(2 octobre)
Léger mérita par ses vertus d’être élu évêque d’Autun. À la mort du roi Clotaire, et comme on était en peine de choisir un nouveau roi, Léger, inspiré de Dieu, et avec l’approbation des princes, mit sur le trône le jeune Childéric, frère de Clotaire, merveilleusement doué pour la royauté. Seul Ébroïn, ministre de Clotaire, aurait voulu élever au trône un autre frère du roi défunt, nommé Thierry : et cela non point dans l’intérêt du royaume, mais dans le sien propre, parce que, chassé du pouvoir et détesté de tous, il redoutait la colère de Childéric et des princes. Aussi cet Ébroïn, dès qu’il vit échouer ses efforts, demanda-t-il au roi la permission d’entrer dans un monastère. Childéric le lui permit, en même temps qu’il plaçait sous bonne garde son frère Thierry, afin de prévenir ses mauvais desseins. Après quoi grâce aux conseils de l’évêque, tout le royaume jouit d’une paix admirable. Mais au bout de quelque temps le roi, corrompu par de méchantes influences, se prit d’une telle haine contre le saint évêque, qu’il cherchait le moyen de le faire périr. Alors l’évêque, plein de douceur et embrassant comme des amis ses pires ennemis, invita le roi à célébrer la fête de Pâques dans sa cathédrale. Et, le matin de cette fête, il apprit que le roi avait l’intention de l’assassiner. Il n’en reçut pas moins son meurtrier à sa table ; mais le soir venu, il se réfugia au monastère de Luxeuil, où il servit avec charité Ébroïn lui-même, qui se cachait dans ce monastère sous l’habit d’un moine.
Peu de temps après, Childéric mourut, et Thierry monta sur le trône. Alors Léger, touché des larmes et des prières de son peuple, et contraint par l’ordre de son abbé, reprit possession de son siège épiscopal, tandis qu’Ébroïn, de son côté, ayant jeté le froc, était nommé sénéchal du nouveau roi. Or cet Ébroïn, qui auparavant déjà était mauvais, devint pire encore depuis ce moment, et ne pensa qu’aux moyens de se défaire de Léger. Il envoya des soldats pour s’emparer du saint ; et celui-ci, pendant qu’il sortait de sa ville en habit pontifical, fut appréhendé, eut les yeux crevés, et fut jeté en prison où il resta deux ans. Ébroïn le fit ensuite amener au palais du roi avec son frère Garin. Et comme tous deux, bravant le ministre, répondaient sagement et pacifiquement, Ébroïn fit lapider Garin, et ordonna que Léger fût traîné, un jour entier, pieds nus sur des pierres très aiguës. Puis, apprenant que l’évêque continuait à louer Dieu dans ses tourments, il lui fit couper la langue et le fit ramener en prison. Mais le saint ne perdit pas l’usage de la parole. Plus ardemment que jamais, au contraire, il se livra à la prédication : il prédit même tous les détails de sa mort, ainsi que celle d’Ébroïn. Et une immense lumière entourait sa tête comme une couronne, ce dont tous les assistants furent émerveillés. Alors Ébroïn ordonna à quatre bourreaux de lui trancher la tête. Et comme ceux-ci conduisaient le saint au lieu du supplice, il leur dit : « Mes chers frères, ne vous fatiguez pas à faire ce long chemin, mais plutôt exécutez ici l’ordre de celui qui vous a envoyés ! » Alors trois d’entre eux furent si touchés que, tombant à ses pieds, ils lui demandèrent pardon. Le quatrième, au contraire, eut le triste courage d’exécuter sa mission : et, dès qu’il l’eût fait, un démon s’empara de lui et le jeta dans le feu, où il périt misérablement.
Deux ans après, Ébroïn, apprenant que le corps du saint s’illustrait par de nombreux miracles, chargea un officier d’aller s’informer par lui-même de ce qui en était. L’officier plein de morgue et d’arrogance, foula aux pieds le tombeau, du saint, en s’écriant : « Que meurent tous ceux qui croient qu’un mort peut faire des miracles ! » Et voilà qu’un démon s’empara de lui et le tua sur-le-champ. Ce qu’apprenant, Ébroïn souffrit plus cruellement encore de l’envie ; et, un jour, suivant la prédiction du saint, il se tua lui-même en se perçant de son épée. Le martyre de saint Léger eut lieu en l’an du Seigneur 680, sous le règne de l’empereur Constantin IV.