommes sujets. Dieu, en effet, dans son éternelle vigueur et sa sainte impassibilité, n’a pas besoin de repos. Il n’en est pas de même de nous, qui portons le fardeau de la chair. Le septième jour est donc appelé jour de repos, qu’est-ce à dire ? abstinence de tout mal, qui prépare en nous ce premier jour, où naquirent toutes choses, qui est véritablement notre repos et auquel remonte la première apparition de cette lumière, dans laquelle vous voyons et possédons l’infini. C’est à dater de ce jour que les premiers rayons de la sagesse et de la connaissance nous illuminent, je veux dire l’Esprit du Seigneur, lumière de la vérité, flambeau réel et indéfectible, qui, se distribuant sans se diviser, dans ceux qui ont été sanctifiés par la foi, est le soleil des intelligences éclairant tout ce qui existe. Suivre ses clartés pendant toute la durée de notre vie, c’est nous établir dans une sainte impassibilité. Voilà ce que j’appelle nous reposer. Aussi Salomon nous montre-t-il le Tout-Puissant engendrant, bien des siècles avant le ciel, la terre, et tout ce qui est, la sagesse dont la possession, sinon par essence, au moins par les efforts qui nous élèvent à elle, révèle par voie de compréhension à ceux qui sont ici-bas les lois divines et humaines.
Parvenus à ce point, puisqu’il a été question du septénaire et de l’octonaire, il nous importe de rappeler brièvement que l’octonaire, absolument parlant, semble n’être que le septenaire, et que dans le même sens le septénaire devient le nombre six, qui lui-même est proprement le jour du sabbat. Le septenaire, ainsi envisagé, est destiné à l’action. En effet, nom voyons la création du monde terminée dans l’espace de six jours. Le soleil met six mois à compléter sa révolution d’an tropique à l’autre. Pendant cet intervalle, les feuilles tombent une fois ; une autre fois les plantes pullulent et les germes se développent. On dit encore que le fœtus est entièrement formé dans l’espace de six mois, c’est-à-dire, au bout de 182 jours et demi, comme l’écrivent le médecin Polybe dans son Traité des enfants qui viennent à 8 mois, et le philosophe Aristote dans son ouvrage De la nature. C’est sans doute à cause de la création de l’univers, consommée en six jours, que les disciples de Pythagore, guidés par le prophétique historien de la Genèse, regardent comme parfait, le nombre six, qu’ils appellent Meseuthys et Gamos. Messuthys, parce qu’il est une sorte de milieu placé a une égale distance entre 10 et 2 ; Gamos, parce que ce mot signifie mariage. En effet, de même que le mariage engendre par l’union de l’homme et de la femme, de même six est engendré par le nombre impair 3, et par le nombre pair 2, qui est regardé comme femelle. Deux fois trois produisent six. D’ailleurs, les mouvements par lesquels se répand la génération sont variés, en haut, en bas, à droite, à gauche, en avant, en arrière.
C’est donc à bon droit que, regardant le nombre sept comme né sans mère et n’engendrant aucune postérité, l’on en fait le symbole du sabbat et l’allégorique emblème de ce repos
« dans lequel on ne se mariera point. »
Car ce nombre, qui n’est le produit d’aucun facteur, ne produit aucun des nombres compris entre un et douze.
L’octonaire ou le nombre huit, est appelé cube par ceux qui comptent la sphère immobile au nombre des sept planètes, an moyen desquelles s’accomplit la grande révolution de la grande année, qui verra la rétribution générale et l’accomplissement des promesses. Voilà pourquoi le Seigneur, étant monté sur le Thabor, lui quatrième devient bientôt le sixième et dans la splendeur de sa lumière, laisse échapper les vertus qui partaient de lui, autant du moins que pouvaient les soutenir ceux qu’il avait destinés à ce spectacle. Une voix, c’est le septième personnage, le proclama Fils de Dieu. Que voulait-elle ? que ses compagnons se reposassent en lui par la fermeté de leurs convictions ; et que lui-même, complétant l’octonaire par la génération dont le nombre six, avec ses merveilleuses propriétés, était l’emblème, apparût un Dieu incarné, dans tout l’éclat de sa puissance, pris pour un homme véritable, mais ignoré dans le mystère de sa nature. Six en effet, a son rang parmi les nombres, mais la suite des lettres ne renferme pas le signe qui l’exprime. Dans la numération, chaque unité garde sa place jusqu’à sept et huit : dans l’alphabet, au contraire, le théta est la sixième lettre et l’éta, la septième ; mais le signe numérique ϛ’ s’étant glissé, je ne sais comment, dans l’alphabet, en acceptant ce système, sept devient six, et huit devient sept. Voilà pourquoi il est dit encore que l’homme fut créé au sixième jour, l’homme fidèle à celui que représente la figure 6, afin d’être investi sur-le-champ de l’héritage que promet le Seigneur. La sixième heure, qui est celle où se consommèrent l’agonie de l’homme et l’œuvre de notre salut, renferme aussi quelque chose de sacré. Il est donc prouvé que 8 équivaut à 7 et 7 à 6 pour le rang qu’ils occupent. Car c’est dans cet autre sens mystique que le septénaire a glorifié l’octonaire, et
« que les cieux annoncent aux cieux la gloire du Très Haut. »
Leurs figures sensibles sont nos lettres phonétiques. C’est ainsi que le Seigneur lui-même a été appelé l’Alpha et l’Oméga, le
« commencement et la fin, — par qui tout a été fait et sans lequel rien n’a été fait. »
Il ne faut donc pas s’imaginer que le repos de Dieu, comme quelques-uns le conçoivent, ait été une suspension d’activité. Bon par son essence, si Dieu venait à cesser de faire le bien, il cesserait au même instant d’être Dieu, parole qui serait un monstrueux blasphème. Il se reposa, qu’est-ce à dire ? il ordonna que l’ordre établi se maintint inviolablement pendant toute la durée des siècles, et que chaque créature se reposât de son antique confusion. Car les créatures qui sortirent du néant à des jours divers s’enchainèrent dans une merveilleuse harmonie, afin que les êtres fussent glorifiés d’après leur antériorité d’apparition, inégaux en honneur, quoiqu’ils aient jailli tous à la fois de la même pensée. La naissance de chacun d’eux n’eût pas été distinctement signalée par la voix du Très haut, si la création avait été désignée en masse. Il fallait que le langage procédât par ordre. Voilà pourquoi l’historien sacré nomme une première création, puis une seconde, lorsque néanmoins la souveraine majesté tira simultanément l’universalité des êtres d’une même essence. La volonté de Dieu, si je ne me trompe, est une dans son unique identité. Comment, d’ailleurs, la création se serait-elle accomplie dans le temps. si le temps lui-même eût été contemporain de la création ?
Mais que dis-je ? le monde tout entier, La nature vivante, comme la nature inorganisée, mule sur le septénaire. On compte sept anges premiers-nés, chefs de tous les antres, et revêtus de la plus grande puissance. Suivant les astronomes, la terre est gouvernée par sept planètes errantes, auxquelles les Chaldéens prêtent de merveilleuses sympathies avec ce qui nous arrive, et par l’inspection desquelles ils se vantent de connaître l’avenir. Au nombre des étoiles axes sont les sept Pléiades. Les deux ourses se composent de sept étoiles qui dirigent l’agriculture et la navigation. La lune aussi change de forme chaque septième jour ; simple croissant dans la première semaine, pleine an bout de la seconde, redevenue simple croissant à la troisième, depuis qu’elle a commencé de décliner, entièrement effacée à la quatrième. Il y a mieux : le mathématicien Séleucus lui assigne sept phases différentes. Invisible d’abord, courbée en croissant, puis demi-pleine, puis entièrement pleine et arrondie ; puis déclinant toujours, arrondie, demi-pleine encore une fois et courbée en croissant.
« Chantons un hymne nouveau sur les sept tons de notre lyre, »
écrit un poète qui n’est pas sans gloire, nous apprenant ainsi que la lyre antique avait sept tons. Notre visage porte sept auxiliaires de nos sensations ; deux yeux, deux conduits pour les sons, deux narines, et la bouche qui complète le septénaire. Les élégies de Solon nous avertissent aussi, dans les vers suivants, que le septénaire préside aux diverses périodes de la vie humaine :
« Lorsque l’enfant aura vu s’accomplir les sept premières années de sa vie, tu regarderas dans sa bouche le rempart de ses dents. Que la Divinité lui donne encore sept années ; arrive l’époque de la puberté. Quand il aura grandi pendant sept années nouvelles, ses joues se couvriront d’une barbe épaisse. Ajoute à son âge un pareil nombre d’années, que dons toute la vigueur de sa force, il prend rang parmi les hommes. La présence du cinquième septénaire l’avertit de chercher une épouse, et de songer à revivre dans sa postérité. La sixième révolution est venue : avec elle apparaissent la prudence, l’habileté, et le dégoût de tout ce qui est frivole ou insensé. Le septième et le huitième septénaire brillent par la richesse de l’éloquence et du génie. Dans le neuvième, la force du corps et de l’intelligence subsiste encore, mais affaiblie, et incapable de grandes choses : après la dixième période, l’homme, mûr pour le tombeau, tombe sous les coups de la mort. »
Poursuivons : dans les maladies, le septième et le quatorzième jours sont des jours critiques où la nature est aux prises avec le principe du mal. Hermippe de Béryte rapporte encore, dans son Traité du septenaire, mille autres propriétés merveilleuses. Mais écoutons le bienheureux David lui-même. Il va découvrir en termes formels aux regards du Gnostique une supputation mystique en rapport avec le septénaire et l’octonaire :
« Notre vie, dit-il, est aussi fragile que la toile de l’araignée. Les jours de nos années, sont soixante-dix années, quatre-vingts pour les forts. Au-delà, c’est régner. »
Mais ne nous y trompons pas, le monde a été engendré et non fait dans le temps. Pour nous en convaincre, la prophétie ajoute :
« Telle fut l’origine des cieux et de la terre, lorsqu’ils furent créés, au jour que le Seigneur fit la terre et les cieux. »
Ces paroles, lorsqu’ils furent créés, expriment une énonciation indéfinie et que ne limite aucune époque ; mais ces mots, au jour que le Seigneur fit, c’est-à-dire, dans qui et par qui il créa toutes choses, et sans lequel rien n’a été fait, désignent l’opération qui a lieu par le Fils, dont le Psalmiste a dit :
« C’est ici le JOUR que le Seigneur a fait ; réjouissons-nous en lui et tressaillons d’allégresse ? »
Qu’est-ce à dire ? Asseyons-nous au banquet divin par la connaissance qu’il nous a transmise. Le Verbe, en effet, qui illumine les plus épaisses ténèbres, et par l’intermédiaire duquel est arrivée à la lumière et à la vie toute créature, a été appelé notre Jour. En deux mots, le Décalogue nous montre par la lettre iôta le nom de bénédiction par excellence, en nous mettant sous les yeux Jésus, qui est le Verbe.
Le cinquième précepte qui vient après, dans le Décalogue, a pour but l’honneur que nous devons à notre père et à notre mère. Il proclame ouvertement que Dieu est notre père et notre Seigneur ; de là le titre de fils et de dieux donné à ceux qui l’ont reconnu. Notre père, notre Seigneur, c’est donc le créateur de toutes choses. Mais quelle sera notre mère ? La chercherons-nous avec quelques-uns dans la substance dont nous avons été engendrés ? ou bien sera-ce l’Église, comme le veut plus d’un commentateur ? Nullement. Notre mère,
« la mère des justes, »
selon le langage de Salomon, c’est la divine connaissance, la sagesse, qu’il faut choisir pour elle-même. D’ailleurs la connaissance de tout ce qui est beau, de tout ce qui est honorable nous vient de Dieu par le Fils. Suit le précepte qui défend l’adultère. On est coupable d’adultère, lorsque, transfuge de l’Église, de la véritable connaissance, et de la foi à l’existence d’un Dieu, on se jette dans des opinions condamnables ; ou bien quand on érige en Dieu quelque créature, ou bien encore quand ou taille eu forme de simulacre ce qui n’est pas, franchissant ainsi la limite de la connaissance, je me trompe, déserteur de la connaissance. Les opinions erronées sont aussi étrangères au Gnostique que les opinions véritables lui sont habituelles et comme inhérentes. Voilà pourquoi l’illustre apôtre appelle l’idolâtrie une sorte de fornication, d’accord avec le prophète, qui dit :
« Il s’est prostitué au bois et à la pierre. — Il a dit au bois : tu es mon père ; et à la pierre : tu m’as engendré. »
Vient ensuite le précepte qui défend le meurtre. Le meurtre est une suppression fermement arrêtée. Supprimer, au sujet de Dieu et de sou éternité, la doctrine véritable pour y substituer le mensonge ; dire, par exemple, que nulle Providence ne gouverne l’univers, affirmer que le monde n’a pas été créé, nier enfin quelque dogme sacré dans l’ensemble de la doctrine, c’est faire acte de meurtrier. Le commandement qui suit défend le vol. De même que le ravisseur du bien d’autrui, quand le dommage est considérable, ajustement mérité le supplice qui le frappe, de même les téméraires qui usurpent les attributions divines par la peinture et la sculpture, et se proclament insolemment les créateurs des animaux et des plantes ; de même encore ceux qui imitent la philosophie véritable, sont des voleurs. Agriculteur, père d’un fils, qu’importe ? ils sont les ministres de Dieu, chargés par lui de semer sa parole. Mais Dieu, qui donne l’accroissement, amène chaque plante au point qui convient à sa nature. Un grand nombre des nôtres, semblables là-dessus aux philosophes, attribuent l’accroissement des germes et leurs transformations à l’influence des astres, dépossédant ainsi, du moins autant qu’il en est en eux, le père de tous les êtres de son indéfectible puissance. Les éléments et les astres ! Puissances obéissantes, ils ont été créés par Dieu pour exécuter les plans de sa divine providence, et ils volent en esclaves accomplir les commandements de leur maître, partout où les guide la parole du Seigneur, puisque l’éternelle puissance a coutume d’opérer eu toutes choses par des voies mystérieuses. Vous tous donc qui vous écriez : Nous avons imaginé ou fait quelqu’une des choses qui appartiennent à l’ensemble de la création, vous aurez à rendre compte de votre sacrilège entreprise.
Le dixième commandement interdit tous les désirs. Convoiter ce qui est contraire au devoir amène une responsabilité sévère. De même il n’est pas permis de soupirer après ce qui est faux, ni de s’imaginer que les êtres vivants sont capables de sauver ou de perdre par eux-mêmes, tandis que les objets inanimés ne le peuvent en aucune façon. L’antidote ne saurait guérir, ni la ciguë ôter la vie, me dites-vous ! Vous êtes la dupe d’un adroit sophisme ! Rien n’opère sans le secours de l’intelligence qui emploie la plante et le médicament, pas plus que la hache ou la scie ne fend, et ne coupe sans le bras qui les dirige. Non sans doute, elles n’agissent point par une impulsion qui leur est propre ; mais elles sont douées de certaines énergies naturelles qui, appliquées par une main étrangère, consomment leur œuvre spéciale. Il en est de même de la providence générale de Dieu. Elle emploie le ministère des forces plus rapprochées d’elle et plus immédiates pour propager jusqu’aux derniers degrés de l’échelle des êtres l’efficacité de son opération.