Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE VI

CHAPITRE VIII
ACTION HARDIE D'ORIGÈNE

[1] A cette époque, quand Origène s'acquittait de sa fonction dans la catéchèse d'Alexandrie, il fit une chose qui est la plus grande preuve d'un esprit sans maturité et juvénile, mais aussi de foi et de chasteté. [2] Le passage : « Il y a des eunuques qui se sont rendus tels eux-mêmes pour le royaume des cieux », fut pris par lui de la façon la plus simple et la plus enfantine, et soit dans la pensée d'accomplir la parole du Sauveur, soit aussi parce qu'il prêchait la parole de Dieu, lui tout jeune homme, non seulement aux hommes mais encore aux femmes ; afin de couper court à tout soupçon et calomnie malveillante de la part des infidèles, il se mit à accomplir d'une façon réelle la parole du Sauveur et il eut soin d'en garder le secret à l'égard de la plupart de ses amis. [3] Mais il ne dépendait pas de lui, malgré son vouloir, qu'un tel fait demeurât caché. Plus tard en effet, Démétrius, en sa qualité de chef de l'église de ce pays, le connut ; il admira tout à fait Origène pour sa, hardiesse ; il loua son zèle et la sincérité de sa foi, il l'exhorta à avoir confiance et l'encouragea à s'adonner, maintenant surtout, à l'œuvre de la catéchèse. [4] Telle fut à cette époque l'attitude de Démétrius ; mais peu de temps après, lorsque la même époque vit que les succès d'Origène le rendaient grand, illustre et célèbre entre tous, il en éprouva un sentiment humain, et il essaya de l'accuser près des evêques de la terre, d'avoir tenté une action très déraisonnable, quand les évêques les plus estimables et les plus en renom de Palestine, ceux de Césarée et de Jérusalem, avaient jugé Origène digne de récompense et de l'honneur le plus haut, et lui avaient imposé les mains pour le sacerdoce. [5] Il était arrivé alors à une grande gloire, et son nom était partout sur les lèvres de tous les hommes, et il possédait une réputation de vertu et de sagesse singulière ; Démétrius n'ayant pas d'autre sujet de plainte, lui reprocha méchamment l'action qu'il avait depuis longtemps commise dans son enfance et il eut l'audace d'envelopper dans ses accusations ceux qui l'avaient promu au sacerdoce.

[6] Mais ceci arriva un peu plus tard : alors Origène était occupé à Alexandrie à l'œuvre de l'enseignement divin, il soutenait à tous ceux qui l'approchaient librement, la nuit et le jour, sacrifiant tout son loisir, sans hésitation, à ses divines études et à ceux qui venaient vers lui.

[7] Sévère avait possédé le pouvoir dix-huit ans. Antonin son fils lui succéda. Alors parmi ceux qui s'étaient conduits bravement dans la persécution et qui avaient été sauvés après les luttes de la confession par la providence de Dieu, se trouvait un certain Alexandre que nous avons récemment présenté comme évêque de l'église de Jérusalem. Il s'était tellement distingué dans les témoignages rendus au Christ qu'il fut jugé digne du susdit siège, quoique Narcisse son prédécesseur fût encore vivant.

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