Préparation évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE XXII
DE THÉODOTE SUR LE MÊME SUJET

Théodote, dans son ouvrage sur les Juifs, dit que Sichem (τὰ Σίκιμα) tire son nom de Sichimius, fils de Mercure ; car ce fut le fondateur de cette ville qui est située, ajoute-t-il, dans le pays des Phéréziens.

« Cette contrée était fertile, pâturée par les chèvres et arrosée par des sources ; le chemin qui des champs, menait à la ville ne s’étendait pas en longs détours, il n’exerçait pas non plus les voyageurs par de pénibles efforts en faisant gravir des escarpements buissonneux. Du sol, s’élèvent deux montagnes fort rapprochées, semblables à deux citadelles, où l’herbe croît en abondance ainsi que les arbres forestiers : entre deux, un sentier Ira verse le vallon étroit qui les sépare ; dans une des sections, apparaît la ville sainte des Sichimites, liée dans sa partie basse à la base de la montagne, dont une muraille lisse protège les quartiers inférieurs, tandis que du haut de la montagne, une palissade se projetant du sommet, achève de l’enceindre. »

Il dit que plus tard elle fut habitée par les Hébreux lorsqu’Emmor régnait sur elle. Cet Emmor eut pour fils Sichem. Il dit en effet :

« De là, ô étranger, Jacob vint avec ses troupeaux dans la grande ville des Sichimites ; Emmor avec son fils Sichem, régnaient sur ces hommes dont il était l’allié : c’étaient deux mortels pervers. »

Après cela sur Jacob, sur son apparition en Mésopotamie, sur son double mariage, sur la naissance de ses enfants, et sur son arrivée de Mésopotamie à Sichem, entendons-le.

« Jacob se rendit en Syrie, contrée riche en bestiaux, et laissa derrière lui le large fleuve de l’Euphrate, aux flots retentissants, il vint là pour se soustraire à la terrible menace de son frère. Luban le reçut avec bienveillance dans sa maison, comme son allié et son parent. Laban alors, seul et dernier rejeton de cette race, régnait en Syrie. Il lui promit, en confirmant sa promesse d’un signe de tête, qu’il lui donnerait pour épouse la plus jeune de ses filles ; mais il n’avait pas le désir de tenir sa parole : il ourdit donc une ruse contre lui, et plaça dans ton lit Lia qui était l’aînée de ses filles. Jacob ne fut pas sans s’en apercevoir et découvrit la perfidie de Laban ; toutefois il reçut aussi en mariage la seconde fille et devint l’époux des deux sœurs. Onze fils remarquables par l’élévation de leur esprit, naquirent de ces unions, et une fille, Dina, d’une beauté éblouissante, d’une taille élégante et d’une grande pureté de cœur.

« De l’Euphrate, suivant le même, Jacob vint à Sichem auprès d’Emmor. Celui-ci l’accueillit et lui concéda une partie de ses états ; Jacob donc se livra à l’agriculture. Tandis que ses onze fils conduisaient les troupeaux, sa fille Dina et ses femmes fiiaient et tissaient les laines. Jeune fille encore lorsqu’elle vint à Sichem, Dina voulut visiter cette ville dans un moment de fête. Sichem, fils d’Emmor, l’ayant vue, en devint épris, l’enleva, et, l’ayant conduite dans sa maison, en abusa ; puis, avec son père, étant venu trouver Jacob, lui demanda de la lui donner en mariage. Jacob répondit qu’il ne pouvait pas y consentir avant que lui et tous les habitants de Sichem se fussent circoncis à la manière des Juifs. Emmor répondit qu’il s’y conformerait. Voici en quels termes Jacob s’exprime sur l’obligation où ils sont de se circoncire.

« Il n’est pas légal dans la famille des Hébreux d’introduire comme gendres dans leurs demeures quiconque ne se glorifie d’être de la même race. »

Puis plus bas il dit de la Circoncision :

« Le Dieu qui tira de sa patrie le divin Abraham, du haut des cieux lui prescrivit que tous les mâles qui remplissaient sa maison fussent dépouillés de la peau du prépuce ; et il s’y conforma. Cette loi est donc irrévocable, puisqu’elle émane de Dieu lui-même. »

Emmor étant rentré dans la ville, exhorta tous ses sujets à se faire circoncire ; mais un des fils Jacob, nommé Siméon, avait formé le projet de tuer Emmor et Sichem, voulant effacer la trace de l’insulte publique faite à sa sœur. Dans ce dessein, il se concerta avec son frère Lévi, et l’ayant amené à consentir à l’exécution de ce projet, il se prévalut d’un oracle par lequel Dieu donnait aux descendants d’Abraham dix nations à détruire, pour se mettre à l’œuvre. Voici en quels termes Siméon s’adresse à Lévi :

« J’ai certainement bien compris la parole de Dieu, par laquelle il a déclaré donner dix nations aux fils d’Abraham. »

Dieu, en effet, leur avait mis cette détermination dans l’esprit, parce que les habitants de Sichem étaient impies. Il dit donc :

« Dieu veut perdre les habitants de Sichem, car dans leur sein il n’est pas un seul exempt de crime, ni vertueux. Dans leurs villes ils ne respectent dans leurs jugements, ni la justice ni les lois. C’est leur conduite astucieuse qui leur a attiré ces oracles. »

Lévi et Siméon étant donc entrés en armes dans la ville, il commencèrent par tuer tous ceux qu’ils rencontrèrent, ensuite il firent périr Emmor et Sichem. Voici comment il rend compte de leur mort :

lorsque Siméon vit Emmor, il s’élança sur lui, il le frappa à la tête, l’ayant saisi au cou de la main gauche, et le laissa encore palpitant, parce que d’autres travaux le réclamaient. Pendant ce temps, Lévi à la force indomptable prit la chevelure de Sichem qui lui embrassait les genoux, lui qui n’avait pas réprimé les excès de sa luxure. Lévi dirige son glaive au dedans du la clavicule, et la lame aiguë pénétrant dans les organes de la poitrine, l’âme quitta aussitôt ce corps.

Les autres frères ayant appris ce qui se passait, vinrent à leur aide, ils pillèrent la ville, en tirèrent leur sœur qu’ils conduisirent avec tous les prisonniers qu’ils firent dans la demeure de leur père. »

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