16e siècle
Nous ne savons comment il faut prier, ni quoi ; mais le Saint-Esprit vient au secours et intercède pour nous par gémissements inénarrables. Non pas que lui, à proprement parler, prie ni gémisse ; mais en tant qu’il nous élève en fiance, et nous pousse à toutes bonnes et saintes requêtes et émeut en nous les soupirs qui font valoir l’oraison : à quoi toutes les forces de notre nature ne suffiraient point. Et non sans cause, saint Paul appelle les gémissements que les fidèles apportent devant Dieu par le conduit du Saint-Esprit inénarrables. Car ceux qui sont vraiment exercés en prières n’ignorent pas qu’ils se trouvent souvent estraints en telles perplexités et angoisses, qu’ils ne savent par quel bout commencer. Même quand ils s’efforcent de bégayer, encore sont-ils si confus et enveloppés qu’ils ne peuvent passer outre. Dont il s’ensuit que le don de prier est singulier. Ces choses ne peuvent être prises à ce que nous résignions l’office de prier au Saint-Esprit, et nous flattions en notre paresse, à laquelle nous ne sommes que trop enclins : comme beaucoup de gaudisseurs diront, qu’il faut attendre, que Dieu attire à soi nos esprits, puisqu’il les voit ainsi extravagants : mais c’est afin qu’en nous déplaisant en notre nonchalance et stupidité, nous, désirions d’être secourus. Et de fait, quand saint Paul nous commande de prier en esprit, il ne laisse point de nous exhorter à soin et vigilance ; signifiant que le Saint-Esprit exerce tellement sa vigueur en nous duisant à prier, qu’il n’empêche point ou retarde les efforts que nous avons à faire de notre côté : pour ce que Dieu veut expérimenter combien la foi incite vertueusement nos cœurs.