« Quelques philosophes admirant plus l’univers que le créateur, ont proclamé, que le monde n’avait pas eu de création et qu’il était éternel, mettant faussement en avant l’inertie absolue dont ils ont indignement gratifié la divinité, lorsqu’au contraire, étonnés de ses attributs comme créateur et comme père, ils n’auraient dû mettre aucune mesure à l’expression de leur vénération pour lui. Moïse les ayant devancés dans la sublimité de sa philosophie, instruit d’ailleurs des secrets les plus cachés de la nature par les révélations divines, a compris qu’il était de toute nécessité qu’il y eût dans les choses un agent (c’est-à-dire une intelligence plus pure et plus sublime que tout le reste) plus savant que la science, meilleur que le bien lui-même, plus beau que la beauté, puis patient, inanimé et immobile par sa nature, un, qui n’est mu, transformé, animé que par l’intelligence, qui l’a changé au point de produire le plus magnifique de tous les Ouvrages, qui est l’univers. Ceux qui disent que le monde n’a pas été engendré, en retranchant la Providence, ont perdu de vue que rien n’est plus utile ni plus nécessaire pour à piété. Car la réflexion prouve qu’un père en même tempe créateur, prend soin de la créature. Comme père, il suppute tout ce qui peut assurer la durée de ceux à qui il a donné le jour : comme artisan suprême, il veille à ses ouvrages, il écarte d’eux tout ce qui y porterait préjudice ; il désire donc y faire affluer de toute manière ce qui peut contribuer à leur avantage et a leur salut. Au lieu qu’il n’y a nulle intimité entre ce que n’a pas été engendré et celui qui n’en est pas le créateur. Dogme désolant et funeste qui tend à établir l’anarchie dans l’univers comme dans une cité, de n’avoir plus ni magistrat, ni régulateur, ni juge, pour qu’elle soit maintenue dans l’ordre et dans la dépendance.
« Le grand Moïse ayant jugé qu’il y a opposition complète entre les choses visibles et celles qui existeraient sans principe et d’elles-mêmes (car tout ce qui est sensible, étant compris entre la naissance et la dissolution, ne saurait pas être toujours égal à soi-même) : le grand Moïse, dis-je, a attribué à l’invisible et intellectuel, l’éternité, comme étant d’origine fraternelle, et au sensible il lui a consacré le nom qui le caractérise, γένεσις genèse ou génération.
« Or, puisque ce monde est visible et sensible, il a nécessairement eu un principe d’existence ; ce n’est donc pas sans motif ; mais par l’effet d’une théologie éminemment vénérable qu’il a intitulé ce livre γένεσις, c’est-à-dire génération. »
Bornons à ceci la preuve que le monde a été créé. Le même écrivain, dans son traité sur la Providence, fait ressortir, de raisonnements d’une haute portée, la’ démonstration que tout est administré par elle : il place en première ligne les objections des athées, et fait suivre les réponses. Dans la crainte qu’ils ne paraissent trop étendus, je me contenterai de rapporter ce qu’ils ont de plus substantiel et de plus saillant en retranchant à plus grande partie. Voici comment il dispose son argumentation :